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Industrie

Des avions à hydrogène, oui mais avec quel réservoir ?

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Gilles Rosenberger

Coup sur coup, deux démonstrateurs d’avions légers à hydrogène ont volé en 2024. D’abord, le RX4HE du chinois Liaoning Ruixiang Aircraft en janvier. Puis l’ULM de Beyond Aero, en mars. En même temps qu’ils ouvrent de nouvelles perspectives ses projets posent le problème de l’emport de l’hydrogène et donc, celui du réservoir.

Les démonstrateurs d’avions légers à hydrogène se sont succédés ce printemps. En janvier 2024, le chinois Liaoning Ruixiang Aircraft réalisait le premier vol d’un démonstrateur quadriplace à propulsion thermique à hydrogène : le RX4HE. Quelques jours plus tard, à Gap-Tallard, c’était la startup française Beyond Aero qui faisait voler un ULM biplace utilisant de l’hydrogène pour alimenter une pile à combustible produisant l’électricité nécessaire à son moteur électrique.

L’ULM G1 et sa chaine de propulsion électrique à hydrogène étaient présentés dans un magnifique écrin au salon EBACE de l’aviation d’affaires, en mai à Genève. Un an plus tôt, au salon du Bourget 2023, Beyond Aero avait dévoilé le principe de fonctionnement de sa pile à combustible.

En revanche, il a fallu attendre, le salon Aero de Friedrichshafen pour en savoir plus sur le RX4HE, et en particulier pour découvrir les réservoirs qui ont permis son premier vol d’une heure.

En Chine, le 25 mars 2023, Liaoning Ruixiang Aircraft a fait voler son démonstrateur RX4HE, à moteur hydrogène. Les deux places aérrières du quadriplace étaient occupées par le réservoir d’hydrogène. © Liaoning Ruixiang Aircraft

Le démonstrateur chinois est équipé d’un moteur thermique turbocompressé, à injection directe, de 2 litres de cylindrée, issu de la production automobile. Il développe jusqu’à 160 ch. Lors de ce premier vol d’une heure, il a consommé 4,5 kg d’hydrogène compressés à 700 bars. En se souvenant que 4,5 kg de H2 contiennent autant d’énergie que 13,5 litres d’essence, on doit reconnaitre que ce moteur prototype présente déjà un très bon rendement.

A 700 bars, les 4,5 kg de H2 occupent 108 litres. Pour information, le volume serait de 220 litres à 300 bars ou 62 litres pour l’hydrogène liquéfié à -235 °C. Ces données sont directement issues de la physique et ne sont en aucun cas « améliorables » comme peuvent l’être les technologies. 

Il s’agit ici du volume « contenu ». Dans le cas d’une vision complète, il faudrait aussi tenir compte du « contenant » (les peaux du réservoir), faibles pour l’hydrogène gazeux mais significatives pour l’hydrogène liquide.

En première approche, pour 3 heures de vol en croisière (plus rapide donc, que ce vol d’essai) et 30 minutes de réserve, on peut projeter un besoin de 17,5 kg d’hydrogène, c’est-à-dire, 5 kg à l’heure sur 3 heures et demie.

Pour tenir cette haute pression, les réservoirs doivent avoir une forme proche de la sphère ou du cylindre avec extrémités hémisphériques. Il faut alors une sphère de près de 1 m de diamètre ou un cylindre de 70 cm de diamètre et 1,35 m de long, pour contenir 420 litres.

Si l’on veut garder ce réservoir dans le fuselage, il va falloir envisager réserver les places arrière du quadriplace. Et donc sans solution évidente pour équiper un biplace. On retrouve ces contraintes dans tous les projets de propulsion à hydrogène, y compris sur les projets ZEROe d’Airbus : environ la moitié du volume du fuselage est occupé par le ou les réservais d’hydrogène, réduisant d’autant le nombres de sièges.

En dévoilant, en 2020, de belles images d’avions de ligne à hydrogène, Airbus a montré la nouvelle frontière de l’aéronautique :  l’hydrogène entre dans la course à la décarbonation, aux côtés des carburants de substitutions. Des start up sont aussi engagées dans la voie. Chez les grands comme chez les petits, la communication se concentre essentiellement sur la motorisation et met en scène les démonstrations réalisées lors de vols (très) courts.

Si, à ce stade, la question du réservoir embarqué est encore éludée, il est évident aussi qu’elle est prise en compte par les concepteurs qui se projettent vers un usage économiquement accessible de leur produit. Les contraintes de la physique constituent un obstacle majeur. Voici donc une nouvelle question qui ne peut qu’attiser notre curiosité.

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Gilles Rosenberger

Gilles Rosenberger est un expert de la Nouvelle Aviation et ses efforts de décarbonation. Son expertise est reconnue par Aerospace Valley, la BPI (il fait partie de son Cercle des Experts) et l’accélérateur Starburst (où il exerce comme Mentor). En 2024, il fonde Neofuel pour, selon ses termes, « libérer l’Aviation Générale de l’AvGas et lui ouvrir un avenir sans plomb, faiblement décarboné et avec un carburant significativement moins cher. »

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  • comme je disais à Gil Roy, je vous conseille de couvrir les progrès de la société APUS à Strausberg avec ses tubes-longerons dans l‘aile… le roll out et first flight sont pour bientôt

    • (re) Bonjour
      Je viens de découvrir la brochure du I-2.
      Des traits de forme agréables au regard.

      Des performance étonnantes : quand le RX4HE annonce 4,5 kg/h pour un vol d'essai et une cruise speed à 157 km/h, votre annonce de 165 kWh/h pour une cruise speed de 160 kts me semble particulièrement ambitieuse.
      D'abord je vous invite à corriger la coquille sur la consommation énergétique ce n'est pas 163 kW/h !!!
      Je l'ai interprété comme 165 kWh/h ... ce qui correspond en gros à 5 kg H2/ heure.
      Belle performance pour une cruise speed de 160 kits !

      Sur votre proposition de réservoirs tubulaires dans les ailes, je ne connais pas le profil de l'aile, mais il me semble difficile d'envisager des diamètres de tube supérieurs à 15 cm.
      Avec une envergure de l'avion de 8,87, j'ai estime visuellement la longueur de chaque tube à 6,20 m.
      Soit un volume par tube (en première approche) de l'ordre de : 6,20 x 3,14 x 1,25^2 / 4 = 110 litres
      Soit pour 4 réservoirs identiques 440 litres est donc une capacité possiblement raisonnable pour un avion qui consomme 5 kg GH2/heure.

      Je vais suivre le dossier avec attention.

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