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Industrie

Beyond Aero se donne 6 ans pour faire voler son avion d’affaires à hydrogène

Published by
Fabrice Morlon

Beyond Aero a franchi une étape en faisant voler un ULM fonctionnant à l’hydrogène. La start-up française avance pas à pas dans la validation de la technologie en pensant l’avion autour du système propulsif. Les tests en vol du G1 « Blériot » ont permis de recueillir des milliers de données qui serviront à passer à l’étape suivante : certifier un avion d’affaires à hydrogène en 2030.

La start-up française Beyond Aero est née en 2020, bâtie sur l’idée que le futur de l’aviation sera électrique. Les trois co-fondateurs font le pari d’un avion d’affaires électrique propulsé à l’hydrogène. Avec deux moteurs de 600 kW, l’avion One, comparable en taille à un PC-24 ou un Phenom 300, entrera dans la catégorie CS-23/FAR 23 et pourra emporter 6 à 8 passagers et 2 pilotes, pour une masse maximale au décollage de 8,6 tonnes. Il devrait pouvoir franchir 1.500 km avec 4 passagers à bord.

Plutôt que de proposer un changement de motorisation des avions existants, comme le fait ZeroAvia par exemple, Beyond Aero a fait le choix d’une approche différente. La start-up a choisi de bâtir un avion atour d’une chaîne propulsive hydrogène. « Nous pensons qu’il faut développer l’avion autour du système et non l’inverse » explique Valentin Chomel, responsable des recherches scientifiques (CSO) et co-fondateur de Beyond Aero. « Par exemple, en retrofit, il n’y a plus de carburant dans les ailes, ce qui peut être une contrainte structurelle importante. D’autre part, les réservoirs sous forme de bouteilles ont une masse importantes et des contraintes d’exploitation. »

De manière à explorer la technologie hydrogène, Beyond Aero procède par étapes successives. La start-up a déjà fait voler en 2021 un drone de 12 kg et 3 mètres d’envergure à La Rochelle, avec un système hydrogène complet. En février 2024, les équipes de Beyond Aero ont franchi une nouvelle étape lorsqu’ils ont effectué à Gap le premier vol d’un ULM modifié, avec Paul Prudent aux commandes.

Pour son démonstrateur « Blériot », Beyond Aero a choisi la plateforme du G1 SPYL-XL fabriqué par G1 Aviation sur l’aérodrome de Gap-Tallard. « Après avoir discuté avec de nombreux acteurs de l’aéronautique, notre choix s’est porté sur le G1 » explique Valentin Chomel. Le G1 est proposé en version hydravion, épandage, surveillance et Beyond Aviation s’est « appuyé sur l’expérience conséquente du constructeur d’ULM dans la modification de cette plateforme robuste qu’est le G1. »

« Nous avons commencé par scanner la cellule du G1 en 3D en vue de l’intégration des différents systèmes » explique Valentin Chomel, « le bilan des masses est différent mais nous avons conservé le centrage du G1 pour embarquer un système de propulsion de 100 ch, à peu près équivalent au moteur Rotax d’origine. »

L’intégration du système à hydrogène sur le G1 expérimental a été effectué à Toulouse. En plus du moteur électrique Emrax, le même que celui du Velis Electro de Pipistrel, associé à une hélice Duc, la pile à combustible a été installée à la place du siège passager. Pour alimenter cette dernière, le G1 a été pourvu d’un compresseur d’air et de trois bouteilles d’hydrogène, pressurisées à 340 bar, installées dans la largeur du compartiment à bagages. Pour produire de l’électricité, la pile à combustible nécessite en effet de l’hydrogène d’une part et de l’oxygène, prélevé dans l’air ambiant puis compressé de manière à avoir des propriétés similaires à l’hydrogène, après être passé par des systèmes de gestion de l’humidité et de température.

Plutôt que de développer les différents systèmes de la chaîne de propulsion en interne, Beyond Aero a choisi d’utiliser des éléments existants dans le milieu automobile notamment. Cette solution permet à la start-up non seulement de gagner du temps dans le processus de développement mais également de réduire les coûts.

Le Blériot a été équipé de 5 pack de batteries type 60C représentant 25 kg au total. Les batteries sont rechargées au roulage puis en vol au besoin. Ce sont des batteries de puissance qui servent notamment au décollage ou dans les phases de vol qui nécessitent une pleine puissance, comme la remise de gaz par exemple.

Enfin, près de 500 capteurs ont été installés qui permettent de recueillir 2.000 variables en plus de caméras embarquées. Un système de télémesure au sol permet d’enregistrer toutes ces données pour une exploitation ultérieure.

L’intégration de la chaîne de propulsion a été effectuée à Toulouse. Le G1 modifié a ensuite rejoint Gap-Tallard pour les derniers réglages. © Beyond Aero

« La seule modification apportée à la cellule du G1 a consisté à découper le capot moteur de manière à intégrer les systèmes de refroidissement qui servent à limiter la température de fonctionnement du système de propulsion » explique encore Valentin Chomel.

Une fois le système de propulsion intégré, le G1 a été convoyé à Gap fin 2023 où G1 Avaition a installé les parties mobiles, la verrière et les freins sur le Blériot avant de procéder aux premiers tests au sol. En janvier, la campagne de tests en vol a débuté par une série de 10 « posé-décollés ». Puis Paul Prudent a effectué deux tours de piste complets atteignant 2.300 ft QNH, ramenant une moisson de données que les ingénieurs de Beyond Aero sont en train d’analyser.

Parmi ces données, le fonctionnement du compresseur d’air a apporté des données intéressantes selon Valentin Chomel :  » Les variations d’altitude pression, même en volant à des altitudes réduites, a un impact sur le compresseur d’air qu’on ne voit pas sur les systèmes automobiles par exemple. Nous sommes en train de réfléchir au fonctionnement du compresseur d’air dans des environnements plus froids et à des altitudes plus importantes, comme celle où croisera l’avion d’affaires One. »

A l’issue de ces tests, le Blériot ne devrait plus voler. L’équipe de Beyond Aero, constituée de 40 personnes actuellement, a besoin de tout son effectif pour travailler sur les prochaines étapes du projet. La start-up n’a pas vocation à commercialiser un système hydrogène pour l’aviation légère et le Blériot est un démonstrateur qui a permis de valider la technologie.

D’ici 2025, la chaîne propulsive de l’avion d’affaires One devrait être figée. © Beyond Aero

Désormais, l’équipe de Beyond Aero se concentre sur le développement d’un système propulsif complet et taille réelle. L’objectif est d’obtenir une version figée du système de propulsion d’ici à 18 mois. Autour de ce système, la start-up va constituer ensuite des équipes pour affiner la cellule du futur avion, ses systèmes de commandes, son avionique etc.

Alors que sa demande de DOA (Design Organisation Approval, agrément d’organisme de conception) est en cours auprès de l’EASA, Beyond Aero se donne 6 ans pour faire voler son avion d’affaires à hydrogène.

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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