Une appli made in France pour les pilotes HéliSMUR

Cette plateforme Web gratuite créée au sein du CHU de Lille (SAMU 59) est conçue pour les pilotes et acteurs de la régulation médicale.  Elle recense les points de poser (DZ) classiques (hélistations, hôpitaux) et depuis peu les bases ULM. Et elle offre bien plus encore…

Cette cartographie interactive a été créée à l’origine presque artisanalement comme un outil d’aide locale et régionale aux missions SMUH (Service Médical d’Urgence par Hélicoptère) du Nord. Cette ingénieuse (et très simple) plateforme est aujourd’hui opérationnelle sur tout le territoire, développée en partenariat avec le Laboratoire de Biomathématique de l’Université de Lille. Elle recense quelques 5500 sites ou points de poser utilisables en pratique. « Cela va des hélistations, hélisurfaces, aéroports, hôpitaux, aux stades de football mais aussi les très nombreux sites SMUH créés par les différents opérateurs «  nous détaille Hervé Coadou, chef du SMUR Héliporté SAMU59, à l’origine du projet et interrogé par Aerobuzz.fr.

Des compléments aux cartes VAC pour les pilotes

La base de données de l’Appli HéliSMUR (accessible sur les tablettes des pilotes et assistants de vols) complète d’un coup d’oeil les traditionnelles cartes d’approche et d’atterrissage à vue (ou VAC: Visual Approach Chart) . En cliquant sur un DZ (comme en cliquant sur une adresse ou un lieu sur Google Maps), les coordonnées GPS, procédures et axes d’approches, ou encore les obstacles environnants (lignes hautes tensions par exemple) apparaissent.

Ainsi sont accessibles avec précision les sites non référencés sur les VAC. C’est là tout l’intérêt. « Il y a les DZ (hélistations) règlementées et donc connus de la DGAC, mais aussi tout ceux qui ne sont pas référencés, comme par exemple une entreprise privée équipée d’un accès hélico pour de l’évacuation » nous explique le Docteur Hervé Coadou.

Des informations en temps réel

En outre, la plateforme propose aussi un « bouquet d’outils d’information en temps réel », comme par exemple les éphémérides en un point donné, le délais avant la nuit aéronautique. Certains points (lieux touristiques comme une plage ou station de ski) sont équipés de webcam… « En cliquant sur le lien intégré à l’Appli l’équipage peut apprécier les conditions météo en local, et même l’info-trafic routier en temps réel… »

Mode collaboratif

HeliSMUR est une communauté qui fonctionne sur un mode collaboratif, et c’est là toute sa force. Les pilotes et équipes SAMU des quatre principaux exploitants SMUH (SAF, Mont Blanc Hélicoptères, Babcock International et NHV) renseignent les informations sur chaque lieu sous forme de fiches PDF. « Les fiches renseignées par les uns sont consultables par les autres utilisateurs de la communauté c’est comme cela que la base s’enrichie. »

Outre les points de posés règlementés et donc connus de la DGAC, tels les hôpitaux répertoriés, sites sensibles (centrales nucléaires), grands hôtels, ministères, ou des points d’accès restreints (raffineries), on trouve aussi les DZ type hélisurfaces moins évidente à trouver. « Lorsque les pilotes ont connaissance d’un nouveau point potentiellement intéressant, les opérateurs hélico peuvent le classer avec les informations basiques (axes, nature du sol, obstacles environnants, altitude, coordonnées GPS.). On met ainsi à jour la base de données pour en faire profiter la communauté des pilotes SAMU » précise le Docteur.

