En 2011, lors de sa première participation au salon Heli-Expo, une jeune pousse nommée Marenco Swisshelicopter fait irruption dans le monde des hélicoptéristes et expose à côté d’un acteur bien établi, AgustaWestland. A Heli-Expo 2020, l’Italien – rebaptisé Leonardo – annonce le rachat du Suisse – désormais Kopter. Une acquisition qui va faire des vagues : Airbus Helicopters n’a qu’à bien se tenir.
Début janvier 2020, les dirigeants d’Airbus Helicopters, numéro un mondial des voilures tournantes civiles, disaient prendre la menace du monoturbine Kopter SH09 au sérieux. Ils ne préparaient néanmoins aucun successeur à l’Ecureuil, un produit clé dans le succès du constructeur. En 2018, la famille Ecureuil (H125 et H130) représentait 47 % des commandes en nombre d’appareils et Airbus revendique une part de 70 % sur le marché des monoturbines légers, face aux Leonardo AW119 et Bell 407.
Après l’annonce de Leonardo, les ingénieurs de Marignane vont-ils être priés de s’installer devant leur planche à dessin ? Yves Barillé, le directeur de la communication, répond sur le long terme. Pour lui, la situation sur le marché de l’Ecureuil n’a pas changé puisque le SH09 n’est toujours pas certifié. Dans l’immédiat, « nous sommes plutôt dans l’optique d’améliorer un produit existant plutôt que de racheter un autre programme », note-t-il.
« La question du remplacement se posera un jour ; nous apporterons alors des innovations disruptives car ce futur modèle sera construit pour les 20 à 30 années suivantes, nous tiendrons donc compte de la nouvelle problématique de marché autour de l’environnement. » D’où les travaux dans le domaine de l’électrification avec le Vahana et le CityAirbus. La feuille de route est cohérente, affirme Yves Barillé.
Pourtant, à court ou moyen terme, le SH09 a tout pour être un compétiteur redoutable. Il est innovant, notamment avec l’utilisation de matériaux composites dans sa structure. Grâce à ses performances et à sa cabine spacieuse, il vise à la fois l’Ecureuil et les bimoteurs légers comme le H135 et le H145. Il va dorénavant bénéficier d’une organisation éprouvée, grâce à Leonardo.
Car la course d’obstacles est loin d’être terminée pour l’équipe Kopter. Des étapes majeures ont été franchies, comme l’obtention de l’agrément DOA de conception. Les essais en vol progressent rapidement.
Mais on se souvient que d’autres projets ont échoué après l’homologation. Ainsi, le biréacteur léger Eclipse 500, succès technologique jusque dans ses méthodes de fabrication, n’aura été qu’une comète dans le paysage aéronautique. Après avoir livré plus de 250 avions, Eclipse Aviation a fait faillite en 2008.
La mise en place des chaînes d’assemblage du SH09 pourra tirer parti de l’expérience de Leonardo. Un équilibre devra être trouvé entre « l’agilité » de la jeune entreprise (une fusion n’est pas à l’ordre du jour) et les synergies avec les usines de Leonardo. En tous les cas, « nous allons bénéficier de leur solidité financière », souligne une porte-parole de Kopter.
De son côté, Leonardo élimine un concurrent et gagne un cycle de recherche et développement. L’Italien se donne une chance de rebondir sur ce segment. Les 185 M€ semblent un ticket d’entrée modeste mais le montant des paiements additionnels est inconnu. Ils interviendront au fur et à mesure que le programme franchit des étapes, comme la certification.
L’obtention de ce précieux sésame se fait attendre. En 2011, il était espéré pour… 2014. Il est depuis reporté d’année en année. L’homologation est désormais espérée pour cette année ou au premier semestre 2021, selon le directeur général Andreas Löwenstein, cité dans La Tribune.
Est-ce ce retard qui a lassé Alexander Mamut, jusqu’alors actionnaire unique via son fonds d’investissement ? Début 2018, il avait chargé Andreas Löwenstein de trouver des actionnaires complémentaires à hauteur de 150-200 M€. Selon la porte-parole, plusieurs investisseurs se sont présentés. Les discussions avec Leonardo, qui ont abouti à une reprise complète, étaient déjà en cours au salon du Bourget 2019.
Au plan mondial, le rachat signifie qu’un constructeur majeur a identifié un besoin important pour un monomoteur de nouvelle génération. « Or, depuis des années, Leonardo ne s’était pas signalé comme particulièrement actif sur ce segment, » note Thierry Couderc, délégué général de l’Union Française de l’Hélicoptère. Ce changement de pied conforte l’idée que « le cadre règlementaire européen, très bimotoriste, n’est pas adapté à l’évolution de la mobilité verticale, » poursuit-il.
Le SH09 peut-il faire bouger les lignes ? Il peut montrer que le bimoteur n’est pas la seule solution dans la gestion de la sécurité des vols. « Il va nous donner un exemple du haut niveau de sécurité permis par les nouvelles technologies, » souligne Thierry Couderc. Sans oublier les normes actuelles d’homologation, bien plus contraignantes que celles auxquelles les monomoteurs en service ont été soumis.
L’expérience montre qu’un constructeur de la taille de Leonardo voudra, à terme, intégrer Kopter et renommer le SH09. Voire lui donner un air de famille. On peut s’attrister d’une possible perte de diversité. Le citoyen européen peut se réjouir de voir ces compétences se perpétuer sur le Vieux Continent.
Thierry Dubois
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Petite correction concernant l'Eclipse EA500 : la société Eclipse Aviation a effectivement fait faillite malgré des intentions de commande de 2000 avions car le prix demandé (1M$/ex) était trop bas et le constructeur a rencontré des problèmes de trésorerie. Les propriétaires des 276 avions effectivement mis en service se sont ensuite associés pour assurer la maintenance de ces avions puis le développement du programme actuellement effectué par OneAviation (http://www.oneaviation.aero/).
Et oui... A l'heure ou tout se veut gratuit et illimité, la dure réalité est là : quoi qu'on fabrique et distribue, tout à un coût et donc un prix minimum. Que l'on vende des abonnement téléphone, des tomates, ou des jets privés.
A l'heure ou des compagnies low-cost font faillite, ça n'étonne personne qu'un billet d'avion pour Alexandrie coûte moins cher qu'un billet de train pour Nantes...
Que d'affirmations péremptoires.
"Airbus n'a qu'à bien se tenir"...
L'Ecureuil est fiable, a fait ses preuves et dispose de la pleine confiance du marché. Airbus se tient bien.
"Léonardo gagne un cycle de développement"...
Encore faut-il qu'il s'intègre à une phase industrielle et à un marché donc à des acheteurs. Bonne chance à Léonardo, c'est un pari très osé dans un marché très contraint.
Demandez à Kodak et Nokia ce qu'ils pensent, à posteriori, d'un raisonnement comme le votre...
L'immobilisme tue, et en la matière, Airbus/Europcopter, est un modèle du genre.
On pourrai peut être même ajouter Boeing sur la liste qui ne voulait pas développer un nouveau 737!!!
Peut-être, mais il faut aller au bout du benchmark...
C'est du temps et de l'énergie gagnée pour Léonardo, certainement.
"Eprouvé et largement vendu" ne veut pas dire qu'un produit couvre tous les besoins d'un large segment.
Cela ne veut pas dire non plus qu'un concurent n'est pas en mesure d'apporter une nouvelle vision apprécié par le marché.
Les marchés sont ouverts et les firmes proposent,... comme ce fut le cas lors de l'arrivée de l'écureuil.