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Industrie

Boeing sous la menace d’une OPA

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Louis Kulicka

Ce n’est pas de la fiction, juste le résultat d’un calcul. Standard and Poors a révisé à la baisse la cotation de Boeing, dont l’action a dévissé. Le niveau extrêmement bas de sa valorisation boursière, met le groupe aérospatial à la portée de prédateurs qui ont les moyens de devenir des actionnaires de référence.

Nous l’avons dit précédemment dans ces colonnes, Boeing a littéralement « brûlé ses vaisseaux » en donnant à ses actionnaires 64 Milliards de dollars en dividendes et rachats d’actions  entre 2013 et 2019 dont 7 milliards en 2019 alors même qu’il était évident que l’entreprise allait au devant de graves difficultés.

Une entreprise exclusivement financée par la dette

Désormais, dans son bilan, au passif, ne se trouvent plus que des dettes : dettes envers les banques pour les prêts à long terme, dettes envers les fournisseurs, dettes envers les compagnies aériennes (les « avances-clients » dont nous avons déjà parlé) sans compter des dettes sociales pour une vingtaine de milliards de dollars en rapport avec la sécurité sociale et la retraite des employés. En tout, il y en a pour 133,6 milliards de dettes (cf le bilan de Boeing à fin 2019).

Des marges de manœuvres réduites

Cela n’a pas échappé à l’agence de cotation Standard and Poors qui vient de dégrader la note de la dette de Boeing de AA- à BBB, deux notes au dessus des « Junk bonds« , c’est à dire pas loin des titres de créances auprès de débiteurs à fort risque d’insolvabilité. Cela veut dire que Boeing va avoir plus de mal désormais à emprunter même si les taux d’intérêt sont bas, car les banques sollicitées y réfléchiront désormais à deux fois avant de prendre le risque de perdre leur capital.

L’évolution du cours de Boeing à la bourse de New York, entre le 2 avril 2014 et le 17 mars 2020. Source : Boeing

Tournons-nous maintenant vers la bourse autre source de financement pour une grande entreprise : l’action Boeing cote au New York Stock Exchange 120 dollars le 17 mars 2020, alors qu’il y a un peu plus d’un an, elle valait 440 dollars, soit 3,7 fois plus ! Si on multiplie par le nombre d’actions sur le marché, soit à peu près 600 millions d’actions, cela valorise Boeing à 73 milliards de dollars. Il y a un peu plus d’un an, à 440 dollars l’action, Boeing était valorisée en bourse à 264 milliards de dollars : une sacrée dégringolade !

Dans un premier temps, le fait que le prix de l’action baisse n’enlève rien à ce qu’il y a dans les caisses de Boeing. Cependant, la situation a quand même un « léger » inconvénient  : l’entreprise ne pourra plus compter sur le marché des actions pour trouver de l’argent frais, ce qui réduit sa marge de manœuvre pour se financer. Boeing ne peut plus que se tourner vers des banques de plus en plus dubitatives.

Mais un malheur n’arrive jamais seul. La crise du Coronavirus frappe en tout premier lieu le secteur aérien, en réduisant fortement le trafic. Les compagnies aériennes sont lourdement touchées, avec une activité qui se rapproche de 0. De ce fait, elle vont retarder le plus possible la livraison de nouveaux avions voire annuler des commandes, soit faire plonger un peu plus Boeing dans la crise.

Les vautours par l’odeur alléchés…

Une crise est fortement génératrice de déséquilibres, et les déséquilibres sont aussi porteurs d’opportunités : autrement dit, quand ça va mal on peut parfois faire de bonnes affaires. Le marché boursier sert à acheter des actions, mais à partir d’un certain nombre d’actions, il permet d’acheter une entreprise, ou du moins de prendre son contrôle.

Pour avoir le contrôle et la direction d’une entreprise cotée, il n’est pas nécessaire de détenir tout le capital, il suffit d’être ce que les experts appèlent « l’actionnaire de référence« , c’est à dire celui qui détient la part de capital la plus élevée, par rapport au reste d’un actionnariat atomisé. Selon les cas, 15% par exemple du capital peuvent suffire, vu que très peu d’acteurs sont capables de telles mises de fonds. Cependant, si ils sont peu, ils existent. Voyons pour Boeing : 73 milliards de dollars x 15% = 11 milliards.

