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Hélicoptère

L’ONERA invente l’hélicoptère du futur

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Fabrice Morlon

Véritable agitateur d’idées aéronautiques et spatiales, l’Office Nationale d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA) a fêté l’année dernière ses 70 ans. Près d’un siècle de recherches, d’innovations et de réflexions sur le futur d’un domaine en perpétuelle évolution. L’ONERA et ses équipes d’experts passionnés s’efforcent de conjuguer au présent le futur de l’aérospatial dans des domaines aussi variés que l’avion, l’hélicoptère, le drone ou les engins spatiaux.

Fait exceptionnel, en septembre 2016 s’est tenu à Lille le 42ème forum européen des hélicoptères (European Rotorcraft Forum) qui a réuni pas moins de 213 participants issus de 19 nationalités. L’ERF est l’un des tout premiers rendez-vous de la communauté du giravion, qui fait se rencontrer les constructeurs, les centres de recherche, les écoles, les opérateurs et agences de certification avec l’objectif de faire le point sur les avancées en matière de recherche et de développement, du design, des tests et du marché du giravion. L’ONERA, jouant à domicile, était bien évidemment de la partie pour présenter ses compétences en matière de prospective aéronautique mais également pour dévoiler le fruit de son travail en collaboration avec les industriels du secteur.

L’ONERA est présente sur sept sites à travers la France, dont celui de Modane avec son impressionnante soufflerie © ONERA

Un centre de recherche à la pointe de la technologie

Car l’ONERA n’est pas uniquement le lieu de l’invention du futur de l’aéronautique et du spatial. Cette dame d’un âge respectable est bien active : « C’est aussi un centre de recherche de pointe en matière d’hélicoptère », souligne Blanche Demaret, directrice déléguée du programme de recherche hélicoptère à l’Onera qui précise : « nos équipes coopèrent avec de nombreux centres de recherche internationaux telle la DLR en Allemagne. »

L’ONERA détient une connaissance précise des phénomènes physiques qui président à la mécanique du vol ou à l’aérodynamique, acquis par les connaissances de la physique des phénomènes et validés en soufflerie ou lors de simulations en laboratoire. « Mais le centre français ne tourne pas en vase clos et travaille en coopération avec l’industrie et les opérationnels (les pilotes, ndlr) » précise Blanche Demaret, en matière de dynamique, de vibrations et de sécurité des vols (givrage, foudre et crash).

Blue Edge ou le fruit de 25 ans de travail

L’un des meilleurs exemples récents de cette coopération est la forme de pale Blue Edge. Le problème des hélicoptères, et de manière générale des aéronefs, est qu’ils sont bruyants. Si l’on peut difficilement concevoir des aéronefs totalement silencieux, on peut toutefois réduire leur signature sonore. C’est ainsi que l’ONERA et la DLR ont travaillé ensemble dans les années 90 pour mettre au point une pale révolutionnaire à l’origine des pales du H160 actuellement en développement chez Airbus Helicopters.

Avant de s’appeler Blue Edge, la pale du programme ERATO a subi de nombreux tests, comme ici en soufflerie, autour de la signature sonore et des performances © ONERA

Philippe Beaumier, adjoint au directeur du département aérodynamique appliquée à l’Onera, a travaillé sur le projet. « Nous avons œuvré en collaboration avec l’équipe allemande sur le projet de pale silencieuse pour aboutir fin 1998 à une pale globalement satisfaisante dans les différentes phases de vol » explique Philippe Beaumier, enthousiaste. « Toutefois, précise-t-il, les performances en vol stationnaire n’étaient pas optimales. Eurocopter, devenu Airbus Helicopter, souhaitait poursuivre les recherches pour améliorer ce point sensible. »

L’aboutissement du programme Blue Edge, entamé il y a 25 ans, s’est concrétisé avec la présentation du dernier né d’Airbus Helicopters, le H160 © Airbus Helicopters

Une équipe de 15 personnes

Les équipes de l’ONERA ont alors planché sur l’acoustique et l’aérodynamique de manière à rendre efficace la pale dans toutes les phases de vol. Une équipe de quinze personnes s’est attelée à la tâche. Après des heures de calculs et de simulations, le premier essai en vol a eu lieu en 2008 sur un Dauphin. Les résultats ont été tout à fait satisfaisants : la pale permettant un emport supplémentaire de 160 kg de masse décollable et gagnant également de 4 à 5 dB en phase de descente de l’hélicoptère (bruit perçu divisé par 2). Au final, entre le concept et sa réalisation, 25 ans d’études numériques, de tests en laboratoire et d’essais en vol auront été nécessaires.

