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Industrie

Le troisième homme du Beluga débarqué

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Jérôme Bonnard

Alors que le Beluga XL s’apprête à effectuer son premier vol cet été, depuis un mois, les équipages des actuels Beluga volent désormais à deux. Entre évolution de carrière et retraite, Airbus a pris le temps d’offrir une porte de sortie à ses 24 Officiers mécaniciens navigants (OMN) dont l’essentiel de leurs fonctions est désormais assumé par les « load masters » des différents sites européens du réseau Beluga.   

La décision de fermer le secteur OMN sur le Beluga remonte à octobre 2015, vingt ans exactement après sa mise en service avec un équipage à trois. Pourtant, avant d’être totalement remplacé par le XL, l’avion-cargo restera en activité encore quelques années. En fait, contrairement à son prédécesseur, le Super Guppy, il n’a pas besoin d’un troisième homme dans le cockpit pour voler.

« Le Beluga est certifié pour être piloté à deux. Il est construit à partir de la cellule de l’Airbus A300-600.», explique Philippe Sabo, directeur d’ATI (Airbus Transport International), la filiale de l’avionneur qui opère les cinq appareils à partir de Toulouse. A l’époque des B707, 747-100 ou 200 chez Air France, ou des Caravelle et Mercure chez Air Inter, l’OMN avait son poste dédié, avec un panneau et tous les instruments vitaux pour assurer la fonction mécanique de l’avion. Sur le Beluga, l’OMN participait au suivi de quelques paramètres seulement, comme par exemple le contrôle du dégivrage. C’était un tiers de son activité.

L’OMN était d’abord un « load master ». En véritable chef d’escale, il était responsable des opérations de chargements et de déchargements du Beluga. © Airbus

L’OMN était avant tout un « load master »

C’est sur le tarmac, en revanche que son rôle prenait tout son sens. Il était responsable de la conformité des opérations de chargement et de déchargement des tronçons et composants d’avions. Il connaissait le Beluga par cœur. Zones d’emplacements, attaches, centrage, il existe des dizaines de configurations de chargements selon chacune des dix usines Airbus à travers l’Europe. La valeur ajoutée du troisième homme d’équipage résidait là.

Garant d’un vol en toute sécurité, il maitrisait au centimètre près et au kilogramme près la répartition des charges. En d’autres termes, le chef d’escale, c’était lui. On l’appelait aussi « load master ». L’avion ne redécollait jamais sans son feu vert.

Il était également responsable de la maintenance de l’appareil. En cas de panne, par exemple un problème de pressurisation dans la zone cargo, il savait où et comment accéder à la valve de sécurité pour résoudre l’incident et repartir vers Toulouse.

Airbus a fait de nombreux investissements ces dernières années. La moitié des escales ont été modernisées et sont aujourd’hui autonomes, comme ici à Saint-Nazaire. © Airbus

Trois cent configurations de chargement

Au fil des années, et notamment depuis 2004, le développement de la famille A320 (de l’A318 au 321LR) et l’arrivée de nouveaux programmes (A400M, A350, Neo) ont accéléré les cadences de production d’avions. Depuis 2010, les rotations des cinq Beluga ont doublé, elles ont atteint les 8.600 heures par an en 2017. De plus, le nombre de configurations de chargements des composants, des pièces essentielles comme les tronçons de fuselages, ont triplé (il y en a trois cent aujourd’hui).

ATI s’est donc retrouvé face à une double problématique ; celle d’assurer le rythme soutenu des rotations de Beluga, véritable clef de voûte de la logistique d’Airbus, et la nécessité pour les OMN de maitriser toutes les configurations de chargement.

L’arrivée prochaine du Beluga XL, dont la capacité sera 30% supérieure, va permettre de résoudre la première partie du problème. Il pourra notamment emporter deux ailes de l’A350 contre une actuellement. Pour les OMN, la solution passe par le transfert progressif de leur fonction principale aux équipes au sol.

D’ici 2019, la majorité des escales Beluga seront autonomes. Le personnel au sol qualifié remplace l’OMN. © Airbus

La fin des load masters navigants

C’est la fin d’une époque pour le « load master » navigant, comme l’explique Philippe Sabo : « A l’époque, être à trois dans le cockpit était une continuité du Super Guppy. La présence de l’OMN sur les escales était indispensable. Il n’y avait ni l’équipement ni le personnel au sol avec des compétences suffisantes pour sécuriser les chargements de l’avion sans OMN. 

Aujourd’hui, le nombre de configurations des composants transportés a triplé. Afin de pouvoir continuer à assurer des vols en sécurité, nous mettons en place un « load master » basé en permanence sur une escale et spécialisé sur une trentaine de configurations propres à son usine. En terme d’expertise et d’analyse de conformité de chargement, nous gagnons en efficacité. »

Entre reconversions et départs négociés

Depuis sa décision de fermer le secteur OMN en 2015, Airbus assure avoir mis en place un plan social complet, progressif et en concertation avec les employés. Une dizaine d’entre eux va partir progressivement à la retraite. Avant cela, ils devraient accompagner la transition sur des plateformes importantes bientôt autonomes (Hambourg et Getafe).