Prenons par exemple le fonds d’investissement BlackRock : il gère 6.840 milliards de dollars d’actifs à fin 2018 (source Wikipédia). Que représentent pour lui 11 milliards ? Boeing, du fait qu’elle est une entreprise cotée, est devenue très vulnérable.

Certes le gouvernement américain pourrait lui venir en aide, mais il a fort à faire en ce moment avec la crise du coronavirus pour laquelle il prévoit un plan de relance de 850 milliards de dollars : il n’y a pas que Boeing à aider. Et même si le gouvernement des Etats-Unis aide Boeing (prêt ou subvention), cela ne protège pas l’entreprise d’une prise de contrôle en bourse.

Dans ce dernier cas, pour empêcher que l’entreprise tombe entre d’autres mains, il faudrait que l’Etat américain nationalise Boeing… Certes, toutes les valeurs boursières ont fortement chuté ces derniers jours, mais comme le dit le proverbe : « pendant la traversée du désert, le gros maigrit et le maigre meurt« .

Louis Kulicka

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Louis Kulicka

Il a commencé sa carrière aéronautique comme vélivole. Depuis une vingtaine d'années, il est aéromodéliste : il conçoit ses propres planeurs ensuite construits en matériaux composites. Ayant une formation en gestion finance, il réalise pour Aérobuzz des chroniques financières sur les constructeurs aéronautiques.

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  • Je dirais pure spéculation...
    - en 2016 l'action de boeing valait 130$
    - elle a explosé à 400$ parce que les marchés avaient trop de liquidité
    - aujourd'hui elle vaut 140$
    Si véritablement cela valait la peine de décortiquer cette société, cela aurait été fait il y a 4ans lorsqu'il y avait encore des perspectives encourageantes.
    Certes aujourd'hui tous les fonds de pension et autres rapaces ont vendu toutes leurs action et possèdent probablement énormément de liquidités. Mais je pense que boeing va probablement finir comme bombardier, à devoir revendre département après département pour pouvoir se financer et se concentrer sur son *corps* de métier.

  • Pour ceux qui ne l'auraient pas vu : un reportage d'Al Jazeera sur le B787 Dreamliner. Des interviews de journalistes spécialisés et experts, d'anciens techniciens et ingénieurs de Boeing (et pour cause..), de sous-traitants ponctuent cette enquête menée tout autour du monde. Le B737 Max n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu, mais une réplique en beaucoup plus fort de ce qui était en germe à Boeing depuis de nombreuses années et dont le 787 Dreamliner fut le 1er avatar sérieux. Ce reportage permet de comprendre la profondeur et la gravité de la crise, mais aussi son inéluctabilité.
    https://www.youtube.com/watch?v=23s1e8bXbNY

  • Lu dans Capital...
    L'action est en chute libre, de sorte que la capitalisation boursière a fondu à 54 milliards de dollars vendredi. "Nous devons protéger Boeing (...) Nous devons absolument aider Boeing", a déclaré mardi le président Donald Trump.
    (...) Une des hypothèses les plus discutées est une prise de participation au capital de Boeing du gouvernement fédéral.
    Une hypothèse de nationalisation n’est donc pas exclue.
    À suivre...

    • "Une hypothèse de nationalisation n’est donc pas exclue." Même au pays du fric heureux ?
      Selon les "bons" principes du capitalisme : "privatiser les bénéfices, nationaliser les pertes", c'est à dire que l'escroqué, c'est le bon populo comme d'hab

