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Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus

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Pierre Sparaco

Avec le contrat de l’américain JetBlue, Airbus enregistre sa 10.000 ème vente d’A320. 29 ans après son lancement, le best-seller européen est produit au rythme effréné de 42 exemplaires par mois. La nouvelle version NEO (2.400 unités commandées) est un succès.

Grâce à une nouvelle commande de JetBlue, le biréacteur court/moyen-courrier européen pulvérise tous ses records. Le bilan commercial affiché par Airbus est très exactement de dix fois supérieur aux prévisions de mars 1984. Mieux, l’A320 est incontestablement devenu le best-seller de sa catégorie, avec 60% du marché de sa catégorie. Et la version remotorisée NEO (New Engine Option) connaît un succès fulgurant avec 2 400 exemplaires vendus à ce jour.

L’A320 illustre à lui seul la montée en puissance de l’Europe sur le marché mondial des avions commerciaux. Au début des années quatre-vingts, la gamme Airbus se limitait aux A300B et A310 et le lancement d’un avion s’aventurant sur les terres du Boeing 737 témoignait d’une grande audace. L’administrateur-gérant, Bernard Lathière, plus prudent qu’il n’y paraissait à première vue, se risquait néanmoins à mentionner un objectif perçu alors comme très ambitieux, s’arroger 25 % d’un marché potentiel estimé à 4 000 appareils, c’est-à-dire la vente en une dizaine d’années d’un millier d’A320. Compte tenu des repères de l’époque, les ordres de grandeur cités donnaient le vertige, à commencer par la cadence de production initiale de 5 exemplaires par mois, 8 par mois en un deuxième temps. Du jamais vu !

Fort de 96 commandes de lancement, cet A320 était extraordinairement novateur : commandes de vol électriques, enveloppe de vol protégée par l’informatique de bord, équipage de deux pilotes et une capacité l’inscrivant au cœur de la demande. Un « 150 places », aménagé avec 152 sièges par Air France mais 173 par Air Inter, en configuration monoclasse densifiée.

L’argument essentiel consistait à proposer franchement mieux que le Douglas MD-80, c’est-à-dire des coûts directs d’exploitation inférieurs de 13 à 14 % par rapport à ceux du best-seller californien. Lequel, il est vrai, était propulsé par des Pratt & Whitney JT8D qui, par rapport aux CFM56 et V2500, ne représentaient plus tout à fait ce qu’il est convenu d’appeler l’état de l’art.

L’enthousiasme de Bernard Lathière fut communicatif, ce 2 mars 1984, jour de l’annonce du lancement du programme. D’autant que ses propos furent confortés, détails techniques et industriels à l’appui, par Roger Béteille, directeur général et le directeur anglais de l’A320, John Macadam. Tous les feux étaient au vert, avec 96 commandes de lancement et des coûts de développement largement couverts, avec l’aide des Etats, par Aerospatiale, British Aerospace, Construcciones Aeronauticas et Messerschmitt-Bölkow-Blohm, ainsi qu’une participation belge de 2 % prise sur les 26 % anglais. Des négociations étaient en cours avec l’Australie (elles n’aboutirent pas), le Canada avait décliné l’offre qui lui avait été faite (« il n’avait pas de détermination claire »). Et, de toute manière, Airbus n’avait pas besoin de séduire de nouveaux partenaires pour aller de l’avant.

Avec le recul de près d’un quart de siècle, ce sont les données financières calculées à l’époque qui impressionnent le plus. La mise de fonds total était de 1,7 milliard de dollars (la seule unité de compte compréhensible par tout le monde), le prix unitaire catalogue de l’avion était de 24 millions de dollars et le seuil financier de l’opération fixé à 600 exemplaires, au-delà desquels l’opération deviendrait résolument bénéficiaire.

Plus tard, quand les critiques se sont multipliées, venant de Washington et Seattle, à propos du système de financement européen basé sur des avances remboursables octroyées par les gouvernements, la réponse fut cinglante. Non seulement Airbus remboursait mais, grâce à une formule de royalties, continuait ensuite à alimenter les caisses étatiques. Et cela à une époque où personne ne s’aventurait à prédire des ventes bientôt devenues vertigineuses.
De ce fait, l’A320, plus que tout autre programme aéronautique européen, a sérieusement agacé les Américains, au terme d’une première phase d’indifférence et d’incrédulité, à un moment où Lockheed renonçait tandis que les positions de Douglas subissaient une inexorable érosion.

A lui seul, l’A320 a illustré la montée en puissance du Vieux Continent. Quand Jean Pierson, successeur de Bernard Lathière nommé en 1985, s’est risqué à affirmer publiquement qu’Airbus visait 30 % du marché, nombreux sont les experts, les observateurs, les analystes, qui ont secrètement contenu leur étonnement. Pour atteindre cet objectif, il fallait évidemment créer un long-courrier mais il revenait aussi à l’A320 de construire et de renforcer la puissance d’un intervenant résolument mondial.

