En septembre 2011, le premier Boeing 787 Dreamliner commercialisé est livré à la compagnie japonaise All Nippon Airways, 7 ans après le lancement du programme en 2004. Outre une première partie de la vie opérationnelle de l’avion marquée par une interdiction de vol en janvier 2013 suite aux problèmes rencontrés avec l’utilisation dans l’avion de batteries au lithium-cobalt, le 787, succès technique et commercial indéniable s’est distingué par des retards considérables dans la mise au point et la fabrication (premier vol retardé de 2 ans), qui ont monstrueusement grevé les coûts de développement de l’avion devenu un véritable désastre financier.
Lors du lancement du programme, un budget extrêmement réduit de quelques milliards de dollars fut confié aux chefs de projet pour le développement de l’avion, à leur charge de trouver les moyens de concevoir un avion plus performant techniquement et qui dans le même temps coûterait moins cher à concevoir et construire que ses prédécesseurs : la quadrature du cercle ! C’est comme ça désormais chez Boeing : investir le moins possible pour distribuer le plus de dividendes possible.
Pour atteindre cet objectif, Boeing fit le choix de sous-traiter massivement la construction de l’avion : en Italie le tronçon central du fuselage, au japon les ailes, en Corée l’extrémité arrière du fuselage (…). Sur le papier la démonstration était brillante, et les universitaires glosèrent longtemps de cette organisation révolutionnaire de la « Supply chain », c’est à dire le réseau des fournisseurs. La démarche fut poussée au delà de son extrême : certains sous-traitants obtinrent des marchés uniquement parce qu’ils avaient proposé les prix les plus bas alors qu’ils ne possédaient pas le savoir-faire nécessaire, et Boeing s’offrit même le risque de sous-traiter une partie de la R&D correspondant à certains composants.
Le résultat obtenu fut à la hauteur des espérances à leur égal opposé. Boeing dut dépêcher des « missi-dominici » de par le monde, afin de reprendre les choses en mains et rendre l’avion assemblable. Le prix à payer se compta en années de retard pour les clients, et dizaines de milliards de dollars de pertes pour Boeing.
Dans un article du Seattle Times du 17 octobre 2015, Dominic Gates mentionne un sur-coût total de 33 milliards de dollars. Un surcoût de production, à ne pas confondre avec des dépenses de recherche et développement (R&D), ou des dépenses d’investissements. Des dépenses de R&D, mêmes si elles sont principalement considérées comme des charges représentent l’acquisition de nouveaux savoir-faire ou techniques, gages de futurs gains de productivité ou avantages compétitifs. Un investissement concerne l’achat d’une machine outil qui va délivrer des usages pour la fabrication pendant des années.
Point de tout cela ici : il s’agit d’une perte sèche, de dépenses consécutives à des malfaçons évitables si certains choix avaient été faits et d’autres pas. Ces sur-coûts comme leur nom l’indiquent ne sont porteurs d’aucune valeur ajoutée, d’aucun avantage concurrentiel. Ce sont des non valeurs qui ont purement et simplement appauvri Boeing.
Si Boeing avait mis 33 milliards de dollars de charges supplémentaires en 4-5 ans dans son compte de résultat, soit le temps qu’a duré la conception et la mise au point du B787, il aurait du constater des pertes importantes ; cela d’une part aurait contrarié le cours de la bourse et les actionnaires, et d’autre part cela aurait rendu problématique ou disons discutable la distribution de dividendes…
Au lieu de faire apparaître ces charges dans les exercices aux titre desquels elles ont été engagées et constatées, Boeing a fait le choix de les reporter sur un avenir réputé prometteur et brillantUtilisation d’un compte de tiers: le surcoût est assimilé à un actif, et comptabilisé comme tel dans le bilan en « encours de production », puis directement amorti les années suivantes Concrètement ces charges sont intégrées dans le compte de résultat de Boeing au fur et à mesure de la vente des Boeing 787, avec en produits le chiffre d’affaires correspondant.