  • C'est la méthode Américaine : "celui qui échoue est prédaté par la finance, menacé d'être coupé en morceau pour être revendu"; c'est vraiment le capital qui commande. Je peux vous dire que les pontes de la recherche US ont commis une grosse boulette en 2012 et ont remis le couvert en 2015 donc le parachute dorsal et ventral sont partis en torche et ils le paient durement. Il faut dire qu'ils ont un passif lourd qui date des années soixante-dix parce qu'ils ont refusé de creuser des propositions d'honnêtes inventeurs ce qui les a mal aiguillé et le ver est entré dans la pomme car des analyses d'accidents ont pervertis.
    Ils sont désormais limites sur de nombreux phénomènes physiques très mal connus alors chaque innovation introduit des risques mal appréciés. Airbus a les même soucis mais les a un peu mieux géré, ils ont tout de même arrêté l'A380 ce qui une sacrée décision et ont des soucis de disponibilité des A400M et des hélicoptères. La commande d'état reste complaisante mais ils ont intérêt à se remettre en cause, comprendre que le modèle aérodynamique plafonne; certains savent pourquoi mais ce n'est pas encore public. Je rassure, l'aviation légère n'en sera qu'améliorée au final mais deviendra le domaine réservé des passionnés parce qu'il y aura d'autres façons de se déplacer via les airs "un plus performantes que les brouettes actuelles". Si, si, je sais que c'est étonnant mais un 737 sera bientôt vu comme une galère romaine bien que l'avion ait encore un avenir pour le court terme. L'action de Boeing va connaitre le mirifique destin du canal de Panama ou de Suez, il n'y aura pas d'avion miracle, ils ont laissé passé leur chance.

    • "Je peux vous dire que les pontes de la recherche US ont commis une grosse boulette en 2012 et ont remis le couvert en 2015 donc le parachute dorsal et ventral sont partis en torche et ils le paient durement. Il faut dire qu’ils ont un passif lourd qui date des années soixante-dix parce qu’ils ont refusé de creuser des propositions d’honnêtes inventeurs ce qui les a mal aiguillé et le ver est entré dans la pomme car des analyses d’accidents ont pervertis.
      Ils sont désormais limites sur de nombreux phénomènes physiques très mal connus alors chaque innovation introduit des risques mal appréciés. Airbus a les même soucis mais les a un peu mieux géré, ils ont tout de même arrêté l’A380 ce qui une sacrée décision et ont des soucis de disponibilité des A400M et des hélicoptères"
      Ce que vous dites ci-dessus est peut-être intéressant, voire pertinent, mais totalement abscons pour moi, et probablement pour d'autres lecteurs. Pourriez-vous être plus explicite ?

  • L'arrivée d'un nouvel actionnaire chez Boeing, peut-être, mais encore faudrait-il qu'il soit majoritaire ou que le mécanisme des droits de vote lui permette d'influer sur le cours des choses; de plus un grand client comme le Department of Defence US poserait sans doute ses conditions à toute évolution de l'actionnariat de l'un de ses fournisseurs stratégiques; de toute façon, dès lors qu'une société est fortement endettée, le pouvoir de décision passe de fait entre les mains des organismes prêteurs et on peut supposer que d'est déjà le cas; Ensuite, pour se dégager de l'emprise des créanciers (banques, fournisseurs) l'arme fatale reste le dépôt de bilan (Chapter 11 aux USA) qui peut ouvrir la voie à une restructuration permettant de se dégager des activités déficitaires;
    Or, sur un autre plan, il faut bien voir que l'accident industriel historique que constitue l'affaire du 737 Max est aussi générateur de pertes considérables et durables pour BOEING : indemnisation des victimes (les fameux "punitive damages"), réductions de prix à accorder aux compagnies aériennes, augmentation des primes d'assurances, dépenses de R&D, de réindustrialisation, de rattrapage des avions déjà fabriqués, frais de stockage des avions, désorganisation de la chaîne de production, réduction du carnet de commandes, etc, etc...d'où une remise en cause totale du "business case" du programme, le rendant insupportable pour la viabilité à long terme de l'entreprise;
    Enfin il ne faut pas perdre de vue que cet accident industriel ne fait pas seulement peser des risques sur BOEING mais aussi sur tous ses fournisseurs, dont des entreprises situées en France, certaines étant des PME ou des TPE ayant lourdement investi pour participer au programme 737 MAX et qui risquent de ne pas être payées ou de perdre ce client emblématique;
    Et "last but not least" la crise pandémique actuelle entraînera au mieux des reports de livraison, au pire des annulations de commandes !
    Ceci étant, restons optimistes, le transport aérien restera un moyen vital dans le monde entier et nous aurons encore le plaisir de voir voler de beaux avions fabriquées par des entreprises, grandes et petites, de haut niveau.

