Une analyse de l’évolution comparée des cours de bourse des actions Airbus et Boeing qui met en lumière la manière dont les deux constructeurs font face aux crises qu’ils ont affronter et leur capacité, voire les difficultés, à se redresser. Une illustration de plus de la situation précaire de Boeing.
Quand j’ai commencé cette série d’articles financiers, il y aura bientôt deux ans, elle portait uniquement sur Boeing. Certains lecteurs à juste titre ont fait remarquer : « parler de Boeing c’est bien, mais comparer avec Airbus serait mieux », c’est ce qui a été fait. La comparaison, basée sur l’analyse des documents financiers des deux entreprises respectives a vite révélé la situation durablement précarisée de Boeing. Certains lecteurs ont alors fait remarquer : « ce qui compte pour Boeing, c’est son cours de la bourse, et il monte, alors tout va bien ! » Et bien justement, regardons ce qu’il se passe de ce côté : boursicoti-boursicotons !
A long terme, le cours de la bourse reflète toujours les fondamentaux d’une entreprise : son dynamisme, sa performance technique et commerciale, sa santé financière. A court terme, toutes sortes de variations sont possibles. Sur la figure ci-dessus se trouve la comparaison de l’évolution du cours de la bourse de Boeing et Airbus mois par mois depuis mars 2019. Pourquoi cette date ? C’est le début de la crise liée au 737 Max pour Boeing. Cette crise a eu un effet sur le différentiel d’évolution entre Boeing et Airbus, qui s’est accru encore avec la crise liée au Covid.
D’abord ces courbes se ressemblent, elles sont impactées par les mêmes évènements, du moins à partir de la crise du Covid. La crise des 737 MAX n’a (évidemment) affecté que Boeing : entre mars 2019 et février 2020, l’action de Airbus a augmenté de 20%, pendant que celle de Boeing diminuait de 24%, ce qui a contribué à creuser un différentiel total d’évolution du cours des 2 actions de 44 points, valeur déjà considérable.
Et maintenant ? L’investisseur qui a acheté pour 100 d’actions Airbus en mars 2019 possède un actif dont la valeur actuelle de revente est de 105, alors que l’investisseur dans des actions Boeing pour une valeur de 100 au même moment ne possède plus potentiellement que 53 s’il vend ses actions aujourd’hui : une sacré perte. Si les actionnaires d’Airbus d’avant la crise sont en train de retrouver leur mise, ceux de Boeing en sont encore bien loin, si tant est que ce moment vienne un jour.
Plaçons nous maintenant au « creux » de la vague, pour ceux qui aiment « jouer en Bourse ». Entre avril 2020, et juin 2021, le titre Airbus est passé de l’indice 43 à l’indice 105, soit une augmentation de 144 % ! L’action Boeing pour la même période est passée elle de l’indice 28 à l’indice 53, soit une évolution de 89%. Si le boursicoteur a pu « faire de l’argent » avec Boeing, il a été mieux inspiré s’il a acheté Airbus!
L’évolution différenciée des cours de la bourse des deux entreprises reflète tout ce que nous avons pu en dire dans les présentes colonnes ces derniers mois. A savoir que Boeing en difficultés financières (coût de la dette 1.352 millions de dollars au 1er semestre, soit 4% du chiffre d’affaires) et a tout juste réussi à parvenir à l’équilibre au premier semestre (6 millions de dollars de bénéfice après impôt), que son carnet de commandes s’est amaigri, que ses livraisons ont diminué, que sa situation financière et patrimoniale s’est fortement détériorée, que les difficultés rencontrées sur ses différents programmes reflètent un véritable processus de déréliction à l’œuvre, alors qu’Airbus, avec la publication des ses comptes pour le premier semestre 2021 nous indique qu’elle a retrouvé le chemin de la rentabilité (2.204 millions d’euros de bénéfice après impôt au premier semestre).
Et c’est ici que nous nous retrouvons en plein paradoxe : c’est l’entreprise qui cherchait le plus à faire des bénéfices (pour distribuer des dividendes aux fonds d’investissement) qui finalement en fait le moins et se retrouve au bord du gouffre. Il y a une logique à cela : vouloir distribuer le plus de bénéfices possible ne peut tenir lieu de stratégie industrielle pour une entreprise aéronautique comme Boeing. C’est le meilleur moyen de lui faire perdre son âme dans un premier temps, et la vie dans un second.
