Boeing veut produire 52 737 par mois

Boeing annonce sa décision de produire 52 737 par mois d’ici à 2018. Le constructeur se dit même capable de pousser le curseur jusqu’à 60 unités par mois. Du jamais vu. Boeing mise sur la capacité de ses fournisseurs et sous-traitants à suivre cette montée en cadence impressionnante.

C’est un record absolu dans l’histoire de la construction aéronautique civile : Boeing va bientôt produire 52 court/moyen-courriers 737 par mois, versions Classic et MAX confondues, c’est-à-dire 620 avions par an. C’est une décision importante dans la mesure où elle indique la grande confiance du constructeur américain dans l’avenir en même temps qu’elle écarte l’éventualité d’une « bulle » qui conduirait à des lendemains qui déchantent. Une crainte qu’évoquent de temps à autre des analystes, sans qu’on connaisse leurs sources d’inspiration.

Boeing estime que la chaîne d’approvisionnement de ses usines de l’Etat de Washington sera en mesure de tenir cette cadence sans précédent qui suppose le fonctionnement simultané de trois chaînes d’assemblage final. C’est bien là, en effet, que se trouvent d’autres raisons d’inquiétude, nombre de fournisseurs hésitant à investir pour répondre à un pic qui pourrait être de courte durée. Boeing s’empresse de leur répondre que la demande en « monocouloirs » est estimée à 25.000 avions pour les 20 ans à venir. Et, de toute évidence, cette prévision s’inscrit dans le cadre du duopole Boeing-Airbus, sans concéder de place à Comac et Irkut. Bombardier, pour sa part, ne joue pas dans la même catégorie avec le C.Series qui ne va pas au-delà de 149 places.

Cette irrésistible ascension du 737 n’est peut-être pas terminée dans la mesure où Boeing pourrait aller encore plus loin et passer à 60 exemplaires par mois. Une perspective qui s’explique en peu de mots : l’avionneur vend actuellement deux fois plus d’avions qu’il n’en produit. Et son carnet de commande est riche de plus de 4.000 appareils de la famille 737. De toute manière, il peut aussi compter sur la flexibilité de l’emploi à l’américaine pour réduire brutalement le rythme dans l’hypothèse où ce serait nécessaire. C’est là un atout dont ne dispose pas Airbus, ce qui explique que les Européens fassent preuve de davantage d’attentisme.

Reste à savoir si les études de marché établies à Seattle et à Toulouse sont crédibles. On constate, en effet, que certaines commandes récentes sont fragiles, notamment celle passées par des compagnies low cost. Les annulations (qui ne font évidemment l’objet d’aucune publicité) sont fréquentes et relativement nombreuses. Le dernier exemple en date, la semaine dernière, est celui d’Air Berlin qui a fortement revu à la baisse ses perspectives de développement.

Dans le même esprit, force est de constater que le nombre de grandes commandes est susceptible de diminuer. Rares sont les compagnies qui n’ont pas déjà signé des contrats assurant le rajeunissement de leur flotte. Air France, pourtant, est dans ce cas : elle n’a toujours pas acheté d’A320 neo, faute d’en avoir les moyens. Mais elle constitue l’exception qui confirme la règle.

On retient aussi que le 737, même s’il a évolué au fil des années, est un avion apparu sur le marché dans les années soixante, la compagnie de lancement du 737-100 étant Lufthansa. La remotorisation mise à part (le remplacement du vénérable Pratt & Whitney JT8D par le Snecma/General Electric CFM56), l’avion a peu changé. Ce qui fait dire aux compagnies clientes que Boeing – tout comme Airbus – pourrait sans doute faire mieux, en termes de réduction des coûts directs d’exploitation – à condition d’investir dans le développement d’un avion entièrement nouveau. Mais les industriels sont soucieux de leur propre rentabilité et tirent un bon parti du duopole solidement installé. Là comme ailleurs, ce sont les financiers, et non plus les ingénieurs, qui détiennent le pouvoir.

Pierre Sparaco