L’explorateur et pilote suisse Bertrand Piccard travaille depuis près de trois ans sur son prochain projet qui veut révolutionner l’aviation. Il ambitionne de faire le tour du monde sans escale avec son avion Climate Impulse propulsé à l’hydrogène. Jörg Adam l’a rencontré pour aerobuzz.de, lors de la remise des Living Legends of Aviation Awards.
Jörg Adam : « Nous sommes ici pour la remise des Living Legends of Aviation Awards. Vous avez vous-même déjà été honoré par cette distinction. Quelle est l’importance des Living Legends of Aviation pour vous » ?
Bertrand Piccard : « Chez les Living Legends, il y a une condition importante pour être membre, c’est d’être en vie. Le mot le plus important est donc ‘Living’, c’est encore plus important que ‘Legend’. J’ai été inspiré par tant de légendes dans ma vie. Par exemple, quand j’étais enfant, j’ai pu rencontrer Charles Lindbergh, j’ai pu rencontrer Chuck Yeager, tous les astronautes américains des programmes Mercury, Gemini et Apollo. Ils m’ont tellement inspiré. Je leur dois tout ce que je fais maintenant. Maintenant, être moi-même une légende vivante de l’aviation, c’est rendre hommage à toutes ces légendes qui nous ont permis d’arriver jusqu’ici ».
J. Adam : « Vous avez réalisé des projets révolutionnaires avec Solar Impulse par exemple. Et maintenant, vous travaillez sur un autre projet tout autant révolutionnaire ».
B. Piccard : « Absolument. Mais je ne peux pas m’arrêter à mi-chemin. Au début, mon rêve personnel était de faire le tour de la Terre en ballon sans escale, puis est venu Solar Impulse, le tour du monde en avion solaire sans une goutte de carburant. C’était un projet symbolique qui devait montrer ce qui était technologiquement possible. Le suivant est plus pragmatique : Climate Impulse, un avion à hydrogène fonctionnant à l’hydrogène liquide vert, qui doit faire le tour de la Terre sans escale et sans émettre de gaz. Ce sera tout sauf un un vol symbolique. C’est une démonstration de ce que l’on peut faire aujourd’hui, avec les technologies à notre disposition, pour décarboner l’aviation ».
J. Adam : « Quelles expériences de Solar Impulse pouvez-vous transférer au projet Climate Impulse ? »
B. Piccard : « Tout d’abord, l’esprit de pionnier. Pour réaliser quelque chose dont personne ne pense au départ qu’il est réalisable. On n’a pas d’échelle, on ne sait même pas si c’est réalisable. C’est pourquoi il faut réunir les meilleures personnes avec les meilleures compétences.
Je suis heureux de pouvoir dire qu’Airbus fait partie du projet. Au début justement, je voulais m’assurer que je n’étais pas complètement naïf et que cela pourrait vraiment être mis en œuvre. Beaucoup de gens ont dit que ce n’était pas possible. Puis j’ai rencontré Guillaume Faury, le CEO d’Airbus. Et il a réuni certains de ses ingénieurs de haut niveau pour évaluer le projet. Ils ont dit que si l’on modifiait quelques points, le projet pouvait être mené à bien. C’est vraiment à ce moment-là que nous avons lancé le projet. Le feu vert des ingénieurs d’Airbus a donné l’impulsion ».
J. Adam : « Il arrive en effet régulièrement que des personnes disent qu’il est totalement impossible de réaliser tel ou tel projet qui apporte une rupture. Mais une fois réalisé, ils applaudissent en affirmant l’avoir toujours soutenu ».
B. Piccard : « C’est vrai, vous avez raison. Les vrais amis, les soutiens sincères, on les rencontre au début d’un projet, pas à la fin ».
J. Adam : « Le financement du projet Climate Impulse pose-t-il problème ? »
B. Piccard : « Non, un explorateur doit aussi être un bon collecteur de fonds, sinon il reste un rêveur. Avant de rendre le projet public, nous nous sommes occupés du financement. SYENSQO est entré en premier comme partenaire, puis l’Université Mohammed VI Polytechnique du Maroc et ensuite l’OCP, qui est monté à bord comme grand partenaire. Ils veulent se diversifier et se lancer aussi dans l’industrie de l’hydrogène et bien sûr Breitling, qui a promis son soutien dès le début. Breitling est mon sponsor et partenaire personnel depuis 32 ans déjà. Le financement est en place jusqu’au début de la production. Nous avons déjà fabriqué des moules pour les premières pièces de l’avion ».