Blue Edge est une pale à la forme tout à fait singulière qui permet de réduire la signature sonore de l’hélicoptère tout en lui donnant une masse décollable plus importante © ONERA

Commandes de vol et dynamique

Si les enjeux environnementaux font partie intégrante des recherches de l’ONERA, ses équipes travaillent également, aux quatre coins de la France, à moderniser les systèmes de vol non seulement pour gagner en maniabilité mais aussi en sécurité. Parmi les huit centres de l’Onera en France, celui de Salon-de-Provence est situé sur la base du même nom, non loin des installations d’Airbus Helicopters mais aussi du Centre d’Essais en Vol (CEV) d’Istres.

Laurent Binet, ingénieur de recherches, est en charge de la mise au point des essais avec le CEV. Il travaille notamment au développement d’aides au pilotage et à la protection de l’enveloppe de vol des hélicoptères. « Tant que les hélicoptères auront un rotor, nous aurons du travail à la fois sur l’acoustique mais aussi sur l’assistance au pilotage et sur le renforcement de la sécurité » explique-t-il. Et Laurent Binet de poursuivre : « Imaginez quelques instants que vous pilotez un hélicoptère et là survient la hantise de tout pilote : l’arrêt du moteur. Vous avez alors entre deux et quatre secondes pour réagir de manière à récupérer vos tours rotor. On comptabilise, malheureusement, autant d’accidents en entraînement qu’en exploitation du fait du caractère très délicat de la manœuvre d’autorotation. » En cas de perte du moteur, l’objectif est de mettre le rotor en régime d’autorotation de manière à éviter le décrochage, stabiliser la descente et amortir le poser. Une partie des équipes de l’Onera va alors travailler sur le sujet, en collaboration avec de multiples entités extérieures.

Modus operandi du projet

L’objectif de ce projet est de développer des aides au pilotage. « Il nous faut connaître les phénomènes physiques qui ont lieu lors de l’autorotation » explique Laurent Binet qui précise : « nous allons utiliser des modèles numériques qui nous permettront de travailler sur ordinateur. » Mais au préalable, il est nécessaire de valider ces modèles. Une seule solution : la campagne d’essais qui permettra de se doter d’une base de données expérimentales. « On peut parfois utiliser la soufflerie bien sûr, ce qui représente un gain de temps et qui réduit les coûts », poursuit Laurent Binet, « mais on ne peut tout recréer en soufflerie : il nous faut également obtenir des données en vol réel. »

Récupération de données

Ainsi, pour l’étude sur l’autorotation, les paramètres machine (attitudes, régime rotor, etc.) étaient
mesurés ainsi que la trajectoire précise de l’appareil. Mais en fonction des besoins et des études, on
va mesurer le souffle produit par le rotor principal, on va analyser le bruit produit par le rotor arrière,la déformation des pales, leur comportement en vol, la traînée produite par le fuselage et par le rotor… bref on essaiera d’obtenir toute une série de données qui, une fois numérisées, permettront de simuler des tests et gagner ainsi en coût et en temps.
Ce sont alors des calculs lourds qui vont se faire, prenant en compte la mécanique des fluides, les déformations des matériaux, les traces acoustiques… et ce pendant des jours, voire des semaines. « Une fois les calculs effectués, on va valider les modèles obtenus au cours d’une campagne d’essais en vol » explique Laurent Binet, « ou avec un simulateur de laboratoire à l’ONERA baptisé du nom de PycsHel, avec des  pilotes du centre d’essais en vol d’Istres ou de l’école de l’air. »

PycsHel est un simulateur de laboratoire qui permet de tester les modèles informatiques © ONERA

Minimanche

Ainsi, l’Onera et le CEV travaillent actuellement sur un minimanche actif qui permettra en sus de la commande de pilotage de restituer de l’information au pilote. Depuis le début des années 2000, le travail de l’Onera consiste, sur ce projet, à avertir le pilote du décrochage de son appareil, dû en particulier au phénomène de vortex qui peut aboutir au décrochage du rotor. Le rotor aspire l’air du dessus et crée ainsi une colonne d’air. « Si l’hélicoptère descend, explique Laurent Binet, un conflit va alors se créer : des tourbillons autour du rotor risquent d’entraîner un décrochage complet du disque rotor. Plus on avance vite et plus les vortex ainsi formés seront chassés vers l’arrière. » Si l’on peut récupérer la situation en altitude, à vitesse lente et près du sol, ce phénomène devient très dangereux. En outre, sur certains appareils, l’apparition du vortex est difficilement décelable. C’est ainsi qu’un V-22 s’est crashé en avril 2000 après que son rotor droit a décroché, provoquant le retournement de l’hélicoptère qui s’est écrasé au sol, tuant ses 19 passagers.