« Ces OMN deviennent instructeurs. Ils nous accompagnent dans ce changement de modèle opérationnel et les montées en compétences des usines. Ils vont former les équipes au sol. Ils gardent un rôle prépondérant pour faciliter la mise en service du XL en validant les futures installations de chargements et déchargements. Ils gardent leur expertise jusqu’au bout. Certains proches de la retraite préfèrent arrêter, d’autres seront reconvertis comme pilote sur Beluga ou aux essais en vol. Airbus a mis tout en œuvre pour  trouver une solution pour chacun d’entre eux. » commente Philippe Sabo.

C’est ainsi que cinq mécaniciens navigants sont en formation à l’ENAC (sur la base de sélections) pour devenir pilotes de Beluga, et deux autres iront aux essais en vol d’ici à deux ans (chez Airbus deux postes étaient ouverts aux sélections).

Deux partent à la retraite, quatre ou cinq vont continuer d’assurer les rotations sur Beluga, là où l’activité est moindre (deux vols par semaine) et où la présence d’un « load master » permanent n’est pas encore justifiée. Il s’agit de Ankara qui fabrique certaines sections de l’A400M, Séville (Espagne) et Manching (Allemagne).

Le Beluga XL devrait entrer en service fin 2019 et remplacer progressivement le Beluga d’ici 2025.

Jérôme Bonnard

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Jérôme Bonnard

Journaliste polyvalent, à la fois rédacteur et vidéaste, Jérôme a couvert tous types d'actualités pour la télévision en France comme à l'étranger et a été co-finaliste du Prix Albert Londres en 2012 pour sa couverture du conflit Libyen. Il est passionné par tout ce qui vole depuis son plus jeune âge et pilote sur ULM 3 axes. Il écrit pour Aerobuzz.fr depuis 2018, et co-anime la nouvelle émission JumpSeat sur Twitch, il travaille sur des nouveaux médias et enseigne le reportage vidéo en écoles de journalisme.

View Comments

  • Je ne peux m’empêcher d’avoir une affectueuse pensée pour Gilbert Defer qui a décollé le premier Beluga (PEQ3) et qui nous a quittés en 2017. Et m’inquiéter de ce besoin irréfragable d’écarter les opérateurs humains faute de savoir, et d’avoir su, les diriger vers la modernisation des aspects sociaux de leurs emplois. Essayons de ne pas aller plus loin.

  • Merci Messieurs les OMN de nous avoir fait partager votre fortes expérience et connaissance. L'exploitation ne sera plus du tout la même et la relation cockpit personnel sol non plus.

  • Un très beau métier que celui d'officier mécanicien navigant, merci à eux pour leur travail, compétences aussi bien en tant que loadmaster que mécanicien volant, leur professionnalisme nous a facilité notre tâche de maintenance par leur technicité...
    Un grand merci à eux

  • Bel hommage pour les OMN BELUGA, mais un petit peu réducteur le rôle de l'OMN dans la conduite avion, « s'occuper de quelques paramètres seulement, comme le dégivrage ». L’OMN BELUGA avait exactement le même rôle que les OMN 747, DC10, 727, Transall, Hercule et autres avions PEQ3. Il participait à la préparation du vol avec les pilotes (étude NOTAM, METEO, etc...), il effectuait la prévol PNT, démarrait les moteurs, lisait les check-lists normales et s'assurait de la bonne exécution de tous les membres d'équipages. Il exécutait, en cas de panne, l'ECAM et la check-list secours en collaboration avec le Pilote monitoring, et c'était lui qui faisait les actions. Il faisait des séances simulateurs en équipage constitué, avec des entrainements et des contrôles de façon à conserver ses compétences et renouveler sa licence, comme les pilotes. Il avait aussi une certaine expertise technique sur laquelle pouvait compter les Pilotes.
    Moitié Pilote, moitié Mécanicien, c'était aussi l'homme (dit souvent le troisième homme) qui apportait un plus dans cette exploitation particulière, très différente des autres, complexe, ou les temps de service sont longs (jusqu'à 14h00), la fatigue présente.
    En 25 ans d’exploitation BELUGA, la compagnie n’a relevé aucun accident, et les OMN, comme les Pilotes d’ailleurs, grâce à leur rigueur et leur compétence en sont pour beaucoup.
    Un OMN BELUGA.

    • Bonjour, merci pour votre message, au sujet du rôle de l'OMN sur le Beluga, c'est pourtant ce qui nous a été expliqué par Airbus lors de l'Interviews. Cdlt, Jérôme

      • Bonjour Mr Bonnard.
        Pas de soucis. Merci d'avoir fait un reportage sur les derniers OMN, nous apprécions quand même
        Bonne continuation à AERO BUZZER.

      • Bonjour, c'est hallucinant de voir que le directeur de la compagnie ne sache même pas quel rôle joue un OMN dans un Beluga. Il est pourtant à l'origine de la disparition de ce métier. A t-il voulu minimiser le rôle de l'OMN pour justifier le passage en peq 2 ?

    • L'OMN , le mécanicien navigant, le petit jésus... ne ferons plus partie de ce que nous appelions un équipage.

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