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Hélicoptère

Le retour attendu de l’hélicoptère aux îles Marquises

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Frédéric Lert

A 1.400km au nord de Tahiti, l’archipel des Marquises ne dispose d’aucun moyen de liaison permettant des évacuations sanitaires rapides et sûres entre les iles non pourvues de pistes. Un fait divers dramatique a récemment remis en selle l’idée de baser sur place un hélicoptère.

La valeur  de l’hélicoptère n’est jamais mieux comprise que lorsque l’appareil est indisponible… Une fois n’est pas coutume, les autorités locales de Polynésie française ont bien compris l’intérêt des voilures tournantes dans le développement de l’économie locale et les missions de service public.

Au moins trois acteurs se sont successivement frottés au marché local, à la rentabilité élusive. Trois tentatives, trois échecs. Et en juillet 2017, le territoire grand comme l’Europe peuplé de seulement 280.000 habitants se retrouve sans opérateur.

Création de Tahiti Nui Helicopters

Le gouvernement local de la Polynésie française revient alors à la charge et pousse à la création d’une co-entreprise entre Tahiti Nui et le groupe HBG pour la mise en place d’hélicoptères. Air Tahiti Nui, dont le gouvernement est actionnaire, apporte son savoir-faire commercial et sa connaissance de la situation locale. HBG, qui contrôle différents opérateurs sous différentes latitudes, offre quant à lui sa connaissance du monde de l’hélicoptère.

Tahiti Nui Helicopters ainsi créée commence ses opérations en juillet 2018. Mais il y a un hic. Deux appareils de la compagnie, un H135 et un Ecureuil B2, sont basés à Papeete. Un deuxième H135 est à Bora Bora, 230 km au nord-ouest de Tahiti. Ainsi placés, avec une autonomie d’environ deux heures de vol, les appareils peuvent rayonner sur l’ensemble des iles de la Société. Mais les iles Australes et surtout les Marquises restent hors de portée.

Un fait divers dramatique

Des hélicoptères étaient pourtant disponibles aux Marquises jusqu’en 2007. Mais en raison de leur coût d’opération, ils furent remplacés cette année là par des voilures fixes. Mais quatre iles seulement sur les huit de l’archipel disposent d’une piste d’atterrissage. Pour les autres, et depuis le retrait des hélicoptères, les liaisons vers les aéroports ne peuvent plus se faire que par bateau.

Début octobre 2019, un nourrisson de trois mois est mort au cours de son évacuation entre les Marquises et Papeete. Son trajet avait commencé par 90 minutes de mer, dans des conditions météo difficiles. Un avion devait prendre le relais vers Papeete, mais le décès intervint entretemps.

Des hélicoptères, oui, mais pas à n’importe quel prix

Conséquence de l’émotion soulevée par le drame, le président de la Polynésie française a annoncé le 17 octobre devant l’assemblée locale que les choses allaient changer : « il faut bien être conscients que, même si les vies humaines n’ont pas de prix, l’exploitation d’un hélicoptère dans l’archipel aura un coût pour la collectivité car d’évidence, la rentabilité ne sera pas au rendez-vous » a-t-il expliqué. « (…) Nous avons saisi la compagnie Tahiti Nui Helicopters pour qu’elle étudie la desserte des Marquises. D’ores et déjà, elle nous a indiqué qu’il fallait mettre à niveau les infrastructures. (…) J’ai demandé au Vice-président d’ouvrir les discussions avec la société Tahiti Nui Helicopters pour l’exploitation d’un hélicoptère avant juin 2020. Nous allons donc inscrire les crédits pour la mise à niveau des infrastructures qui sont un préalable indispensable à la mise en exploitation d’un hélicoptère qui pourrait intervenir vers la mi-juin (NDA : 2020) si votre assemblée accepte le principe d’un soutien financier important ».

La dernière phrase est essentielle : en l’absence de toute perspective de rentabilité, aucun opérateur ne se lancera dans l’aventure sans financement de la collectivité.

« Nous ne pourrons jamais y aller seul » explique-t-on chez Tahiti Nui Helicopters, pressenti pour la mise en place de cet appareil. Le choix de l’appareil s’apparente également à la recherche d’un mouton à cinq pattes. Il faudra un appareil avec de l’autonomie, mais avec une masse inférieure à 4,4 tonnes pour se poser sur le toit de l’hôpital de Papeete.

L’espoir d’un H135T2 pour les Marquises

Exit donc l’AW139 de Leonardo et le H160 d’Airbus Helicopters, offrant une excellente autonomie mais trop lourds. Le Dauphin ferait un bon candidat mais l’appareil est en fin de vie et long à obtenir. L’hypothèse des H135T3 ou H145T2 semble donc tenir la corde.

Reste la question du délai : le H135T3 pourrait être livré environ 9 mois après le passage d’une commande, le H145T2 exigeant quant à lui un peu moins de deux ans. Il faudra ensuite compter sur le temps nécessaire au transport par bateau (45 jours), au remontage et à la préparation une fois arrivé en Polynésie (environ deux mois). Et le compte à rebours ne pourra débuter qu’après que le bouclage du montage financier et d’un éventuel dossier de défiscalisation, propre à Tahiti.

Pour gagner du temps, et en attendant l’arrivée d’autres appareils, il est probable que Tahiti Nui Helicopters mettra en place l’un de ses deux H135T2 aux Marquises.