Quant à ceux qui aiment à répéter éternellement « too big to fail« , qu’ils se disent bien qu’il n’y aura personne pour financer éternellement des déficits chiffrés en dizaines de milliards de dollars. Si la branche militaire survivra de toutes façons avec les commandes du gouvernement américain, rien n’est assuré pour la branche des avions commerciaux.
Louis Kulicka
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Cet article ''reve en couleur'' comme on dit au Québec.
Comparer la situation d'une entreprise qui bénéficie des fonds publics
sans limite et qui en plus vient de recevoir plusieurs Md$ de subventions en raison officielle de l'effet Covid, et une entreprise privés dont les cours de
l'action ne dépendent que des investisseurs privés, c'est comme
comparer le Ministère des finances et l'épicerie du coin de la rue!
Remarque sur la situation depuis début 2021 (7 mois):
- Boeing enregistre plus de commandes qu'Airbus
-Boeing enregistre moins d'annulations de commandes qu'Airbus
- Boeing bénéficie d'un volume énorme d'avions 737 MAX et 787
construits mais non livrés. la valeur en cash correspondante est colossale
alors que les couts de productions sont déjà réalisés.
La bourse va s'en apercevoir rapidement. Si vous voulez gagnez de
l'argent, achetez des actions Boeing .Elle vont bientôt s'envoler....
"Boeing bénéficie d’un volume énorme d’avions 737 MAX et 787
construits mais non livrés. la valeur en cash correspondante est colossale
alors que les couts de productions sont déjà réalisés."
Je serai interessé de connaitre l'écart entre la valeur bilan stocks et le prix de vente réel; il y aura des pertes énormes par avion X le parc au sol; sans compter les couts ahurissants de remise au standard; et les couts non moins ahurissants de mise en route d'avions qui n'ont jamais volé et sont stockés, certains depuis plus de 24 mois. Ca va malheureusement être cuisant! Malheureusement, car ce seront encore les employés qui en feront les frais. Bien avant les actionnaires.
Tout le monde voudrait y croire...
Déjà relancer le débat des subventions, vieux comme l'OMC, est de toutes les manières biaisé. A Seattle, on a toujours bénéficié de la commande publique, de la puissance d'accompagnement commerciale de Washington, d'aide au travers de programme de R&D et le point clé : le protectionnisme sous forme de préférence nationale.
Voit-on autant de MRTT survoler le Mississippi que des KC135 sur les rives du Rhin ?
Dernier exemple, le challenge "Rafale contre F35" en dit long sur le rapport de force.
Oui cela fait du cash, mais le parc machine est aujourd'hui stocké, stock que toutes les entreprises veulent limiter, connaissant le prix : immobilisation de trésorerie et fiscalité.
Il faudra également reprendre la discussion avec les clients sur une nouveau modèle économique (perte de crédibilité, cursus de formation des pilotes,...) en position de faiblesse.
Sans doute pour éviter la fragilisation de leur écosystème ou le repositionnement vers son concurrent, Boeing a du dealer avec les fournisseurs, sans mettre de ventes en face.
Quel sera l'effort pour revenir dans le jeu ?
Renouveler la gamme, ressouder les équipes sur un projet mobilisateur après une période traumatisante, car même Etazuniens, les compagnons restent des hommes.
Il serait illusoire d'imaginer que la situation ait échappé aux fonds d'investissement.
Est-ce que tout cela ne va pas accélérer la fin de cette gamme ?
...et une braderie des stocks, car il vaut mieux vendre à perte que d'occuper la place avec des produits datés, comme chez nos commerçants préférés, après le Covid.
Wait'nd see.
Monsieur, regardez bien les comptes de Boeing des différents exercices, et vous verrez que l'entreprise bénéficie chaque année de milliards de dollars de crédits d'impôts, qui sont des aides de l'Etat Fédéral Américain, pour "atténuer son malheur", sans parler des aides "obtenues" des collectivités locales lorsque Boeing installe une usine en disant "je m'installe ici à condition que...." etc. D'ailleurs cela pourrait faire l'objet d'un article, il faut trouver a documentation. Mais le plus pathétique là-dedans pour l'image de Boeing, c'est son incapacité à livrer en temps voulu l'Air Force One.... pour le Président of the United States, quand même !
D'accord avec tout le monde (à l'exception du supporteur de l' "América first"!) pour souligner l'intérêt de cet article aussi passionnant que les précédents.
Seul bémol interrogatif de ma part: le fait que BOEING ait conservé la confiance de ses clients qui ont repris leurs commandes, n'est-il pas la preuve que leurs analystes sont plus optimistes?