Des détails simple et utiles

Dans l’urgence, certains détails peuvent s’avérer aussi simples qu’utiles pour les équipes de régulation médicale au sol et les équipages en intervention. Des informations annexes sont ainsi disponibles, comme des contacts près de la zone de posé. « Cela va du gardien d’un stade ou un agriculteur qui possède un champs privé près d’une route, il faut parfois leur demander d’ouvrir une barrière, car il faut aussi penser à des accès par la routes si besoin… Les coordonnés de la  police municipale d’un village sont aussi enregistrées… »

Les 800 bases ULM recensées

La France compte quelques 800 bases ULM toutes recensées sur un site dédié fourni par la FFPLUM (Fédération Française d’ULM) avec les coordonnés GPS, axes des pistes, procédures d’approches restrictions, contacts utiles… Ces terrains, souvent privés, autorisent l’atterrissage et le décollage des ULM ailleurs que sur un aérodrome, sous réserve que soient respectées les mesures de sécurité et autres conditions définies par l’arrêté interministériel du 13 mars 1986.

La communauté ULM peut ainsi s’avérer très utile : « Ces bases ULM le sont particulièrement dans des régions aux terrains montagneux, où le pilote de l’hélicoptère aura besoin de trouver une trouée, vers une forêt, ou une altisurface par exemple… » rajoute le Docteur Coadou « ou encore, en cas de crash sur une base même, cela permet à l’hélicoptère d’accéder au plus près des victimes, à proximité immédiate d’une piste… Nous avons aussi les infos sur propriétaire de la base, de la structure… Il peut faire sécuriser le lieu et stopper le trafic, et si besoin faire accéder des moyens médicaux aussi par la route (ouverture d’un portail par exemple). »

L’aide par la géolocalisation

L’aide par la géolocalisation en temps réelle est une des évolutions majeure de la plateforme HéliSMUR ces derniers mois. Sur la cartographie les hélicoptères des 48 Hélismur de la métropole (dont 3 saisonniers) sont visibles qu’ils soient en vol ou posés, en intervention ou non. Les exploitants adhérents envoient les données de géolocalisation de leurs hélicos équipés de balises GPS. « Sur la carte sont affichés les codes affectés à l’indicatif radio (Heli59 par exemple) » souligne le patron du SAMU 59.

Ces informations sont indispensables aux régulations pour aider à une bonne gestion de l’activité quotidienne comme les transferts inter hospitaliers ou les Situations Sanitaires Exceptionnelles (SSE).  » Connaître la position de toutes les machines environnantes notamment si un événement nécessite plusieurs hélicoptères pour de l’évacuation sanitaire de grande ampleur permet à l’équipe de régulation au sol de faire dérouter un appareil disponible à proximité. »

Vers une HéliSMUR V3…

Le développement de la plateforme est maintenant orienté vers une V3 pour améliorer la gestion de mission collaborative avec aide à la décision. « L’objectif est d’atteindre une plus grande efficience dans la prise en charge des patients et l’organisation des secours », explique le Docteur Hervé Coadou. Le CHU 59 travaille ainsi sur la possibilité d’échanger encore plus d’informations avec les SAMU voisins comme par exemple connaitre la configuration d’une machine présente dans le secteur en temps réel. L’hélicoptère est il chargé d’un patient ou libre ? Est-il équipé d’un brancard standard pour adulte, ou bien d’une couveuse à bord pour une mission de pédiatrie ou réanimation néonatale ?

… pour faciliter l’aide à la décision

Dans l’urgence, la décision de déployer ou faire dérouter un hélicoptère doit être évidemment prise sur le champs mais surtout être utile. « Il n’est par exemple pas rare que des hélicoptères de départements voisins interviennent en appui et vice versa. Mais il n’est pas nécessaire d’impliquer un autre hélicoptère si ce dernier n’est pas équipé pour le type d’intervention demandée » précise Hervé Couadou. « Nous allons donc proposer aux équipes SMUR (le service mobile d’urgence et de réanimation) un outil d’aide à la décision perfectionné pour être plus efficace au quotidien que ce soit de l’accidenté de la route à la situation sanitaire exceptionnelle (attentas, catastrophe industrielle). » 

Toutes les activités de vol sont enregistrées et analysées, et il est prévu cette année d’interfacer la plateforme avec les logiciel de régulation médicale (LRM) actuels et futurs à travers le réseau SAMU sur tout le territoire.

Jérôme Bonnard