Le 1er décembre 2019, au cœur d’une nuit de tempête, l’équipage de l’EC 145 « Dragon 30 » de la Sécurité Civile perdait la vie non loin de l’aéroport de Marignane. Le BEA-É (Bureau d’enquête dédié aux aéronefs d’état) vient de publier le rapport final sur cet accident qui a fait trois morts.
Face aux inondations qui frappent la région ce jour-là, et en conséquence du déclenchement du plan ORSEC (Organisation de la réponse de sécurité civile) l’EC 145 F-ZBPZ normalement basé à Nîmes est engagé dans les opérations de secours pour épauler les nombreux appareils déjà engagés. Le pilote, instructeur au centre de formation du Groupement d’Hélicoptères de la Sécurité Civile (GHSC), et son équipage effectuent dans l’après-midi quatre missions de liaison, une de reconnaissance et un sauvetage comprenant le treuillage de deux personnes, toutes dans des conditions météorologiques difficiles.
La nuit tombée, l’équipage est activé pour une nouvelle mission dans la région du Luc. Ils quittent Martigues pour ravitailler en carburant à Marignane. Le pilote décide de prendre la direction du Luc par l’intérieur des terres mais l’appareil fait rapidement demi-tour pour suivre l’autre itinéraire, le long de la côte, semble-t-il plus praticable.
« Dragon 30 » traverse l’axe des pistes de Marignane et quelques minutes plus tard, alors que son équipage était toujours en régime de vol VFR il percute les collines de l’Estaque. Le pompier qui l’accompagnait pour cette mission est lui aussi décédé. Le drame s’est déroulé vers 20h47. L’épave est découverte à 1h14.
Les enregistreurs de vol ont été exploités : « avant le décollage, le Mécanicien Opérateur de Bord (MOB) exprime ses doutes sur le trajet choisi par le pilote » puis, après avoir franchi l’axe des pistes, le MOB exprime sa désapprobation de la situation : « C’est pas terrible ton affaire, là, hein… Non ? » Le pilote le rassure en lui précisant : « Bon je suis aux instruments hein, donc tout va bien ! » à peine quelques secondes avant l’impact.
Le rapport du bureau enquêtes accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État (BEA–É, anciennement BEAD-air) note que le contrôle aérien « affiche une complaisance avec le non respect des règles de vol VFR par le Dragon 30 » mais que « la charge de travail causée par l’importance du trafic a pu y contribuer ».
Et de fait, dans ce drame : les règles de la CAG-VFR n’ont pas été respectées (…) le pilote poursuit aux instruments (sans demander) un régime de vol compatible (IFR ou VFR Spécial tout à fait possible alors.)
Le MOB utilisait ses JVN, lesquelles rendent la perception du relief malaisée, il n’a pas été possible de déterminer si celles du pilote étaient en fonctionnement. Or, sous JVN les appareils de la Sécurité Civile appliquent les règles de navigation de la Circulation Aérienne Militaire (CAM) mais : « les règles de vol en CAM lors de l’utilisation des JVN ne sont pas définies par la DGSCGC » c’est à dire que « les minima météorologiques à respecter ne sont pas précisément définis. » Ils sont uniquement donné par les CPO, Consignes Permanentes Opérationnelles, et sont de 3.000 m de visibilité horizontale et 1.000 ft de plafond.
L’appareil a impacté près d’un sommet à un petit peu moins de 120 kt, vitesse plutôt rapide considérée comme peu adaptée aux conditions du moment, et il était toujours piloté. Le sommet des collines était noyé par la base des nuages.
Le BEA-É signale un défaut de synergie entre le pilote et le MOB mais aussi leur surcharge de travail en vol de nuit et en IMC (conditions de vol aux instruments) et conclut à un excès de confiance de la part du pilote avec comme facteur aggravant, l’environnement de l’aérodrome de Marignane, particulièrement difficile avec ce type de relief. Le pilote avait plus de 4.200 heures de vol mais dont 3.700 avaient été faites en multipilote, dans le cadre de sa précédente carrière militaire, et que volant désormais en monopilote comme c’est la règle au GHSC, ceci a pu peser sur sa charge de travail.