Par exemple, Boeing a prévu qu’elle vendrait 1.300 Dreamliner, et à chaque fois qu’elle en vend un, elle passe une charge de 25 millions de dollars (33 milliards $ / 1.300) en plus du coût de production de l’avion proprement dit, à mettre en regard d’un prix catalogue unitaire autour de 250 millions de dollars : rassurant et confortable au moment de présenter les comptes !
Cette pratique est parfaitement légale, mais discutable. Elle repose sur un pari : que le nombre d’avions envisagé sera vendu au moment prévu. Economiquement elle fausse la vision de l’entreprise. Ce stratagème comptable avait déjà été utilisé par Boeing pour d’autres avions (747, 777…), mais pas à ce niveau, « juste » pour quelques centaines de millions de dollars, alors qu’ici il est question de dizaines de milliards de dollars : on change complètement de registre.
Un produit à la vente devient rentable à partir du moment où il a rapporté autant qu’il a coûté, en prenant en compte le moment des encaissements et des décaissementsC’est le principe d’actualisation en fonction d’un taux d’intérêt donné. . Par « autant qu’il a coûté », il faut entendre, les coûts de développement initiaux, les coûts de l’outillage spécifique, de l’utilisation d’une quote-part de ressources existantes et des coûts de production et de commercialisation propres à l’avion (coûts de personnel, services, sous-traitance, matières premières). Par « autant qu’il a rapporté », il faut entendre le chiffre d’affaires net des remises.
Dans les comptes de Boeing à fin mars 2020, Boeing indique18,8 milliards de dollars de surcoûts imputables au 787 restant à amortir. Sachant que Boeing à fin 2019 a livré 939 unités, cela signifie que Boeing n’a repris dans ses comptes pour les appareils vendus que (33,000 – 18,800) = 14,200 milliards de dollars, alors qu’il aurait du en reprendre 23 milliards selon le rythme évoqué plus haut (939 avions vendus depuis le début). On est loin du compte.
Avec la crise que nous traversons, les prévisions de ventes d’appareils neufs antérieures à 2020 sont devenues complètement obsolètes. Le trafic aérien retrouvera son niveau « d’avant » peut-être, et pas avant plusieurs années. Par conséquent, les perspectives de vente du 787 sont à revoir à la baisse, une forte baisse, l’avionneur ayant lui-même arrêté la production, avant de la reprendre à un rythme affaibli.
Au rythme de 25 millions par appareil, il faudrait que Boeing vende encore 750 Dreamliner pour amortir ces non-valeurs…. Vu qu’à fin 2019, le carnet de commande se montait à 540 unités et va probablement se dégonfler, ce n’est pas demain la veille. Ce facteur se cumule avec un autre : Boeing a du vendre à perte plusieurs années durant au début de la commercialisation des centaines de Dreamliners pour se faire pardonner les retards de livraison.
L’industrie aéronautique repose sur des cycles longs : on doit mettre sur la table 10 milliards de dollars à un moment donné, et accepter d’attendre une dizaine d’années avant de retrouver sa mise et commencer à gagner de l’argent : mieux vaut avoir les reins solides ! De même ce sont les lois de la physique qui font voler les avions, pas les lois de la finance. Et pourtant….
Je ne peux m’empêcher de produire ci-joint ce fac similé. Monsieur Calhoun, ci-devant Pdg de Boeing, a co-écrit un livre avec monsieur Kash (un nom prédestiné, ça ne s’invente pas) intitulé « How companies win« édité chez Harper Business 2010 ISBN9780062000453 – non traduit (« Comment les entreprises gagnent) et dont vous apprécierez toute la modestie du propos. Il est ajouté en sous-titre : « No matter what business you’re in« , c’est à dire en bon français : « peut importe le domaine dans lequel vous êtes », sous-entendu ça s’applique aussi bien à la vente des sous-vêtement féminins qu’à la fabrication d’avions gros-porteurs. On voit le résultat appliqué à Boeing.
