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Hélicoptère

Le roi Dauphin tire sa révérence

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Frédéric Marsaly

Lorsqu’il procéda au premier décollage du Dauphin SA360 01, le 2 juin 1972, le pilote d’essais Roland Coffignot pouvait-il imaginer un tel destin pour ce nouvel hélicoptère, pensé et conçu pour régénérer la gamme de l’Aérospatiale ? Alors qu’Airbus Helicopters a mis fin à la production du Dauphin début 2022, retour sur le parcours quelque peu chaotique de ce programme.

Le premier Dauphin, au train fixe façon « taildragger », à roulette de queue, se voulait sensiblement plus volumineux que l’Alouette. L’Aérospatiale espérait pouvoir lui faire transporter un peu plus de passagers ou de charge utile, et surtout, grâce à l’implémentation d’innovations validées sur les appareils précédents, lui offrir la touche de modernité qui en ferait un succès. C’est ainsi que le Dauphin reçut un fenestron et introduisait un usage plus important des matériaux composites.

Cette première version était monoturbine. L’hélicoptériste français avait retenu le moteur Arriel de 478 kW qui laissa ensuite sa place à une Astazou de 783 kW permettant de porter la masse maximale au décollage à 3.000 kg et donc, théoriquement, une charge utile pouvant aller jusqu’à une dizaine de passagers. L’appareil, aux formes soignées, s’adjugea trois records de vitesse dans sa catégorie, notamment un 299 km/h sur circuit fermé de 100 km et un 312 km/h sur un « run » de 3 km.

Certifié en en 1975 par la DGAC et l’année suivante par la FAA, le Dauphin se vendait à un petit rythme. Il faut dire que le marché US était saturé d’appareils libérés par l’Army après la fin de la guerre du Vietnam et que la crise pétrolière de 1973 avait aussi rebattu les cartes économiques mondiales.

Néanmoins, cette crise eut un impact positif sur le marché des voilures tournantes car l’exploitation « Off Shore » pouvait désormais se rentabiliser et quoi de plus pratique qu’un hélico pour acheminer les équipes sur les plateformes au large de la Louisiane ou de l’Écosse ! Mais bien que rapide, le Dauphin par sa formule monoturbine et son emprise au sol, train classique oblige, était mal adapté à ces nouveaux marchés.

Premier vol du SA 360-001 en juin 1972. La version originale monoturbine. © Airbus
Face à face des SA360 01 et 02. On notera l'évolution du cockpit. © Airbus
Un Dauphin de la marine Saoudienne à bord du Charles-de-Gaulle en 2004. © F. Marsaly / Aerobuzz.fr
Il est une machine très appécié pour le transport de passagers. © F. Marsaly
Cabine VVIP du Dauphin. © Airbus Helicopters
Dauphin chilien en évacuation sanitaire. © Airbus
Le marché avec les US Coast Guards offert un nouveau débouché au Dauphin. © Jeff Curtis / US Coast Guards
Un Dauphin SAR décolle pour récupérer le pilote du Fw190 qui vient de tomber près de la plage de Hyères en juin 2010. © F. Marsaly / Aerobuzz.fr
Le dernier des Dauphin destiné aux douanes espagnoles, livré en janvier 2022. © Airbus

Parce que le segment moyen-léger restait prometteur, l’Aérospatiale revit sans tarder totalement sa copie et le Dauphin devint biturbine. Exit le SA360 et sa trentaine d’exemplaires construits. Place, en 1975, au SA365 et ses deux turbines Arriel, sa cabine repensée et au volume agrandi, son fenestron plus grand et son train d’atterrissage rétractable. Le temps du Dauphin II, appareil de la classe des 4 tonnes, était venu.

Entre le best-seller Écureuil et les appareils lourds, le Dauphin complétait ainsi une logique de gamme permettant de couvrir l’ensemble du spectre des missions possible, ce qui autorisait aussi une logique industrielle offrant une bonne optimisation de la production. Le Dauphin démontra alors ses grandes qualités en profitant de son image d’appareil moderne, référence technologique de son époque.

