Publicité
Hélicoptère

Le premier kilomètre en hélicoptère, drôle de centenaire

Published by
Frédéric Marsaly

Le 4 mai 1924, à bord d’un aéronef de son invention, l’ingénieur centralien Étienne Œhmichen réalisait le premier vol d’un appareil à voilures tournantes, en circuit fermé, d’une longueur de plus de 1000 mètres. A une époque où Lindbergh rêvait déjà d’Atlantique et où une escadrille de l’US Army progressait pour le premier tour du monde aérien, on mesure le retard de développement, à l’époque, de l’hélicoptère sur l’avion. Ce premier km est donc un acte fondateur qu’il aurait fallu célébrer comme il se doit.

Étienne Œhmichen se passionne pour la conquête de l’air après un vol en ballon captif à l’Exposition Internationale de Lyon en 1894, il n’a alors que 10 ans. Au début des années 20, il obtient de Peugeot les fonds nécessaires pour se lancer dans la construction d’aéronefs à voilures tournantes dont il estime qu’ils seront l’avenir de la conquête de l’air, n’ayant pas besoin de centaines de mètres de pistes ou de plans d’eau pour s’envoler. Il expérimente beaucoup de solutions techniques, en s’inspirant, notamment du vol stationnaire des insectes et des oiseaux.

Pour pouvoir bénéficier de documents photographiques exploitables, dans ce but, il invente une caméra capable d’atteindre 1000 prises de vues en une seconde. Il avait précédemment inventé le stroboscope électrique. Dans ses ateliers situés à Valentigney près de Montbéliard, il développe ses idées, ainsi près de 300 formes de pales sont étudiées et testées.

Son premier aérodyne baptisé « Hélicoptère n°1 » vole aux mains de son concepteur le 15 janvier 1921 sustenté par un moteur de 25 ch. Un ballon de 144 m3 d’hydrogène en assure alors la stabilisation. L’Hélicoptère n°2, dépourvu de ballon, reçoit un moteur Gnome et Rhône de 130 ch qui lui permet de tenir un vol en stationnaire de 5 minutes en juillet 1923. Le 14 avril suivant, il établit le premier record homologué par la FAI pour un aéronef à voilure tournante en parcourant 360 mètres. Et c’est donc le 4 mai 1924, toujours piloté par Œhmichen en personne que l’Hélicoptère n°2, désormais équipé d’un moteur de 180 ch, effectue un vol de plus de 1000 mètres autour d’un circuit triangulaire situé sur un terrain qui, aujourd’hui, est occupé par l’aérodrome de Montbéliard-Courcelles (LFSM).

Œhmichen poursuit ses travaux mais tout s’arrête à la fin des années 30 faute de financement.

Sa méthode scientifique et ses nombreux brevets déposés lui valent néanmoins une chaire au Collège de France où il enseigne pendant plus d’une quinzaine d’années l’aéro-locomotion mécanique et biologique au point d’être considéré aujourd’hui comme le père de la bio-mécanique aviaire.

Œhmichen s’inscrit donc dans la lignée des très grands précurseurs des voilures tournantes, parmi lesquels on peut citer Charles Renard, Louis Breguet, Juan de la Cierva, René Dorand, et Arthur M. Young. Ce dernier, père du Bell 47, cite même le brevet déposé par Œhmichen en 1935 sur la stabilisation gyroscopique des rotors dans son propre brevet final de 1948 portant sur le moyeu en balancier du premier hélicoptère produit en très grande série, établissant ainsi clairement autant l’antériorité que l’importance des travaux et des inventions de l’ingénieur français.

Décédé d’une crise cardiaque en 1955, celui-ci avait compris qu’il s’était approché plusieurs fois des solutions techniques permettant aux hélicoptères d’assurer leurs missions mais sans les atteindre. Privilège rare et preuve de son lien avec le site de Montbéliard-Courcelles, il est inhumé à l’entrée de l’aérodrome.

Alors que l’anniversaire du premier kilomètre devait être, fort justement, célébré avec faste à Montbéliard le 4 mai 2024, il est annulé pratiquement à la dernière minute, une substantielle subvention promise étant refusée par l’agglomération Pays de Montbéliard, pourtant labellisée Capitale Française de la Culture pour cette année. Ce revirement est-il le signe que cette aventure technologique se trouve en dehors de la définition du mot culture ? A moins que ce ne soit l’usage actuel du kérosène pour la propulsion des machines héritières des travaux d’Œhmichen qui a rendu frileux certains édiles ?

Cette décision créant quelques remous, Œhmichen restant une des grandes figures historiques de la région, le syndicat mixte de l’aérodrome de Montbéliard célébrera l’évènement lors d’une journée spéciale qui se déroulera, donc, le 15 juin et dont le programme précis est en cours de formalisation.

Publicité
Frédéric Marsaly

Frédéric Marsaly, passionné par l'aviation et son histoire, a collaboré à de nombreux média, presse écrite, en ligne et même télévision. Il a également publié une douzaine d'ouvrages portant autant sur l'aviation militaire que civile. Frédéric Marsaly est aussi le cofondateur et le rédacteur en chef-adjoint du site L'Aérobibliothèque.

Recent Posts

Fin du Puma dans la Royal Air Force

Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More

21 novembre 2024

Le radar de la tour de contrôle de CDG héliporté

La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More

21 novembre 2024

Service prolongé jusqu’en 2040 pour les PC-7 suisses

Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More

21 novembre 2024

Spirit Airlines se place sous la protection du chapitre 11

On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More

21 novembre 2024

Biblio – Cavalier du ciel

Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More

20 novembre 2024

Le Pérou reçoit un Beechcraft King Air 360CHW équipé evasan

Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More

20 novembre 2024
Publicité