Le moment est peut-être venu pour Boeing de « prendre sa perte » dans ses comptes au sujet du 787 Dreamliner, et d’y pratiquer un amortissement exceptionnel et définitif de ces non-valeurs qui figurent dans le bilan de Boeing en tant qu’actifs. Les comptes ne doivent-il pas présenter de la situation économique de l’entreprise, selon les principes comptables que nous imposent les américains avec l’application extra-territoriale de leur droit « a true and fair view », c’est à dire en français une image véritable et sincère ?
Louis Kulicka
L’objet du propos n’était pas de remettre en cause cet usage comptable dans son principe. Cette pratique comptable a un objectif bien précis : faire en sorte que des charges subissent le même traitement comptable que les investissements auxquels elles sont identifiables. Prenons un exemple concret : l’acquisition d’un terrain. Ce terrain va servir à installer une nouvelle chaîne de production, pour construire des avions pendant au moins 10 ans. Les frais d’acquisition des biens immobiliers en France (improprement appelés « frais de notaire ») peuvent facilement approcher les 8% selon le département, ce qui est énorme. Dès lors, vu que ces frais d’acquisition se rapportent à la production d’avions sur plusieurs années, on va comptablement considérer que leur incorporation dans le compte de résultat va se faire comme l’amortissement des machines outils qu’il va servir à abriter . C’est du grand bon sens !
Comme on le voit fig.1, les charges à répartir sur la période courant de 1995 à 2008 ont concerné surtout le B777, avion très gros porteur, mais également le B 737 NG pour des montants moindres, avion plus modeste par la taille. Le montant maximal de charges à répartir se monte à 5,8 milliards de dollars en 1997, les premiers 777 étant entrés en service en 1995. La période est intéressante, car elle comprend par l’ampleur du projet et donc des coûts le développement d’un avion comparable au 787 Dreamliner.
Le graphique de la fig.2 reprend l’historique de la fig.1 à partir de 2005 en le prolongeant de 2009 à 2019. En grisé, c’est la somme des charges à répartir des avions vus sur la même fig. 1 (B777 + 737NG). Avec le Dreamliner, les charges à répartir « explosent » littéralement. Ce qui est en cause, ce n’est pas le principe légitime en lui-même des charges à répartir sur plusieurs exercices, mais la pratique qu’en fait Boeing à partir de 2009. Ce n’est pas une partie des frais de développement de l’avion qui passe en charges à répartir comme c’était le cas auparavant (si on part d’un coût estimé à 15 milliards de dollars) mais tous les frais et même plusieurs fois. C’est un véritable changement de méthode comptable, et j’imagine que les commissaires aux comptes de Boeing ont du sérieusement « tousser » avant de valider ça. Ce procédé, comme mentionné dans l’article précédent permet de retarder dans le temps l’apparition dans les comptes des pertes, voire d’espérer que ces surcoûts seront compensés par des profits futurs au moment de leur affichage. En tous cas, c’est ce que Boeing avait « vendu » aux autorités boursières et économiques. Les choses ne se sont pas exactement passées comme prévu.
Le 787 Dreamliner a coûté très cher à Boeing, et même tellement cher qu’elle a du renoncer durant une certaine période à un de ses « péchés mignons » : racheter des actions pour faire monter le cours de la bourse.
Boeing a été gênée aux entournures ces années là côté trésorerie, cela se voit en regardant les flux de trésorerie d’exploitation, nettement moins importants que les exercices précédents et suivants. Les surcoûts faramineux du projet ayant été mis en charges à répartir, c’est à dire éclipsés temporairement, Boeing a pu ainsi afficher des bénéfices, et distribuer des dividendes comme si de rien n’était.
Louis Kulicka 22 juin 2020
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Bonjour,
Je veux rejoindre les quelques commentaires plus professionnels. L'article, très documenté et intéressant, présente un point de vue comptable, assez pessimiste et catastrophiste (il faut dire qu'en ce moment, c'est dur d'aimer Boeing et ses méchants actionnaires cupides !). Je n'irai certainement pas à l'encontre de Louis Kulicka, je n'ai ni sympathie ni antipathie pour Boeing (à part d'être français et européen), mais Je voudrais faire une lecture plus "de bon père de famille". Il ne faut pas que la comptabilité et la finance (et leur corollaire, la fiscalité), cache la réalité de bon sens.