  • Vu les activités militaires de Boeing, l'administration américaine empêchera toute entrée hostile au capital. Je ne crois absolument pas à ce scénario. Par contre pour protéger les activités militaires et seulement celles-ci, je pencherais plus pour un éclatement du groupe. Et si Trump veut sauver la partie aviation civile gros porteur, il forcera Boeing à se débarrasser du programme B737MAX tout comme Bombardier s'est débarrassé du CSeries.

  • Les dettes fiscales et sociales, les dettes auprès des établissements de crédit, ainsi que les dettes fournisseurs, sont TOUJOURS au passif d'un bilan. Donc rien de nouveau de ce côté là ;-)

    • @Bruno :
      Au passif il y a les dettes et aussi les fonds propres.
      Et normalement les dettes ne doivent pas dépasser 60-90% des fonds propres (dans la limite de 250-300% de l'EBITDA) sinon ça devient très cher de se financer.
      Donc oui Boeing a joué avec le feu, et même si elle est trop stratégique pour complètement disparaitre (et aussi liée au financement des campagnes électorales des républicains ;-) elle est en danger !

      • Bien sur que si; les dettes fournisseurs sont une des constitutifs du Net Working Capital, donc une des ressources primaires de financement des éléments de l'activité courante. Et en particuliers les stocks.
        Les avions sont invendables/inlivrables en l'état, Boeing paie ses fournisseurs, donc les stocks restent, mais le financement par le crédit fournisseur se tarit.
        Et la trésorerie, se tend, se tend jusqu'au moment ou il faut trouver d'autres financement.
        Dettes bancaires, mais ....
        Augmentation de capital, mais .....

    • bonjour. Oui certes, les dettes sont toujours au passif du bilan. Mais quand il n'y a plus que des dettes au passif, et qu'il y a un sérieux doute quant à la continuité de l'activité sur le même périmètre, alors la signification des dettes change du tout au tout. Toutes choses égales par ailleurs, dans l'hypothèse d'un fonctionnement habituel, pour un niveau d'activité donné, les dettes fournisseurs (pour parler de ce poste) constituent un financement normal de l'entreprise, un "carburant ordinaire". Si le niveau d'activité de l'entreprise est remis en cause comme c'est le cas pour Boeing, alors l'entreprise doit diminuer ses dettes fournisseurs, pour parler de ce poste. Si la trésorerie de l'entreprise ne le permet pas, alors il y a des risques de non recouvrement pour les créanciers, c'est à dire les fournisseurs. Boeing a arrêté de livrer les 737 Max aux compagnies, qui ne passent plus de commandes, et ne versent plus d'avances. Boeing continue de payer ses 153 000 salariés, alors que le chiffre d'affaires a fortement baissé (voir mon 1er article). Son niveau d'activité a fortement baissé, c'est le moins que l'on puisse dire. Maintenant Boeing doit faire face à des problèmes de trésorerie qui vont aller croissant, avec un passif à apurer.

      • Bonsoir,
        Sans vouloir rentrer dans un débat sur la lecture d'un bilan, vraiment pas très intéressant je peux vous l'assurer ;-) Les dettes fournisseurs n'ont jamais constitué "un financement normal de l'entreprise". Les dettes auprès des établissements de crédit en revanche oui.
        Dans le cas de Boeing, comme vous l'avez souligné, une partie de sa dette est détenue par les banques, qui si elles veulent un jour récupérer leur mise n'ont pas intérêt à voir disparaître la compagnie. Donc elles accompagneront Boeing, mais les taux d'intérêt appliqués seront beaucoup plus élevés et le résultat continuera de diminuer...

  • Si le gouvernement américain donne un seul dollar à Boeing, Trump devra renoncer aux sanctions imposées à Airbus. Car là, ce ne sera plus des subventions masquées.

    • Bien sur on peut lui faire confiance, 100% de taxes sur airbus avant l’été ?
      Pret a prendre le pari

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