Surtout : « il est probable que l’équipage, habitué à ne réaliser que de l’instruction, soit particulièrement motivé pour ces missions de secours. Cet excès de motivation a pu inhiber la décision de renoncement à ce vol de liaison »
Les recommandations du BEA-É portent donc sur le respect des procédures établies et l’amélioration de la formation notamment sur le volet du travail en équipage.
Frédéric Marsaly
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C’est lamentable, et surtout si on considère que ce pilote a tué , par incompétence les membres de l”équipage qui lui faisait confiance. Le pilote , en tant que commandant de bord , est seul responsable de ce très grave accident .
Vous êtes bien injuste avec lui en le traitant d'incompétent. Commencez par faire son métier, on en reparle après.
Sinon pour tous ceux - et ils sont nombreux ici - qui parlent de minimas non respectés : là il ne s'agit pas de valeurs précises qu'on lit sur un METAR avec des RVR mesurées par des instruments élaborés, sur une zone plate d'aéroport, dégagée d'obstacles et normalisée, et qu'après il suffit de lire et de comparer avec la réglementation ou ce qu'on lit sur sa planche de bord.... bref, on n'est pas en train de faire une Cat 3 à Roissy avec stabilisation à 1500ft.
Sans charogner sur les accidents, ceux que ça intéresse peuvent lire avec profit le rapport d'accident de Dragon 2B en Corse en 2009 (BEAD-air S-2009-005-A ) qui présente quelques similitudes.
je suis tout à fait d'accord avec Catherine Bouroullec. Il n'y a rien à ajouter, elle a tout dit.
"Le rapport [....] note que le contrôle aérien « affiche une complaisance avec le non respect des règles de vol VFR par le Dragon 30 » [....] Et de fait [....] les règles de la CAG-VFR n’ont pas été respectées (…) le pilote poursuit aux instruments (sans demander) un régime de vol compatible (IFR ou VFR Spécial tout à fait possible alors.)"
Voler en VFR spécial ? Je ne vois pas du tout ce que cela aurait changé ! Est-ce bien sérieux de penser (et d'écrire) que le seul pouvoir de la parole du contrôleur, cette fameuse autorisation de VFR spécial aurait changé quelque chose, est-ce que ça aurait protégé l'hélico du crash, ou aurait fait remonter le plafond nuageux..... ?
Soyons sérieux, voler en IFR implique des contraintes incompatibles avec la mission de ce soir-là , ou qui semblaient l'être, puisque cela n'a même pas été envisagé. Ce n'est pas le contrôle qui a décidé de ne pas poser de plan de vol IFR, où est la complaisance ?
Voler en VFR spécial (qui de toute façon n'existe qu'à l'intérieur de la CTR) n'aurait rien changé, à part ajouter une phrase ou deux aux échanges sol-bord. Est-ce vraiment de la complaisance ? Mais QUI oserait trouver à redire aux plans d'action d'un équipage de la Sécurité Civile, dont nous savons tous qu'ils sont souvent d'anciens pilotes de la Marine, et surtout un jour de catastrophe régionale, où les missions de secours s'enchainent.....
Si maintenant, il faut mettre des PV aux voitures du SAMU ou aux camions de pompiers pour excès de vitesse ou feux rouges grillés, eh bien j'espère que ce sera sans les contrôleurs aériens !
Quand le choix à faire est de sauver des vies en prenant ses responsabilités, ou de respecter à la lettre des procédures fastidieuses, le choix est assez simple.
Les services de secours, on doit les aider et les décharger si possible pendant que eux prennent leurs responsabilités en gérant eux-mêmes leurs risques. C'est pour cela qu'ils sont prioritaires et parfois shuntent les règles habituelles pour aider dans leurs missions. Aux controleurs de les aider par exemple en rappelant sur la fréquence que vu leur position et altitude, y'a du relief dans le coin... Pas de leur dire qu'ils auraient du relier le point machin en IFR de classe truc...
Les gens qui attendent que leur maison s'écroule en étant sur le toit remercient les hélicos qui arrivent vite.
C'est comme cela et pour cela que les pompiers grillent des feux ou parfois prennent une voie à l'envers. Et on va leur reprocher ?
Triste société !
