L’hélicoptériste italien va fournir à terme 130 appareils d’entrainement à l’US Navy. Un joli coup pour Leonardo, un coup dur pour les deux perdants de la compétition, Bell et Airbus Helicopters, ce dernier n’ayant peut-être pas compris les attentes des militaires américains.
Et de deux ! En septembre 2018, Leonardo s’était associé à Boeing en proposant l’AW139 pour le remplacement des derniers UH-1N de l’US Air Force. Et ça avait marché, avec la commande de 84 MH-139A par le Pentagone. Au terme d’une compétition menée très rapidement, Leonardo vient à présent de remporter le marché de remplacement des TH-57 Sea Ranger utilisés par l’US Navy pour la formation de ses pilotes.
La centaine d’appareils encore en service est également utilisée pour répondre aux besoins des US Marines, des US Coast Guard et de quelques marines étrangères. Les TH-57, dérivés du Bell 206, étaient entrés en service en 1981 et le projet de modernisation de leur avionique, évoquée en 2007, n’avait pas abouti. Le remplacement de ces appareils était devenu une priorité pour la Navy ces dernières années.
L’US Navy a donc annoncé l’attribution d’un premier contrat de 176 millions de dollars comprenant la fourniture de 32 appareils (nommés TH-73A dans la nomenclature US), d’équipements optionnels, un premier lot de rechanges et l’entrainement des primo formateurs et des mécaniciens. Trois autres contrats suivront d’ici 2024 pour arriver au total de 130 appareils.
La Navy exigeait un appareil IFR, ce qui avait fait douter du bien-fondé des offres de Leonardo et de Bell, qui proposaient l’un et l’autre un monomoteur. Mais Leonardo a fait l’effort de développer et de faire certifier très rapidement cette capacité à son appareil.
La capacité au vol aux instruments ne fait pas partie habituellement des demandes des exploitants et elle-même inaccessible aux hélicoptères monomoteurs en Europe. Le pari a donc été gagné pour l’hélicoptériste italien qui a obtenu sa certification FAA en juillet 2019 et se dit prêt maintenant à livrer les premiers appareils de série avant la fin de l’année.
C’est donc une très belle réussite qui va donner du grain à moudre à la filiale américaine de l’industriel et à son usine d’assemblage de Philadelphie. La certification IFR de l’AW119 pourrait en outre séduire certains opérateurs civils ou parapublics nord-américains et compliquer quelque peu la vie de la concurrence, à commencer par Bell et Airbus Helicopters.
Le premier proposait le Bell 407 GXi pour le remplacement des TH-57, misant essentiellement sur l’héritage technique entre le B206 et le B407. Paradoxalement, alors que Bell était le seul compétiteur américain sur les trois engagés dans la compétition, il était aussi le seul dont l’appareil aurait été assemblé en dehors des Etats-Unis, à Mirabel au Canada.
C’est un très rude coup pour Bell qui se retrouve complètement expulsé du marché de l’entrainement militaire aux Etats-Unis, alors qu’il en tenait la totalité jusqu’en 2007. Cette année-là, la victoire d’Eurocopter avec l’EC145 (qui devint l’UH-72 Lakota) pour le remplacement des TH-67 Creek de l’US Army fut un premier coup de tonnerre dans le paysage local. En ne parvenant pas à capitaliser sur une situation hégémonique héritée de la fin de la guerre du Vietnam, Bell perd plusieurs centaines de ventes au profit de ses concurrents européens.
Airbus Helicopters proposait quant à lui le H135, qui aurait été assemblé dans l’usine de Colombus (Mississippi). Ce faisant, Airbus s’appuyait sur le succès de cet appareil bimoteur comme appareil d’entrainement militaire dans une dizaine de pays. L’hélicoptériste expliquait ensuite que l’entrainement sur un bimoteur était logique puisque les futurs pilotes n’auraient à piloter des bi ou des trimoteurs tout au long de leur carrière.
Cette logique n’a pas convaincu l’US Navy, qui a donc opté pour un monomoteur. L’erreur d’Airbus Helicopters a peut-être également été de snober une exigence de l’US Navy, qui était d’entrainer ses futurs pilotes à l’autorotation.
L’US Army a abandonné cette exigence avec la mise en service du UH-72 Lakota, dont elle est soit dit en passant extrêmement satisfaite. Par leur coût d’opération, la redondance de leur motorisation et finalement les caractéristiques de leur rotor, les bimoteurs se prêtent mal à ce type d’entrainement, même si une autorotation est toujours possible et même démontrée dans le cadre de la certification.
On pensait donc, chez Airbus Helicopters, que l’exigence de la Navy était anachronique et infondée. Elle l’était peut-être, mais toujours est-il que le client a toujours raison.
Avec le recul, la question reste posée de savoir si le H125 (ex-Ecureuil) aurait fait un meilleur choix comme compétiteur. Il aurait alors fallu le certifier IFR, mais ce n’est pas le chemin que prit Airbus Helicopters.
Il y a deux ou trois ans, l’hélicoptériste de Marignane avait pourtant envisagé d’équiper l’appareil léger avec sa propre avionique Helionix, aujourd’hui embarquée sur les H135, H145, H160 et H175. Il avait finalement renoncé devant le surcoût excessif que cela aurait entraîné pour le monomoteur. Pourtant l’idée d’un Ecureuil IFR n’est pas morte : on explique aujourd’hui à Marignane continuer réfléchir à cette certification, mais avant tout dans une optique de sécurité des vols.
Frédéric Lert
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Excellente analyse du problème et de la réalité de la situation.
Les américains, pragmatiques, économes et responsables, peuvent encore nous donner des leçons dans ces domaine.
Pourquoi l'Europe et la France continuent-elles d'interdire l'IFR en monomoteur et d'exiger la pratique accidentogène de l'autorotation en formation et/ou en test???
Pendant que Airbus reflechit, Leonardo prend des commandes ...