Atterrissage autonome, hybridation, démonstrateurs Racer et CityAirbus : pour Airbus Helicopters, les technologies convergent pour donner le jour à une nouvelle génération de voilures tournantes. De quoi rendre crédible une feuille de route conforme à celle exigée par le gouvernement pour un successeur 40 % plus économe de l’Ecureuil. Tomasz Kryszinki, directeur de l’innovation, fait le point sur l’avancement des programmes de recherche et technologie.
Après des décennies d’améliorations incrémentales, les hélicoptères pourraient bientôt bénéficier d’avancées radicales. Les voilures tournantes ont certes connu des progrès importants sur leurs pilotes automatiques. Mais rien de commun avec ce qui les attend, notamment en matière de propulsion, si les projets en cours aboutissent.
Le système Eagle de guidage autonome à l’atterrissage se fonde sur une caméra extérieure. Une intelligence artificielle capable de reconnaissance des formes vise le « H » peint au sol. « Elle le capte d’assez loin », indique Tomasz Kryszinki. Le système détermine ainsi une trajectoire jusqu’au poser et la transmet au pilote automatique.
« Il s’agit d’alléger la charge de travail du pilote et de lui permettre de se concentrer sur la mission », souligne Tomasz Krysinski.
La deuxième phase du projet, Eagle 2, vise le niveau TRL 6 de maturité technologique en 2021. Les essais en vol sont en cours sur un Super Puma. La puissance de calcul est augmentée et l’ensemble est miniaturisé. « On pourra alors décider de lancer un programme », précise notre interlocuteur. Des discussions sont en cours avec des fournisseurs potentiels.
« Eagle pourra trouver une application sur chaque modèle d’Airbus Helicopters, pour tout type d’exploitant », poursuit Tomasz Kryszinki. Le programme Eagle a bénéficié de synergies avec la division Airbus Defence & Space, mais pas avec l’équipe en charge du projet ATTOL sur l’A350.
En parallèle, deux Lidar pourraient être ajoutés afin de détecter un obstacle lors de l’évolution près du sol à faible vitesse. Baptisé R-SAS, le dispositif protègerait en particulier le rotor anticouple. Eagle vise la facilité de pilotage, tandis que R-SAS va améliorer la perception de l’environnement par le pilote.
Et Eagle est une brique technologique pour le CityAirbus, note Tomasz Kryszinki.
Le démonstrateur de combiné Racer, successeur du X3 du début des années 2010, voit son premier vol retardé de 2020 à septembre 2021. « Il s’agit d’optimiser le planning pour assurer la qualité des livrables, » selon le directeur de l’innovation.
Selon Brice Makinadjian, l’ingénieur en chef d’Airbus sur le Racer, le glissement à l’année prochaine trouve son origine dans deux sous-ensembles : la boîte de transmission principale (BTP) et l’arbre de transmission de puissance vers les hélices. L’assemblage final a néanmoins commencé.
Le principe d’un combiné : on ralentit le rotor en croisière, la portance est assurée à moitié par les ailes et les hélices sont responsables de la propulsion. Le X3 a montré que la formule est viable. Le Racer vise à prouver qu’elle peut remplir une mission.
Deux moteurs Aneto fournis par Safran donneront la possibilité de fonctionner en « mode éco ». Le pilote pourra faire fonctionner un seul moteur en vol, profitant ainsi du meilleur rendement à haut régime. La consommation en croisière est alors réduite de 25 %. Le deuxième moteur peut redémarrer rapidement avec un alterno-démarreur à haute tension (300 V). L’ensemble a débuté des tests au sol.
Les travaux sur le Racer font partie de l’initiative européenne Clean Sky 2. Le programme d’essais prévoit 200 heures de vol en deux ans. L’appareil est dimensionné pour une vitesse de croisière de 220 kt.
Sous un autre aspect d’hybridation, « nous allons tester à la fin de l’année un système comparable à celui qui a volé sur Ecureuil en 2011 mais avec des batteries plus légères et des moteurs plus adaptés, » explique Tomasz Krysinski. L’objectif est d’aider le pilote au début et à la fin de la délicate manœuvre d’autorotation, en cas de panne sur un monomoteur. Le système a connu plusieurs évolutions dans l’application visée.
Sur la première version, un moteur de 100 kW assurait 30 s d’autonomie. Sur la seconde, deux moteurs reliés en parallèle à la BTP auront une puissance totale de 200 kW et donneront deux minutes d’autonomie.
Le prototype de quadriplace électrique CityAirbus poursuit ses essais. « Il pèse 2,2 tonnes et la puissance électrique installée est proche de 1 MW. Les problèmes technologiques sur ce type de véhicule sont liés à la taille, il est donc représentatif », souligne notre interlocuteur.
Le plan de soutien gouvernemental à l’aéronautique comprend un successeur de l’Ecureuil. « Nous parlons d’un démonstrateur. Nous progresserons en matière de trainée, d’allègement, de propulsion… et visons une diminution de la consommation de 40 %. Une fois abaissé le besoin en carburant, on peut envisager de passer à l’hydrogène », répond Tomasz Krysinski.
Car l’hydrogène est beaucoup plus volumineux à stocker (entre autres problèmes à résoudre). Quant à son utilisation, les deux options sont à l’étude chez Airbus : brûler l’hydrogène dans un turbomoteur ou utiliser une pile à combustible et un moteur électrique.
Les bureaux d’études et les laboratoires ont du travail pour quelques années, rien que pour défricher ces nouveaux domaines. Et les cycles de mise au point peuvent être longs, comme le montrent les programmes Airbus H160, Bell 525 et Kopter SH09. Les amateurs de technologie verticale devront se montrer patients.
Thierry Dubois
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