Au cours de l’actuelle Phase 2 du projet Perlan, le planeur stratosphérique a enchainé trois records d’altitude. Il se rapproche de la barre des 90.000 ft (27.430 m). Le soutien apporté par Airbus depuis 2014 a fait entrer cette aventure scientifique dans une nouvelle dimension. Tout a commencé en 1992…
Lors de l’édition 2015 du salon du Bourget, une annonce d’Airbus est plutôt passée inaperçue des grands médias aéronautiques et spatiaux… Pourtant Stéphane Fymat (citoyen américain, comme son prénom ne l’indique pas), Member of the Board of directors du Perlan Project révèle alors le lancement de la phase 2 de ce projet technologique… Aujourd’hui, ledit projet est devenu une éclatante réalité !
Le Perlan Project est né en 1992, initiative d’un Allemand, Einar Enevoldson, alors pilote d’essai au DLR, l’équivalent germanique de l’Onera. Le but est d’explorer le comportement de la haute atmosphère par l’exploitation des phénomènes ondulatoires que les vélivoles connaissent bien, et en l’occurrence leur interaction avec le vortex polaire.
Enevoldson constitue un groupe de passionnés rassemblant de multiples compétences (notamment en aérologie et météorologie), et l’un de ses mécènes principaux est le milliardaire aviateur américain Steve Fossett (disparu le 3 septembre 2007 dans un accident d’avion). Ensemble, à l’aide d’un planeur biplace « du commerce » – quoique « préparé » –, un DG-505M Orion (aujourd’hui préservé dans les collections du Seattle Museum of Flight), ils vont porter, le 30 août 2006, le record du monde d’altitude en planeur à 50.761 ft (15.472 m).
Cet exploit est réalisé, déjà, au départ d’El Calafate, en Argentine, pour profiter des conditions de la Cordillère des Andes. Préparé, car le compartiment moteur de ce planeur à dispositif d’envol incorporé a été utilisé comme réservoir d’oxygène : sans pressurisation, l’équipage a volé dans des scaphandres dignes de ceux des astronautes…
L’équipe, constituée d’une trentaine de personnes, et toujours sous la houlette d’Einar Enevoldson (86 ans) et maintenant du directeur de programme Ed Warnock, ne s’est pas contentée de ce résultat. En juillet 2014, Tom Enders, big boss d’Airbus a donné lui-même l’accord de son groupe pour prendre en main financièrement la phase 2. Il l’a confirmé de belle manière en volant à bord du Perlan Project 2 le 7 mai 2016 !
Lors de la conférence de presse du 19 juin 2015 au chalet Airbus, Bruno Guttieres, alors directeur des « bizlabs » de la multinationale européenne, a ainsi justifié son engagement : « Airbus est très concerné par la compréhension de l’atmosphère […]. Dans cet esprit, nous avons rejoint le Perlan Project et son équipe internationale de scientifiques et d’ingénieurs aéronautiques, afin d’explorer les frontières de l’espace avec un planeur. » D’autres sponsors ont adhéré ou renouvelé leur assistance, entre autres Barron Hilton, la SSA (Soaring Society of America, la fédération de vol à voile yankee), BRS Aerospace (entreprise spécialisée dans les parachutes de sauvetage globaux à extraction pyrotechnique) ou encore Garmin.
La feuille de route annoncée voici trois ans est suivie : « L’objectif du Perlan Project est d’atteindre la limite du cosmos, d’étudier comment le phénomène ondulatoire se propage dans la stratosphère et quels sont les impacts climatiques de ce phénomène » explique alors S. Fymat. « La première phase a prouvé que l’onde des montagnes les plus élevées pouvait ouvrir la porte de l’espace aux planeurs. La phase 2 utilisera donc un planeur, cette fois pressurisé, pour atteindre 90 000 ft (27 430 m). » Ce processus est enclenché.
Il ne s’agit pas d’une « simple » opération de prestige dans le domaine de la recherche en météorologie ou de la sensibilisation des générations futures à la découverte et à la préservation de la planète, car des progrès en aérodynamique sont espérés : ainsi, par exemple, les gouvernes du planeur sont-elles excitées à chaque vol pour en apprendre davantage sur les phénomènes de flutter à haute altitude…
Et de prévoir une suite, dont nous reparlerons évidemment ! « La phase 3 souhaite ajouter des capacités de vitesse transsonique, et pouvoir atteindre 100 000 ft (30 500 m). » Ces objectifs ambitieux, même cantonnés à ceux de la phase 2, dépassant les possibilités offertes par les planeurs actuels, décision a été prise de faire construire une machine spécifique.