Car ce qu'a fait Boeing pour le 787, toute société qui essaie de développer un aéronef, donc très coûteux et très long à amortir, essaie de le faire quand c'est possible. Ça s'appelle du "partage de risque" (j'ai traduit). Tous les grands le font. A mon échelle (1/ 2.000è ou 3.000è de Boeing...), j'ai essayé de le faire, mais n'ayant pas la remarquable réputation de Boeing, j'ai moins bien réussi qu'eux.
Quand vous voulez acheter un composant que vous ne voulez ou ne pouvez pas produire vous-même, vous allez voir un fournisseur avec un cahier des charges ("il nous faut un train d'atterrissage de telle et telle dimensions etc."). Le fournisseur répond que cela va vous coûter... mettons 500.000 € de NRC (Coût Non Récurrent, les outillages, les essais, les gammes de fabrication et de contrôle etc.), et 10.000 € de RC (Coût unitaire de la pièce). Le rapport NRC / RC varie énormément. Pour une pièce forgée ou un engrenage, ça peut être plus que 100. Pour une pièce usinée c'est plus près de 5 ou 10. Pour le fuselage du 787, qui a demandé des moules métalliques gigantesques et extrêmement perfectionnés, pour sortir des ailes et des tronçons composites complets en une seule cuisson, c'est sûrement très élevé.
Pour votre atterrisseur, vous pouvez, soit casser votre tirelire, chercher dans vos fonds propres (??) ou auprès de vos investisseurs, 550.000 € pour payer les NRC et 5 prototypes, soit convaincre le fournisseur que votre programme va super bien marcher, et que s'il prend sur lui ces 550.000 €, vous lui paierez les 100 premiers atterrisseurs, non pas 10.000 €, mais 15.500 euros. S'il veut intensément votre marché, s'il vous fait confiance, et si sa capacité d'investissement est suffisante - trois conditions rarement réunies pour nos partenaires, très souvent pour ceux de Boeing :-), il accepte et devient un "Partenaire Partageant les Risques" (en anglais). Selon les cas, on signe ou non qu'après 100 pièces le prix unitaire retombe à 10.000 €, mais d'ici là, on a le temps de voir qui gagne de l'argent, qui tient le plus à l'autre et combien d'années sont passées...
Evidemment, si le programme marche mal, tout le monde en est de sa poche... c'est un peu le principe du partage de risque, et c'est plutôt sympathique. Malgré ça, chacun essaie de sauver sa mise, les actionnaires comme les partenaires, et de payer le moins d'impôt possible.
Après, tout cela se traduit de façon comptable (comprendre aussi, fiscale) en "charges constatées d"avance", "amortissements", "provisions pour pertes", et c'est aussi compliqué que l'avion lui-même.
Quand on n'est pas avocat ou financier, on peut voir ces pratiques comme des magouilles comptables d'affreux actionnaires cupides, mais on peut aussi voir ça comme un partage solidaire d'esprit d'entreprise. Et pour le 787, de nombreux pays ont voulu partager.
Les montants présentés en dizaines de milliards pour le 787 paraissent effectivement monstrueux (même si je les divise par 1.000 ou 2.000). Mais personnellement, j'aurais bien aimé pouvoir signer plus de partenariats industriels à risques, comme Boeing pour le 787. Cela aurait coûté beaucoup moins cher à ma société que les investisseurs spécialisés ("Capital-risque") qui m'ont fait confiance et qui ne le regrettent pas.
Je suis très reconnaissant envers chacun des partenaires qui ont bien voulu me faire confiance, et super-content quand ils sont rentrés dans leurs frais.
