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Douloureuse gestation pour Airbus Group

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Pierre Sparaco

Le couperet est tombé, EADS se prépare à supprimer 5.800 emplois à travers « ses » quatre pays, Allemagne, France, Royaume-Uni et Espagne. Le prix à payer, non pas pour éliminer des branches mortes – il n’y en a pas – mais pour mettre les capacités industrielles en adéquation avec la demande. Laquelle est plus vigoureuse que jamais en matière d’avions civils mais sérieusement fragilisée côté militaire, et un peu moins dans le spatial. Cassidian, Airbus Military et Astrium sont directement impactés.

Depuis que Thomas Enders, PDG du groupe, a confirmé ces mesures, chacun est tout simplement dans son rôle. Les dirigeants de l’entreprise montrent à quel point ils se veulent performants et proches des réalités, les syndicats expriment leur profond mécontentement face à un comportement « économiquement aberrant (…) et socialement inacceptable ». En revanche, de part et d’autre, on dit trop peu qu’il convient de relativiser l’impact de cet élagage, compte tenu de l’effectif total actuel d’EADS, 144.156 personnes. Dès lors, il est probable que les licenciements secs puissent être évités et les dégâts sociaux minimes.

En pratique, c’est le futur Airbus Group qui se façonne sous nos yeux, déséquilibré dans la mesure où il ne trouve pas les moyens de construire un bon équilibre entre activités civiles et militaires. Les avions commerciaux se portent bien, avec plus de 1.200 commandes enregistrées depuis janvier et 620 livraisons prévues pour l’ensemble de l’année 2013. Dans le même temps, les budgets militaires sont à la peine, les perspectives ne sont pas bonnes et la construction de l’Europe de la Défense demeure une illusion d’optique. En témoigne, notamment, le fiasco en matière de drones : la technologie est disponible mais les différents acteurs sont incapables de s’entendre, exception faite du démonstrateur Neuron.

Le cours de l’histoire serait-il différent, aujourd’hui, si EADS avait pu mettre la main sur BAE Systems ? On peut l’estimer et on imagine que Thomas Enders y pense chaque fois qu’il croise Angela Merkel. La chancelière, obsédée par le risque supposé de perte d’influence de l’Allemagne au sein de l’entreprise quadrinationale, et sans doute mal conseillée, a commis une erreur grave en opposant un « nein » retentissant au projet de fusion EADS/BAE. Lequel veto, ce jour-là, nous a rappelé que les ingérences politiques dans la gouvernance d’EADS sont toujours bien réelles. En ont témoigné, cette semaine, des déclarations de plusieurs ministres français, pourtant peu réputés pour leurs compétences aéronautiques et spatiales, notamment Michel Sapin et Arnaud Montebourg. Ils auraient mieux fait de se taire mais, de toute manière, personne ne les a écoutés.

Dans le même temps, les esprits critiques dénoncent, comme il se doit, une politique de rentabilité à outrance, ce qui ne correspond pourtant pas à la réalité. Certes, en prenant pour référence les trois premiers trimestres de l’année, le résultat net d’EADS a fait un bond en avant de 36 % mais il atteint ainsi un niveau à peine convenable. Un bénéfice sur 9 mois de 1,19 milliards d’euros n’est impressionnant que dans l’absolu et l’est beaucoup moins quand on le rapporte à un chiffre d’affaires, toujours pour trois trimestres, de 40 milliards. D’autant que d’autres sujets d’inquiétude apparaissent, par exemple les ventes d’Eurocopter moins brillantes que précédemment.

Cette préparation de l’Airbus Group conduit à tourner la page, à aborder une époque nouvelle, comme en témoigne symboliquement la construction du nouveau siège de Blagnac et la fermeture annoncée de l’immeuble du 37 boulevard de Montmorency, dans le seizième arrondissement parisien, murs chargés d’histoire depuis l’époque des premières sociétés nationales françaises, SNCASE, Sud-Aviation, Aerospatiale puis les regroupements contemporains, à commencer par la mise en place d’Aerospatiale Matra Hautes Technologies. Tout cela est maintenant terminé.