J. Adam : « Vous avez également toujours piloté vous-même dans le cadre de vos projets d’aéronefs. En ballon et à bord de Solar Impulse. Qu’en est-il de Climate Impulse ? »
B. Piccard : « Je piloterai moi-même encore pour ce projet. Mais je ne suis pas seulement là pour piloter l’avion, je suis aussi là pendant le vol pour expliquer le projet aux écoles, aux universités et à d’autres institutions et gouvernements, pourquoi nous poursuivons ce projet, et pourquoi nous croyons en l’aviation propre et pourquoi nous croyons que la décarbonation de l’aviation et l’utilisation de l’hydrogène vont réussir. Il est important de faire rêver les gens et de les faire voler avec nous. Il y aura deux pilotes qui voleront ensemble sur Climate Impulse, Raphaël Dinelli et moi-même.
J. Adam : « Raphaël Dinelli n’est-il pas aussi l’ingénieur en chef du projet ? »
B. Piccard : « Exactement. Il est également responsable de la construction de l’avion. Nous volerons ensemble, avec les millions de personnes qui – je l’espère – suivront notre aventure ».
J. Adam : « Les rêves et les visions sont-ils donc les moteurs pour faire avancer les choses? »
B. Piccard : « Le premier rêve était de voler. C’est faisable. Nous le savons. Le deuxième rêve est désormais de voler proprement, efficacement et sans émissions. Ce n’est pas encore réalisé. Mais si vous regardez à quel point l’aviation s’est développée de manière disruptive entre 1903 et le premier atterrissage sur la Lune ou le Concorde, c’est fascinant! Maintenant, nous devons redevenir disruptifs et inventer un nouveau type d’aviation. C’est la seule façon pour l’aviation de survivre ».
J. Adam : « L’aviation subit une énorme pression quant à son impact sur le changement climatique, dont elle serait responsable en grande partie d’après certains ».
B. Piccard : « Nous ne devons toutefois pas oublier que l’aviation n’est responsable que de 3% des émissions de CO2 dans le monde. Nous ne devons pas utiliser l’aviation comme bouc émissaire pour détruire ce qui existe déjà aujourd’hui. Nous devons également travailler sur les modes de transport terrestres, sur l’industrie du bâtiment, sur l’agriculture et sur l’industrie de la mode. Saviez-vous que l’industrie de la mode produit deux fois et demie plus d’émissions que l’aviation ? De même, l’industrie numérique produit déjà beaucoup plus d’émissions que l’aviation. Changeons l’aviation, mais changeons aussi les autres secteurs. Il est toujours facile de prendre un petit secteur comme cible et de s’y attaquer ».
J. Adam : « Les pionniers sont toujours importants en tant qu’initiateurs de nouveaux développements ».
B. Piccard : « Il faut toujours aller plus loin que ce que la majorité pense pouvoir faire. Il faut sortir des zones de confort et laisser aussi les certitudes derrière soi. Car si nous ne le faisons pas, nous nous rendons prisonniers de vieux modes de pensée. Il faut vraiment avoir un esprit de pionnier et penser et agir d’une manière différente de celle que nous avons appris à penser jusqu’à présent ».
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L'impact de l'aviation sur le changement climatique, c'est juste le double en termes de forçage radiatif : 3% pour le CO2 effectivement, et le reste du aux autres GES issus de la combustion avec des dizaines de réactions chimiques (NOx, SOx, H2o, résidus de CH4, post production d'O3), et aux trainées de condensation, le tout avec un bilan radiatif positif.
C'est tout de même rageant de la part d'un homme de sa trempe de minimiser les faits à ce point par le déni.
C'est très bien ce qu'il fait, et on a envie qu'il réussisse pour la sauvegarde de l'aviation, car on aime tous cette discipline, passionnés qu'on est jusqu'au trognon.
Mais de grâce, acceptons la réalité, et ne gâchons pas la grandeur du génie par une stupide hypocrisie qui fait se poser beaucoup de questions.
… si l’on veut vivre longtemps de son business, il faut savoir ménager la chèvre et le chou 😉
Bonjour Mr Piccard
Le brevet loravia , déposé il y a quelques années , devrait surement vous intéresser , à Airbus également d’ailleurs ...
celui ci est tres simple : faire des avions fins , avec des moteurs moins puissants , moins lourd , et donc plus fin et plus leger , assurant la sustentation horizontale avec n- 1 moteurs en fonction , donc on conserve une possibilité ascensionnel avec tous les moteurs en fonction, et de les treuiller pour le décollage et la montée initiale , voir de les remorquer...
sans l'attente de vos commentaires !