Un point qui mérite d'être relevé après l'analyse détaillée de Louis Kulicka, c'est que curieusement, le cours de l'action de Boeing, donc la confiance des gens, ne s'est pas écroulé totalement, et qu'ils ont même levé de l'argent plutôt que faire appel au gouvernement. C'est peut-être qu'ils font quand même des bons avions, au moins en moyenne.
Pour tenter de calmer une polémique stérile et éviter les jugements hâtifs je rappellerai simplement que les dépenses d'études, de développement et d'industrialisation pour un programme donné constituent indiscutablement un investissement à long terme réalisé par l'industriel et qu'il est donc parfaitement normal de les répartir sur la durée de vie de ce programme, de même qu'une machine-outil, un ordinateur ou une installation de soudure sont amortis sur leur durée d'utilisation; rien d'anormal, cela relève bien au contraire de la bonne gestion et je réfute le terme "d'artifice comptable". Naturellement la durée de vie restante du programme doit être réévaluée en permanence, et si il y a arrêt anticipé de la chaîne, eh bien il y a amortissement exceptionnel des valeurs encore non amorties. Ce peut être la cas pour le 787, le MAX ou le A380 avec des sommes qui peuvent être importantes, mais évidemment pas pour les programmes qui réussissent. Tout repose à chaque fois sur un jugement raisonné (et partagé...) des perspectives commerciales.
"les dépenses d’études, de développement et d’industrialisation pour un programme donné constituent indiscutablement un investissement à long terme réalisé par l’industriel et qu’il est donc parfaitement normal de les répartir sur la durée de vie de ce programme"
Oui, très juste, mais les surcoûts de production doivent être absorbés sur la période de production; que Boeing ait réussi un tour de passe passe comptable pour ne pas les constater en charges, bien, mais viendra un moment où il faudra les sortir du bilan et les passer en charges.
Et là, ca sera extrêmement douloureux. Je pense que Deloitte, auditeur du groupe, va émettre des réserves pour les comptes de milieu d'année 2020, c'est à dire fin juin, et que Gregory Smith va devoir passer des pertes considérables.
Tout ou partie des 18.8 Mrd$ restant.
Je ne comprends pas bien le sens de votre article?
Vous le dites vous même, ces pratiques comptables sont parfaitement légales! Le législateur impose des règles comptables, l'entreprise les interprète, et les commissaires aux comptes valident (ou non!) leur application. En quoi ceci est discutable?
L'option choisie par Boeing de lisser ce surcoût de 33Md$ sur 1300 machines semblait cohérente, puisque avant le Covid le nombre de 787 commandé approchait de très près ce chiffre de 1300! Et Boeing n'est pas la seule entreprise a utilisé ce principe loin de là. Sans, beaucoup d'entreprises ne pourraient simplement pas investir.
Vous soumettez l'idée qu'il serait temps que Boeing "prenne sa perte" dans ses comptes? Vous êtes sérieux? Et pour quelle raison? Vous connaissez beaucoup de sociétés capables d'absorber dans leurs comptes une charge de 18Md$? Et quel serait l'intérêt de Boeing de faire ceci dans une période aussi compliquée?
Bonjour Bruno,
en pharmacologie, on a l'habitude de dire : c'est la dose qui fait le poison. Le montant des charges reporté est démesuré, notamment par la lecture faussement flatteuse des comptes de Boeing qu’il a pu procurer pendant des années pour des raisons expliquées dans l’article. Déjà en 2013, les différents experts sur le sujet mettaient en doute la capacité de Boeing à rendre rentable son programme, notamment parce que les premières centaines de 787 ont été bradés, vendus à perte. Il y a toute une littérature sur le sujet. Mais voilà : si cette pratique était discutable avant 2020, elle n'est plus soutenable en 2020 pour le 787, avec la crise sanitaire. Les prévisions de ventes pour les années à venir sont remises en cause (euphémisme), Boeing a ralenti sa production etc (cf actualité). En conséquence, les hypothèses sur lesquelles reposaient ces reports de charges ont disparu. Comme vous ne l'ignorez peut-être pas, les normes comptables internationales imposent aux grands groupes de réévaluer chaque années la valeur des biens inscrite dans leur bilan. Boeing n'y coupera pas pour 2020 pour les 18,8 milliards de dollars. Comme l'a souligné "JMB", l'acceptation par les commissaires aux comptes de Boeing de cet artifice comptable pour les comptes 2019 a du donner lieu à d'âpres discussions, mais nul doute que pour la certification des comptes 2020 cela risque d’être différent, c'est tout le sens de cet article.
