Leurs Eurocopter EC225 immobilisés, les exploitants se réorganisent

L’hélicoptériste d’EADS travaille à des solutions, provisoire et définitive. Le nombre de personnes mobilisées chez Eurocopter dépasse ainsi la centaine. Pendant ce temps, les exploitants d’EC225 – comme Bristow, Bond et CHC – se sont réorganisés.

Eurocopter espère proposer une solution aux exploitants d’hélicoptères EC225 Super Puma en avril 2013. Toujours cloués au sol ou autorisés à voler sous étroite surveillance, ces appareils sont habituellement très utilisés pour la desserte des plate-formes pétrolières en mer. Les compagnies qui les exploitent et les travailleurs de ces plate-formes, en particulier en mer du Nord, ont donc été pénalisés… jusqu’à une importante réorganisation. L’une de ces compagnies, Bristow, ne compte pas sur une reprise des vols d’EC225 avant la fin du printemps ou le début de l’été.

Les ingénieurs d’Eurocopter ont trouvé la cause et la solution à la fausse alarme émise par le système de lubrification de secours. Il s’agit, selon des exploitants, de problèmes électrique et avec les capteurs de pression d’air et de glycol (le lubrifiant de secours). Leur résolution semble une question de semaines.

Mais la situation est plus délicate en ce qui concerne les criques apparues sur des arbres de transmission de la boîte de transmission principale (BTP). En dépit d’essais au banc et en vol, « nous n’avons pas pu reproduire la défaillance », reconnaissait le pdg, Lutz Bertling, fin janvier.

Une solution provisoire pourrait ressembler à celle déjà en place. Elle pourrait ainsi être fondée sur une surveillance régulière de certains paramètres, notamment de vibration. Mais attention : malgré ces mesures, les autorités britanniques et norvégiennes interdisent toujours les survols maritimes. La solution espérée pour le printemps devra donc aller plus loin.

Quid d’une solution définitive ? Lutz Bertling ne veut guère s’avancer sur la question. Concevoir un nouvel arbre de transmission, si cela était nécessaire, prendrait un an et demi, estime-t-on chez Bristow.

Cet opérateur a suspendu 16 EC225 – 12 au Royaume-Uni, trois en Australie et un en Norvège. Et ce n’est pas le seul à subir un impact majeur. CHC a mis temporairement 30 EC225 hors service. Bond ne donne pas de chiffre… mais il n’est sûrement pas négligeable.

Selon Eurocopter, 35 EC225 volent en ayant mis en œuvre le bulletin de service requis. Tous les EC725 (la version militaire de l’EC225) volent aussi. Les résolutions de la Civil Aviation Authority britannique et de son homologue norvégien ont provoqué, selon une estimation de Bristow, la suspension de 80 appareils à travers le monde. Car les effets de ces décisions se font sentir au-delà de ces deux pays. Les exploitants, de leur propre chef ou à la demande de leurs clients, les ont appliquées à toute leur flotte. Or ils sont présents en mer du Nord et ailleurs sur le globe.

Les EC225 portés pâles, les compagnies ont fait feu de tout bois pour transporter quand même leurs passagers. D’autres hélicoptères sont utilisés de façon plus intensive. C’est le cas des AS332 (des modèles plus anciens de la famille Super Puma). Certains étaient entreposés – on découvre au passage que de coûteux hélicoptères 19-places dormaient dans des hangars – et ont été remis en vol. Les simulateurs de vol ont été mis à contribution afin de qualifier les pilotes d’EC225 sur d’autres types. Des liaisons sont désormais assurées sept jours sur sept depuis les héliports d’Aberdeen (Ecosse), Stavanger (Norvège), etc.

Bristow affirme en outre que sa récente commande de Sikorsky S-92 était une réaction à la suspension des EC225. Si c’est exact, c’était une réaction très rapide. L’achat a été annoncé en novembre, 15 jours après le second amerrissage forcé de 2012. Le premier des 10 S-92 commandés ferme devrait être livré en milieu d’année. De son côté, Eurocopter soutient que les ventes d’EC225 n’ont pas été affectées jusqu’ici .

Certains clients ont facilité la vie des transporteurs en diminuant leurs effectifs sur les plates-formes. En outre, les pétroliers « covoiturent » : ils se tiennent au courant des places disponibles dans les hélicoptères et s’en font profiter mutuellement. Une certaine solidarité a donc joué, passant avant la concurrence.

Néanmoins, des employés des plates-formes ont vu leur départ ou leur retour retardé. Des bateaux ont parfois remplacé les hélicoptères. La météo hivernale de la mer du Nord a toutefois limité cette possibilité. Début février, Total affirmait ne plus souffrir d’aucun retard, grâce à la nouvelle organisation.

Plus de 100 personnes travaillent à plein temps chez Eurocopter à la recherche de la cause du problème et à des solutions. On en compte encore davantage « au travers de diverses activités chez les clients ainsi que chez Eurocopter, comme par exemple au sein des activités de production ou de réparation », explique une porte-parole du constructeur. Une entreprise américaine déjà connue chez EADS, Shainin Engineering, apporte un soutien « méthodologique et technique ».

L’hélicoptériste va-t-il dédommager ses clients ? La porte-parole ne peut pas « discuter de ces informations qui relèvent de relations commerciales confidentielles ».

En revanche, Eurocopter a invité, le 6 février dernier, les spécialistes « hélicoptère » du groupe de travail « Step change in safety », créé par les producteurs de pétrole et de gaz au Royaume-Uni pour améliorer la sécurité au travail. Ce sont 19 représentants de ces entreprises, des exploitants d’hélicoptères et des syndicats de travailleurs qui ont pu visiter le site de Marignane sur le thème de l’enquête en cours. Ils ont publié un compte-rendu détaillé, photos à l’appui.

Ainsi, ils ont constaté que des BTP d’EC225 sont testées sur des banc qui reproduisent divers environnements. L’un d’eux, bien sûr, est celui de la mer du Nord. Les ingénieurs d’Eurocopter complètent ces essais par des analyses en laboratoire.

S’ils n’ont pas réussi à déclencher une crique, ils ont pu au moins en reproduire la propagation. Ainsi, la fissure s’étend toujours à la même vitesse. Et cette allure ne dépend pas de la durée des vols. C’est une information importante. Si, à travers des paramètres de vibration par exemple, on détecte un début de crique, on sait combien de temps il reste avant qu’elle n’affecte toute la circonférence de l’arbre.

Les criques qui ont affecté deux EC225 en 2012 se sont propagées à partir d’une zone de soudure entre l’arbre lui-même et le pignon conique. Les pistes explorées sont multiples ; citons-en deux. D’une part, la combinaison de facteurs dynamiques qui auraient provoqué des contraintes excessives. D’autre part, un comportement du métal inférieur aux attentes.

Les visiteurs de « Step change in safety » sont, par leurs fonctions, en première ligne face au problème en mer du Nord. A lire leur rapport, ils semblent satisfaits des efforts consentis par Eurocopter pour la recherche d’une solution.

Thierry Dubois