Les avions de JetBlue seront livrés, non pas à Toulouse ou à Hambourg, mais à Mobile, dans l’Alabama. Ainsi, la boucle sera bouclée. Et on imagine facilement l’immense satisfaction de Roger Béteille et John Macadam (Bernard Lathière a disparu en 1997) face à cet imposant bilan. D’autant que la carrière de la lignée A320 est bien loin d’être terminée.

Pierre Sparaco

A319 aux couleurs de la compagnie autrichienne Nikki
Le 3.000ème Airbus de la famille A320 livré à la compagnie indonésienne Air Asia, en mai 2005
L'A320 est actuellement produit au rythme de 42 unités par mois. A terme, il sera assemblé sur trois continents : Europe, Asie (Chine) et Amérique du Nord (USA)
5.800 appareils de la famille A320 ont déjà été livrés à 390 clients et opérateurs
Le premier vol de l'A320, le 22 février 1987 à Toulouse
JetBlue sera la première compagnie à réceptionner un A321 assemblé dans la future usine de Mobile, en Alabama (USA)
En 1984, qui aurait imaginé que 30 ans plus tard, l'A320 ferait jeu égal avec le 737 de Boeing ?
Le succès commercial de la version NEO prolonge la carrière de l'A320 de plusieurs décennies.
Avec la famille A320, Airbus a pu prendre pied sur le marché de l'aviation d'affaires
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Pierre Sparaco

View Comments

  • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
    Un bel article pour un bel appareil dont les débuts ne furent pas toujours faciles.

  • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
    Sur la meme periode (1988/2013) le A320 fait meme legerement mieux que le 737 a qqs unites pres, c'est une sacree performance.
    Mais bon, les narrow body a prix casses ne remplissent les poches que des sous-traitants.
    Dans le cas d'une motorisation GE, pres de 3/4 de la valeur d'un appareil retourne aux US sauf quand GE ... offre les moteurs a un client !
    Dans le meme esprit que les fabricants d'imprimantes qui se rattrapent largement sur le prix des consomables.

  • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
    un article très complet que seul Pierre Sparaco, avec toute sa connaissance et sa mémoire pouvait écrire pour rappeler le défi que représentait le lancement de ce tout nouveau 150 places qui devait détroner le 727 qui dominait alors le marché et était la reference. Du còté allemande on n'était pas chud car Lufthans qui venait de commander de 737, n'en voulait pas. Et du côté anglais, il faut se rappeler la citation de Maggie Thatcher: "I don't want another Concorde on my hands". Visiblement elle n'avait pas bien été briefée. Et Roger Béteille de me rappeler qu'il avait été appelé par Sir Raymon Lygo, le patron de BAe, pour faire

  • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
    Si cet appareil a tant de succès ,c'est tout simplement parce que c'est un outil qui fait gagner beaucoup d'argent à son propriétaire ,mais ce n'est certainement pas un avion .
    Si on peut tolèrer les manettes immobiles ,que dire des joysticks non conjugués !!!!!
    heureusement qu'il y a à bord des singes qui rattrappent cette abberration

  • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
    Quelle réponse à tous ceux qui,en France, ont dénigré cet avion à ses débuts! Et bravo à toutes ces merveilleuses équipes Airbus qui ont osé défier Boeing sur son propre terrain avec succès grace à leur enthousiasme et à leur talent.

  • Airbus passe le cap des 40 par mois
    Qui aurait imagine il y a une quinzaine d'annees que ce programme allait depasser la cadence 40 par mois, c'est tout simplement fantastique plein pot pleine allure...

  • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
    Débuts très difficiles quand deux mois après le lancement commercial en avril 1988 un A320 d'Air France, en démonstration à Habsheim, s'écrasait en bout de piste. Suivirent tous les commentaires cherchant à décrédibiliser l'A320, ses commandes de vol électriques, l'enveloppe de vol protégée, etc.. Belle revanche sur le mauvais sort. Cocorico !!

  • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
    Et je me rappelle bien d'un certain editorial qui écrivait "Bravo à British Caledonian" ! ! ! Il fallait oser à cette époque !

    • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
      Un appareil extraordinaire, fiable et sûr,
      après des années de mise point,
      une réussite incontestable d'Airbus,
      une ergonomie avant-gardiste et des systèmes inégalés,
      mon bureau quoi :)

    • Airbus passe le cap des 10.000 A320 vendus
      Merci, Gabriel ! Votre message mérite d'être décodé à l'intention des lecteurs d'AeroBuzz: témoignant d'une mémoire peu commune, vous faites allusion à un éditorial publié par Aviation Magazine, il y a ...29 ans, dans lequel je commentais la décision courageuse de British Caledonian de commander des A320 alors que Bririish Airways était farouchement opposée à l'avion européen. Depuis lors, beaucoup d'eau a passé sous les ponts de la Tamise !
      P. Sp.

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