Bonjour Louis,
Je vous rejoins en revanche sur le fait que l'option choisie pour lisser cette charge va devenir intenable suite à la crise qui s'annonce.
Bruno
Le sens de l'article ? Peut-être mettre en avant la gestion parfaitement légale mais aussi parfaitement à risque.
Ce risque qui pourtant arrive et est en passe de mettre en faillite un monstre géant tel que Boeing. Et par ricochets multiples des milliers d'entreprises ayant lien de près ou de loin à l'aviation.
Le sens de l'article est peut-être aussi de rappeler que de très nombreuses multi nationales sont gérées comme cela.
C'est à dire totalement à l'inverse de ce que l'on appelle communément une gestion en bon père de famille.
Sous entendue, pérenne.
Bien construit, bien documenté, bravo Louis, tu écris comme tu voles :-)
Nul doute que Boeing n'est pas le seul à se livrer aux turpitudes financières, mais si tu veux planter ta plume dans du lourd, je serais heureux de te voir signer un article, que dis-je, un livre, sur le Covid 19 pris sous l'angle des conflits d'intérêt...
Papy Solex
Bravo M. Kulicka pour cet article très complet et le travail accompli. J'attends les suivants !
Bonjour Louis Kulicka,
Je ne m'intéresse pourtant pas particulièrement à l'aviation mais plutôt au ferroviaire.
L'article est vraiment clair et intéressant. On y lit beaucoup de choses transposables à d'autres activités économiques.
Merci pour ce travail.
Vince
Boeing Airbus meme combat. Meme si nous aimons les avions, nous devons constater et reconnaître que le besoin est couvert et qu'il est nul besoin d'en construire pour le moment,
Faire l'Autruche ne sert à rien.
Effectivement sur Toulouse, c'est le sujet Tabou que personne n'ose aborder.
'De même ce sont les lois de la physique qui font voler les avions, pas les lois de la finance"
Ce sont exactement les paroles que m'avait cité Guy Servanty fils de Lucien ....
Début des années 2000.
Bonjour,
Vous écrivez "Lors du lancement du programme, un budget extrêmement réduit de quelques milliards de dollars fut confié aux chefs de projet pour le développement de l’avion, à leur charge de trouver les moyens de concevoir un avion plus performant techniquement et qui dans le même temps coûterait moins cher à concevoir et construire que ses prédécesseurs : la quadrature du cercle !" Ok, c'est le motif de toute innovation...Faire mieux pour moins cher ! C'est un job d'ingénieurs, techniciens et ouvriers ! Oui, cela fonde le progrès technique et technologique...
"C’est comme ça désormais chez Boeing : investir le moins possible pour distribuer le plus de dividendes possible." Pas d'accord ! On paie plus de dividendes en amputant les parts des deux autres acteurs c'est à dire l'outil de travail et la force de travail cad en effet l'investissement mais aussi les salaires...De la à dire que soustraiter a essentiellement un impact sur les investissements en infrastructures, equipements et matieres premières liés au niveau de vie des pays, c'est sûrement vérifiable mais surtout ce qui est recherché le plus souvent tient au bas coût de la main d'oeuvre de ces dits pays. Je vois passer le Dreamlifter en route vers Tarente (Taranto) pour charger chez Alenia le tronçon central du Dreamliner...un futur Nightmareliner donc !
Aussi bizarre que cela puisse paraitre, Boeing a une grosse cote de confiance. Ils ont prefere emettre des obligations plutot que d'accepter une contraignante aide federale. Ils ont leve plusieurs dizaines de milliards de Dollar en qqs jours.