Eh bien Madame cette fois je suis tout à fait d'accord avec vous. On ne peut pas en vouloir au contrôleur - ce qui s'est passé était une histoire entre l'obscurité, l'équipage et ... le relief. Ils ont fait ce qu'ils ont pu et ce qu'ils croyaient être bon, il y avait des gens en péril dans le département d'à-côté, paix à leurs âmes.
Sinon des politiques, des adeptes délirants du parapluie (ou du clavier d'ordi !) pourraient craquer quelque chose du style: "on interdit le VFR de nuit aux hélicos de secours, on ne fait plus que de l'IFR" (et puis tant qu'à faire on ne recrute plus alors que d'anciens pilotes de ligne ?) Ca serait beau comme résultat.
Sinon ... anciens de l'Aéronavale à la SC .. ? moi je dirais plutôt de l'Armée de l'air (comme celui-ci) ou de l'ALAT - simple effet de nombre, tout bêtement. Mais je peux me tromper. Dans tous les cas, les combinaisons rouges, c'est comme le GIGN ou cosmonaute, ce sont des métiers où on ne rentre pas directement, il faut être passé par d'autres cases assez sélectives avant.
Rapport très intéressant. Que dire de plus ? que cela soit en hélicoptère ou en Mirage, voler à basse altitude, dans le relief, par mauvaise météo, et en plus de nuit, est une des choses les plus dangereuses en aviation.
J'ai lu : "plusieurs témoins indiquent que le pilote n’est pas familier de la zone entourant l’aéroport de Marseille Provence" - alors mon conseil à moi est : apprenez le relief, j'ai fait ça toute ma vie dans tous les endroits où j'ai volé.
Cela a un avantage : une fois su, cela ne change plus (aux antennes près, mais ça aussi c'est facile à retenir) Apprenez le nom des montagnes, cela aide à s'en souvenir (ex l'Estaque, l'Esterel, la Montagne Noire) Que d'accidents ou de quasi-crashs ont eu lieu dans ces secteurs, car les pilotes ne pensaient pas qu'il allait y avoir de tels reliefs dans ce coin-là (hum.. AF/777/Mt Cameroun...) (T67-Firefly en Calabre il y a 30 ans qui passe IMC lors d'un convoyage, et revient avec des feuilles de hêtre dans les bords d'attaque..) et sans parler de la Corse, que beaucoup trop de pilotes ignares considèrent comme étant une sorte de Morvan ... et là hélas, les exemples sont nombreux.
Même les meilleurs peuvent se faire avoir un jour.
Apprendre les minimas c'est bien mais c'est pour les pailleux, pour les tests CPL et autres, de toutes façons vous n'avez rien en vol pour les mesurer, et la météo ou le contrôle ne vous donneront qu'une indication.
Apprenez les reliefs et leur hauteur, une fois mémorisé cela ne change plus - c'est même valable en long-courrier (frontière birmane, Tatras - qui sait où c'est ?- Manille, Montagne Pelée, Comores, Pic de Teide...) Intéressez-vous à ce que vous survolez : je me souviens il y a bien longtemps d'un vieux CDB pontifiant, qui me vendit le Caucase comme étant l'Oural... C'est même distrayant, vous reliez ça à la végétation, à la neige, à l'histoire - et vous pouvez même réviser en vol avec la fonction "Terrain".
Et sinon faites comme vous voulez.
les minimas de vols dans cest conditions n ont pas été respectés ,,,que ce soit un equipage operationel ou d instruction !
"il est probable que l’équipage, habitué à ne réaliser que de l’instruction" :
Cette phrase, extraite du rapport final du BEA-E résume et explique en grande partie
les causes de ce drame.
Qui a désigné cet équipage, qui n'était pas qualifié pour un vol opérationnel ?
N'y avait il pas d'autre équipage opérationnel disponible pour cette mission ? notamment sur la base hélicoptère de Marignane ?
Cet équipage, seulement qualifié pour des vols d'instruction, n'était pas apte a réaliser un vol opérationnel, et le désigner, c'était prendre une décision irresponsable.
L'ampleur des opérations a fait que les autres appareils du secteur étaient déjà en action ici et là. Par contre, l'équipage était qualifié et apte pour les missions de secours.