Frédéric Lert

 

 

 

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • @stanloc

    Kaoha nui,

    Il y des pistes aux Marquises ;)

    Nuku Hiva NTMD (max ATR)
    Ua Huka NTMU (max Twin)
    Ua Pou NTMP (max Twin)
    Hiva Oa NTMN (max ATR)

    Il y a déjà eu un hélicoptère sur zone (basé à Nuku Hiva), qui a abandonné essentiellement à cause des paiements très, très lent, de l'administration locale qui prend en charge les évassans : résultat la trésorerie fond et la société qui exploite l'hélico ferme.
    Là l'idée est de faire venir TNH (Tahiti Nui Hélicoptère), filiale d'ATN (Air Tahiti Nui), à grand coup de subventions à mon humble avis, sinon pas rentable. Et ce n'est pas fait, attendons de voir.

    Habitant à Hiva Oa, je confirme que l'hydravion n'est pas du tout adapté pour les Marquises, la grande houle du Pacifique (qui porte mal son nom) est présente 95% du temps, même quand il n'y a pas de vent, ce qui est plutôt rare par chez nous. Et je ne parle pas des infrastructures nécessaires à mettre en place. Regarde un peu les côtes aux Marquises et tu comprendras ;)
    Cette solution n'est possible qu'aux Iles Sous Le Vent ou aux Tuamotu (lagon et atoll, comme souligné plus haut).

    Enfin, comparer une pirogue avec un hydravion, quelle drôle d'idée ;)

    A pae,
    Fred

  • @juju...

    Une ile ce n'est pas que le trait de côte, c'est aussi de la montagne comme aux Marquises.

    Un hydravion (ou amphibie) s'il réussi à amerrir (encore faut il qu'il puisse décoller!) avec une forte houle, risque d'être très loin d'une personne à secourir en montagne.

    Un hélico est tout à fait adapté pour cet environnement, et s'il ne peut pas se poser un hélitreuillage est envisageable.
    Comment font les sauveteurs aériens dans nos montagnes (PGHM, ...) ?

    Ensuite, il y a bien longtemps qu'il n'y a plus d'Alouette en activité opérationnelle! CQFD

      • Ha oui...
        Pourtant j'avais mis un lien que j'avais lu... trop vite
        Brel a passé sa qualif bimoteur sur un twin-baron, mais Jojo est bien un Twin Bonanza...
        Oups...

  • Il y a quelques semaines TV5 nous offrait à voir de magnifiques documentaires sur "Les avions du Bout du Monde".
    En Papouasie on a vu :
    "Depuis neuf ans, Mark Palm secourt gratuitement les habitants des villages du fleuve Sepik, une des régions les plus reculés de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Morsure de serpent, attaque de crocodile, crise de malaria, accouchement difficile : le quotidien de ce californien de 44 ans est une aventure, A bord de son hydravion, il transporte les blessés, apporte des médicaments, organise des campagnes de vaccination pour les 200 000 papous qui vivent le long du fleuve dans un grand dénuement.
    Il m'a semblé que l'hydravion Cessna utilisé semblait répondre très bien à cette activité. Il s'agit d'hydravions amphibies sur flotteurs

    • Vous soulevez un point intéressant. Qu'est ce qui empêche l'utilisation d'hydravions (sur flotteurs ou à coque) ? Ils seront plus rapides (ils existent en turboprop, il y a même des hydravions à réaction) que des hélicoptères, moins chers à exploiter. Ça semble bien fonctionner aux Maldives.

      Bien sûr je ne connais pas la réalité de ces contrées, alors je me pose vraiment la question.

      • @juju
        Si le relief des îles est aussi accidenté que vous le dites, où faites-vous atterrir votre hélicoptère ?
        Si la mer est calme du moins assez pour des pirogues, elle l'est assez pour un hydravion.
        L'équation est simple pour moi : combien coûte un hélicoptère récent comme il conviendrait pour ces missions et combien coûte un CESSNA 206 sur flotteurs ? Ensuite quels sont les coûts de l'entretien de ces deux machines.
        J'ai entendu un jour un mécanicien qui me disait qu'une Alouette c'était 3 ou 4 heures de mécanique pour 1 heure de vol.

      • bonjour Vladimir,
        Votre question est pertinente : en l'absence de lagon aux Marquises, un hydravion devrait se poser en mer, avec une houle parfois importante. Pas simple...

      • L'inconvénient de l'hydravion aux Marquises, c'est que ce sont des iles dépourvues de barrières de corail, ce qui limite l'accessibilité à un nombre restreint de baies. Ensuite, les Marquises ont un relief fortement accidenté, qui rend les transports terrestres très lents (d'autant plus avec des malades à transporter). Donc le choix de l'hélico semble tout à fait judicieux.

      • Ce qui m'interpelle le plus, c'est que Mark Palm fonctionne avec deux hydravions, d'après ce documentaire, avec l'argent de donateurs américains.
        On dit que c'est gratuit quand on ne sait pas qui paye.
        Si un homme et sa petite association est capable de rendre d'immenses services dans ces contrées, on peut espérer que des responsables politiques et administratifs français locaux soient capables d'en faire autant, en Polynésie française. Ou alors c'est qu'on est vraiment devenus des bons à rien.

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