A Zhuhai, la Chine aérospatiale affiche ses ambitions

A l’occasion de l’édition 2014 du salon China Air Show qui se déroule cette semaine à Zhuhai, la Chine a démontré qu’elle n’était pas seulement en passe de devenir le plus grand marché aéronautique, mais qu’elle avait aussi l’intention dans être un acteur de premier plan.

Un avion de combat furtif qui se compare au F-22 américain, le J-31, un cargo militaire qui rappelle le C-17, le Y-20, l’annonce d’un long-courrier à développer en association avec l’industrie russe, toujours de grandes ambitions spatiales : la Chine est résolument entrée dans la cour des grands et suscite ce qu’il est convenu d’appeler des commentaires en sens divers.

En effet, il ne suffit pas de financer de nouveaux programmes pour s’arroger des capacités concurrentielles. De plus, le manque d’expérience risque de freiner considérablement certaines initiatives, parfois aggravé par un certain manque de réalisme. Aussi convient-il de considérer avec un minimum de prudence les annonces qui, cette semaine, ont été faites au salon de Zhuhai. Lequel se veut une vitrine ouverte sur le monde en même temps que la confirmation d’une ferme intention de contrer les industriels occidentaux.

La volonté politique y est, accompagnée de moyens budgétaires que l’on imagine considérables, à défaut d’informations précises. En revanche, côté civil tout au moins, rien ne semble possible sans des partenaires et fournisseurs européens et américains. Dès lors, serait-il dangereux d’aider les Chinois à réussir ce grand départ ? La question est implicitement posée, encore qu’on imagine difficilement CFMI, Safran, etc., refuser de participer à des avions chinois de nouvelle génération.

Par ailleurs, les besoins sont d’une importance telle que les C919, ARJ 21 et autres projets ne devraient pas interdire à Airbus et Boeing de continuer à placer des centaines d’avions sur un marché qui sera bientôt le premier du monde.

Le C919 est exemplaire : le premier moyen-courrier de ce type est en cours d’assemblage dans les ateliers de Comac, avec plusieurs années de retard et il ne devrait pas effectuer son premier vol avant la fin de l’année prochaine, les premières livraisons étant prévues pour 2018. Il bénéficierait de 400 commandes et intentions d’achat, un bon début, mais d’une crédibilité incertaine. On constate d’ailleurs qu’Airbus et Boeing n’affichent aucune inquiétude alors que le nouveau venu vise le cœur du marché, celui que contrôlent les A320 et 737.

Dans le même esprit, ATR et Bombardier n’affichent pas d’inquiétudes connues au sujet de l’arrivée prochaine du biturbopropulseur MA 700, propulsé par Pratt & Whitney, qui devrait voler en 2017 et être livrable à partir de 2019. Les ATR 72 et Q400 ne devraient probablement pas souffrir outre mesure de cette nouvelle concurrence : les questions qui sont implicitement posées ne sont pas exclusivement techniques mais portent plutôt sur le support, Comac n’était évidemment pas en mesure de faire aussi bien, du jour au lendemain, que l’Airbus Group et Finnmeccanica.

Une autre question a surgi à Zhuhai cette semaine : Chinois et Russes vont-ils vraiment lancer conjointement un long-courrier, peut-être dans la catégorie des A350 et 787 ? L’annonce en a été faite, assortie d’une précision intéressante, à savoir que cet avion devrait entrer en service en 2023. Cela sans qu’on en sache davantage : les Chinois vont nous apprendre… la patience.

Reste le fait que l’on devine une implacable volonté politique de passer de la théorie à la pratique, que des moyens budgétaires adéquats sont visiblement prévus, comme ils le sont dans le secteur spatial où la succession du lanceur Longue Marche est en développement.

Dans le domaine militaire, les bureaux d’études ont visiblement brûlé les étapes, le J-31 représente bien l’état de l’art. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il va révolutionner le marché militaire à l’exportation. Ici, il s’agit davantage de géopolitique que de haute technique.

Reste les appétits industriels nés d’un marché potentiel considérable, des voilures tournantes aux avions d’affaires. Mais, de toute évidence, il faudra un bon moment pour séparer le bon grain de l’ivraie.

Pierre Sparaco