Le minimanche actif permet de transmettre de l’information au pilote via ce dispositif de pilotage © ONERA

« C’est un phénomène difficilement détectable, précise Laurent Binet, qui concerne aussi bien les pilotes de loisir que les professionnels et jusqu’aux militaires. Tous les appareils ne se comportent pas de la même manière à l’apparition d’un vortex : d’où l’intérêt de l’étudier ! » L’ONERA et le DLR ont alors souhaité travailler sur le sujet en utilisant  des campagnes d’essais faites précédemment sur un Dauphin. « La solution du minimanche nous a semblé  intéressante pour avertir le pilote de l’approche du phénomène », conclut Laurent Binet.

Un travail de machines… et de pilotes

Dans les travaux de recherche, le modèle informatique a de grands avantages, mais aussi ses limites. Il est nécessaire de disposer de modèles réalistes permettant de simuler le comportement de l’hélicoptère de manière optimale. Le modèle est constitué d’équations de la mécanique (les forces en jeu, l’aérodynamique…) et d’une somme d’états : attitudes (roulis, tangage, lacet), vitesses, etc. Une difficulté supplémentaire est qu’une pale d’hélicoptère mesure environ 4 mètres avec 20 cm de corde : la pale subit une déformation plus ou moins importante à certaines incidences, d’où la difficulté de modéliser son comportement aéro-élastique. On peut utiliser deux modèles distincts : un modèle linéaire valable sur un point de vol donné, comme le vol stationnaire, et un modèle non linéaire, valable l’ensemble du domaine de vol.

L’informatique ne peut, encore aujourd’hui, tout simuler, et si le comportement de l’hélicoptère est
néanmoins de mieux en mieux modélisé, l’amélioration de l’interface entre l’homme et la machine
nécessite le retour d’expérience des pilotes. « Après les campagnes en Lybie, explique Laurent Binet, on a recueilli les expériences et les besoins des pilotes de Tigre engagé dans les opérations. L’objectif était de remanier le tableau de bord de l’hélicoptère. » Ainsi, l’ONERA fait-elle le lien en permanence entre les ingénieurs et les opérationnels, ceux qui utilisent les aéronefs, de manière à être au plus près des besoins mais aussi de manière à éviter les « délires d’ingénieurs. »

L’ONERA, le centre français de recherche aérospatiale, a encore de belles années devant lui. Un projet de réorganisation, baptisé Nov’Onera, a d’ailleurs été présenté le 17 mars dernier par Jean-Yves Le Drian, Ministre de la défense, et Bruno Sainjon, Président directeur général de l’ONERA. Ce contrat associe l’Onera et le ministère de la Défense autour d’objectifs partagés pour la période allant de 2017 à 2021. Mais l’Onera travaille également de manière étroite avec les industriels tels qu’Airbus, dans ses différents secteurs, allant de l’hélicoptère au drone en passant par l’avion et le spatial. L’objectif : gagner en sécurité et en productivité tout en étant le plus respectueux de l’environnement. En somme, une vraie démarche de développement durable.

Fabrice Morlon

Pour en savoir plus sur l’ONERA, ses mission et actions

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

View Comments

  • “Tout le monde savait que c'était impossible. Il est venu un imbécile qui ne le savait pas et qui l'a fait.” (Marcel Pagnol)

  • Un bel exemple de "recopiage " d'aile de fou de Bassan ,ou d'albatros ( en "M3 " ? , peut -être pas complètement ..) , mais en plan ,c'est sûr.... ,avec du dièdre - négatif - en bout de pale , c'est à voir ...J'avais signalé ça à Eurocopter - à la sortie de l'info Blue Edge blade..., mais ...pas de réponse (encore un cinglé ...).
    Le gain en bruit et portance vient bien du traitement du flux par cette géométrie ,et spécialement le wing tip ( la "main" ,chez l'oiseau ) , cette forme étant la version "oiseau rapide " ,par rapport aux sharklets ( sur avion quasi transsonique !) ,qui dérivent ,eux , de la solution des oiseaux lents - qui ont ,eux 6 rémiges ,en éventail double ! le Boeing concurrent de l'A321 néo en a deux ,tout de même ...bien vu !

  • En acoustique, 3dB c'est deux fois (plus ou moins), alors 4 dB c'est plus que deux fois et 5 dB c'est pas loin de 4 fois!

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