Plutôt moins sophistiquée que les planeurs modernes (pas de train rentrant, pas de winglets), elle est sortie des ateliers de RDD Entreprises, de Redmond, Oregon, et exposée lors d’AirVenture 2015 à Oshkosh. Sa cabine est donc pressurisée (8,5 PSID, soit une pression dans le cockpit équivalente à 4.200 m alors que l’aéronef est à plus de 30.000 m), et se caractérise par ses petits hublots circulaires.
L’équipage est alimenté en oxygène pur délivré par des masques à recirculation. Sa voilure est de forme en plan elliptique et les empennages sont cruciformes… L’engin est bardé de caméras, de multiples capteurs et d’une télémétrie performante. Aucun moteur interne permettant l’envol autonome n’est prévu.
Le chef-pilote de la phase 2 est désormais l’expérimenté vélivole américain Jim Payne.
Le vol inaugural du Perlan Project 2 a eu lieu le 23 septembre 2015 à Roberts Field, aux mains de Jim Payne à l’avant, et Morgan Sandercock à l’arrière. La base arrière a été établie sur le terrain de Minden (Nevada, près du lac Tahoe), qui a l’avantage d’être un centre de vol à voile (présence d’avions remorqueurs), dans un hangar mis à disposition par Dennis Tito, autre mécène aviateur.
La première campagne argentine, en septembre 2016, n’a pas donné de résultats probants : huit vols sur une période de 17 jours, le plus long durant 5 heures à une température de – 30 °C, mais autorisant de peaufiner maints réglages.
La saison 2 s’est ouverte véritablement le 11 avril 2017 avec des vols de contrôle au départ de Minden. Le 22 avril suivant, dans l’onde de la Sierra Nevada américaine – chez lui, donc ! – Jim Payne et Miguel Iturmendi ont atteint 30.690 ft, soit un peu plus de 9.350 m. Transférée à El Calafate, l’équipe ronge alors son frein, culminant longtemps à 32.500 ft. L’onde argentine semble en berne, ne se débloquant qu’en fin de séjour, en septembre.
Mais le déverrouillage de la situation météorologique termine le stage en apothéose ! Le 3 septembre 2017, pour le 38e vol du planeur, après un remorquage derrière l’Aero-Boreo AB-180 du club local (Centro Nacional de Vuelo a Vela de Montaña) piloté par Cholo, Jim Payne et Morgan Sandercock battent le record du monde en vigueur depuis 13 ans, avec une altitude de 15.902 m.
Ironie du destin, l’homologation du record (sous-classe DO – planeurs de classe libre –, catégorie générale) par la Fédération aéronautique internationale tombe le 22 août 2018, alors même que s’ouvre la période des exploits de cet été.
Le 26 août 2018, à El Calafate, le planeur piloté par Jim Payne et Morgan Sandercock plane à plus de 62.000 ft (altitude GPS de 60.669 ft). Ils font tomber leur précédent record, homologué quatre jours plus tôt. Les deux hommes franchissent la ligne Armstrong, l’altitude dans l’atmosphère au-dessus de laquelle le sang d’un être humain sans protection risque d’entrer en ébullition en cas de dépressurisation de l’appareil.
« C’est un événement formidable pour tous les bénévoles et sponsors de la mission Airbus Perlan II qui se sont engagés dans la concrétisation de notre projet aéronautique et spatial à but non lucratif », déclare alors Ed Warnock, CEO de The Perlan Poject. « Notre victoire aujourd’hui et les autres étapes importantes que nous avons franchies durant cette année témoignent d’un esprit pionnier d’exploration qui règne dans ce projet et dans les organisations qui nous soutiennent. »
Pour cette nouvelle campagne de vols à très haute altitude, le projet Perlan utilise pour la première fois en guise d’avion remorqueur, le monoturbopropulseur Grob Egrett G520. L’avion de reconnaissance à haute altitude a remorqué le Perlan 2 à 42.000 ft, à la base de la stratosphère. Exploité par AV Experts, LLC, il était piloté par Arne Vasenden.
Le 2 septembre 2018, Jim Payne et Tim Gardner ont atteint l’altitude de 76.124 ft. D’ici la fin de la campagne actuelle, c’est-à-dire mi-septembre 2018, tout est encore possible. Cela dépendra des courants ascendants de la Cordillère des Andes.
Jean Molveau
Le recueil de données sur le comportement d’un aéronef dans la haute stratosphère est bien utile car les connaissances sont encore insuffisantes. Comment, par exemple, se comportera la fibre de carbone du planeur Perlan 2 ? L’expérimentation permettra de compléter et vérifier les résultats obtenus par la modélisation numérique.
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Belle progression pour le projet PERLAN . Décidément , l'atmosphère à d'extraordinaire ressources , qui aurait crue qu'il nous serait possible , un jour , de "surfer" sur des vagues de plusieurs kilomètre de haut ?
Mais l'objectif final n'est pas atteint , affaire à suivre !