Merci pour cette tenue des comptes
Stratégiquement Boeing ne peut disparaître a cause du militaire US. Sa branche civile peut décliner et se faire racheter par fond spécial façon GM ou Ford, mais il a aussi des fnrs européens donc pas trop notre intérêt
En revanche Airbus a installé son usine chinoise où les chinois ont à domicile de quoi apprendre très vite à copier et comprendre le design avion. J ai le cas en auto avec une armée de cerveaux qui pompent tout. Avec la connaissance design il leur reste que le soft et hardware a maîtriser. Leur branche militaire est la pour cela. C cohérent pour nous supplanter ASAP. Le futur point de pivot est la confrontation musclée chine-Occident pour capturer Taïwan avec son électronique.
Too big to fail est un mythe aux USA; Lehmann Brothers,Enron, etaient considérées comme Too big to fail mais elles ont coulées.
Cette analyse est démente mais ne m’étonne point du fait de son origine française.
Prenez vos rêves pour la réalité mais BCAG ne disparaîtra jamais et sortira encore plus fort de la crise.
Boeing conçoit et construit des avions, les meilleurs.
Airbus essaye en vain depuis plus de 50 ans.
"Boeing conçoit et construit des avions, les meilleurs.
Airbus essaye en vain depuis plus de 50 ans."
Le fan-boyisme d'adulte c'est à la fois le plus drôle et le plus pathétique.
C'est vrai Jean-Mi, on espère toujours que les amateurs d'avions sont des gens pondérés et courtois. Hélas, ce n'est pas toujours le cas.
C'est vrai aussi que depuis une quatraine d'années, mesure et courtoisie n'étaient plus vraiment d'actualité outre flaque :-)
Discuter avec un fanatique obtus aussi.... Avec votre nom ou pseudo, je ne vous imaginais pas américain... Québécois peut-être ?
Bref, des crash d'avions, il y en a autant d'un coté que de l'autre (et chez les autres aussi), certains plus facile à expliquer et comprendre que d'autres, des deux cotés. Le partage du marché à 50%-50% grosso-modo montre que ces produits se valent.
Il faut savoir regarder de tous cotés, objectivement. Ce qui n'est pas votre cas et ne semble pas possible pour vous.
Tans pis.
AF296, AF447, AA587,.... cela vous dit quelque chose.
Discuter avec des francais est la pire perte de temps qu'ils soient
En dehors de cet avis péremptoire et non étayé, qu'avez vous d'intéressant à nous dire?
Que vous travaillez pour Boeing ?
Que vous êtes lobbyiste attitré ?
Votre réponse m'amuse. Elle est tellement partisane et dénuée d'esprit critique ou de recul pour être un tant soit peu crédible.
Boeing construit les meilleurs avions dont leur électronique ne sait pas corriger correctement les défauts aérodynamiques. Boeing 737 max par exemple. Mais aussi Boeing-Bell V22 coté militaire.
Pendant ce temps là Airbus n'y arrive pas non plus depuis 50 ans, n'ayant jamais mis en service le premier avion de ligne à commande de vol électriques (A320) ni toute la descendance. Il ne sont pas en train de faire un best seller avec l'A350. L'A380 est un flop, mais pas l'avion (qui vole très bien), non, son commerce à foiré, lié à une clientèle qui n'était finalement pas là. Boeing pendant ce temps là n'a rien sorti de nouveau.
Mais oui, on peut dire que Airbus, depuis 50 ans, essaye en vain de faire des avions qui fonctionnent...
Je me marre, mais je me marre...
Allez ! God Bless America !
" Boeing conçoit et construit des avions, les meilleurs."
... et surtout les plus sûrs...
Comme d'habitude avec vous Mr. Kulicka, vous nous présentez un article solidement argumenté et sans partie-pris, et merci pour cela.
Je pense depuis pas mal de temps que la branche "aviation commerciale" de Boeing est très mal en point et qu'elle pourrait disparaître après dissociation des autres branches du groupe. C'est bien après tout ce qui s'est passé pour Lockheed, même si les circonstances n'étaient pas les mêmes à l'époque... Mais sur un autre forum aéronautique, quand je m'exprime ainsi, on me réponds sans cesse "too big to fail", on m'a même un jour carrément traité de "Mme Irma de pacotille" !
Je suis donc rassuré de voir qu'un meilleur spécialiste que moi en finances aéronautiques me conforte dans mes idées.