Le tournant du contrat des Coast Guard

Au début des années 80, après un travail intense, l’Aérospatiale réussissait la performance de remporter le contrat d’une centaine d’hélicoptères de sauvetage pour les US Coast Guard. Bien que cet accord fit l’objet de compensation industrielles importantes il n’en soulignait pas moins les qualités du Dauphin : habitabilité, autonomie, vitesse et même durabilité car ces appareils, baptisés « Dolphin », sont toujours en service aujourd’hui bien qu’ayant subit plusieurs programmes de modernisation.

Les Dolphin sont en service depuis les années 80. L’obtention de ce contrat a été décisif dans l’histoire des hélicoptères français. © USCG

Le Dauphin, qui par son tonnage et donc son prix, se prêtait difficilement aux ventes à l’unité à des clients individuels se positionnait comme un appareil candidat à de nombreux marchés d’états, et le contrat des « Dolphin » fut un énorme appel d’air pour l’ensemble du programme, notamment pour les commandes militaires.

Finalement assez compact, le Dauphin était un candidat crédible à une navalisation et à une militarisation.  Ces évolutions trouvèrent leurs places, aboutissant même à une famille spécifique, les Panther (AS 565). La Chine ne resta pas non plus insensible et obtint une licence de production pour 200 AS365 devenant Harbin Z-9.

 

Panther en action avec une vedette de la SNSM en rade de Toulon. © F. Marsaly / Aerobuzz.fr

Avec le Dauphin, le constructeur d’hélicoptère touchait des marchés qui semblaient lui échapper jusque là. Non seulement les militaires commençaient à en profiter, mais les missions « corporates » s’ouvraient. Le Dauphin II séduisait d’autant plus que depuis le début des années 90, il était devenu le premier hélicoptère certifié IFR avec un seul pilote.

Pour préparer l’avenir

Au début des années 90, le Dauphin Grande Vitesse (DGV), spécialement préparé, notamment son rotor, battit à son tour plusieurs records, atteignant même un spectaculaire 372 km/h sur 3 km avec Guy Dabadie aux commandes.

Le DGV, appareil de record, dont celui de vitesse pour sa catégorie (E-Absolute), qui demeure inégalé depuis novembre 1991. © Airbus

A la même époque le Dauphin II immatriculé F-WQAP fut modifié avec des commandes de vol électriques, installées en parallèle avec les commandes classiques, pour en valider l’usage sur une voilure tournante, autre grande première.

Par ses performances, sa charge utile et son volume intérieur, le Dauphin II se prête particulièrement aux essais en vol comme le démontre cet appareil basé à Istres depuis longtemps, affecté au CEV puis DGA-EV et pouvant être utilisé par l’EPNER. © F. Marsaly / Aerobuzz.fr

A la fin des années 90, pour se conformer aux besoins du marché, notamment des opérateurs « Off Shore », le H155, plus gros et plus lourd de près d’une tonne avait pour mission de faire perdurer la lignée « Dauphin » mais l’évolution ne fut pas révolution. Néanmoins, cette version XL du Dauphin II va poursuivre son histoire avec le transfert de sa ligne de production, pour des versions spécifiques, militaires comme civiles, en Corée du Sud.

Mais ce dernier avatar, du moins son prototype, fut lourdement modifié en X3, appareil hybride et spectaculaire, aujourd’hui au musée de St Victoret, pour évaluer des solutions technologiques radicalement novatrices et ouvrir la voie au Racer.

Le X3 en évolution du Salon du Bourget 2011. © F. Marsaly

A Marignane, le H160 est présenté comme « le » successeur du Dauphin. Reste que le Dauphin, né d’une initiative propre de l’Aérospatiale, s’est construit à 1.100 exemplaires sur quatre décennies. Il n’a été ni le best-seller, ni le plus impressionnant des hélicos de Marignane mais il restera clairement l’expression d’une ambition.

Frédéric Marsaly

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Frédéric Marsaly

Frédéric Marsaly, passionné par l'aviation et son histoire, a collaboré à de nombreux média, presse écrite, en ligne et même télévision. Il a également publié une douzaine d'ouvrages portant autant sur l'aviation militaire que civile. Frédéric Marsaly est aussi le cofondateur et le rédacteur en chef-adjoint du site L'Aérobibliothèque.

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