Pierre Sparaco

L'Eurofighter Typhoon d'EADS est le symbole des difficultés que connaît la branche Défense du groupe européen
Le drone Harfang d'EADS-Cassidian
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Pierre Sparaco

View Comments

  • Douloureuse gestation pour Airbus Group
    Cela est bien dommage à lire et la France va devoir elle aussi réviser sa copie et s'orienter vers une technologie de rentabilité, de solidité moins innovante. Il faut s'adapter au marché qui est ce qu'il est.

  • Douloureuse gestation pour Airbus Group
    Je trouve assez malsain d'utiliser la menace des licenciements secs dans des périodes éloignées de la disette. Airbus a réussi. Mais Airbus a fait des choix qui pèsent probablement très lourds dans leurs niveaux de rentabilité. Ce ne sont pas les 5000 personnes qui partiront qui les ont fait.
    Malgré les louanges faites de tout bord face aux commandes (qui tiennent également à limite de capacités que représente un duopoly de fabricants), Airbus n'a vraiment pas toujours bien joué. Le 320 a été un succès mais se vend aussi avec la contre-partie des usines chinoises et américaines. Le 340 n'est clairement pas une réussite. Les vendre en promettant de les racheter à des prix effroyablement élevés s'est prouvé très dangereux. Le 380 devait être l'avènement. Il a englouti des investissements gigantesques, venant partiellement de fonds publics, et n'est clairement qu'en demi-teinte. Commandé à plus de 50% par une seule compagnie qui doit avoir un levier énorme sur les prix, sans parler des retards de production et des multiples problèmes de fissures. Seul le 330 s'est vraiment taillé une place incontestée avec une belle réputation. Le 350 devrait être aussi bien, on l'espère.
    En face, Boeing vend un 737 avec une conception des années 1960 à peine retouchée : ultra-rentable et compétitif face au 320. Un 747 qui a plus que fait ses preuves encore une fois à peine retouché depuis les années 60. Un 777, carton énorme juste avant le 777X qui s'annonce lui aussi fou! Un 787 qui a certes eu de nombreux problèmes de lancement mais associé à une grosse innovation et qui a "senti" le marché là où Airbus était sur le 380.
    Bref, arrêtons de fanfaronner. Arrêtons de faire croire que 5000 licenciements sec vont améliorer grandement les rentabilités. Essayons de vendre des avions sans concessions énormes de rentabilité. 1 milliard de dollars provisionnés pour les pertes du 340 buy back...Ca ferait combien de postes à supprimer pour compenser?

    • Douloureuse gestation pour Airbus Group
      Analyse severe mais juste.
      A cela il faut ajouter la mevente du 350-1000 qui devait concurrencer le 777.
      En qqs mois Boeing a engranger 2 fois plus de commandes pour le 777-X qu'Airbus pour le 350-1000 en 6 ans.
      La presse generaliste ne s'interresse qu'au nombre d'avions vendus, et pourtant un wide body rapporte beaucoup plus qu'un single aisle a prix casse.
      Meme chose pour les moteurs quand plusieurs fabricants sont en concurrence, certains vont meme jusqu'a "offrir" les moteurs en echange de contrat de maintenance.
      Ce qui n'est pas le cas du GE-115B qui equipe le 777-300ER ou GE est en position de monopole.

  • Douloureuse gestation pour Airbus Group
    c'est un désastre!!!!! suprimer des emplois!!!!
    ce n'est pas fini, que nous réserve 2014, le monde et
    malade les industries aéroneautiques sont fragiles, l'économie mondiale et sur le fil du rasoir!!!!! les autres
    entreprises sont arcelées d'impôts!!!!!

  • Douloureuse gestation pour Airbus Group
    Ce qui est "insupportable" ce sont d'une part les propos et declarations de nos ministres et d'autre part qu'ils soient encore ministres de la Republique!

  • Le prix à payer pour manquer d'un avion tactique de 5è génération.
    L’Eurofighter Typhoon et le Rafale sont aujourd'hui de vieux avions sous-motorisés par rapport aux derniers nés de 5è génération américains, russes et chinois...
    En plus, nous n'avons aucun projets au stade avancé en Europe sur les planches à dessins...

    • Le prix à payer pour manquer d'un avion tactique de 5è génération.
      @Olivier : Vous parlez du F35 ? Certes il a un gros moteur mais à ce jour cet avion au cout astronomique ne sert strictement à rien et son développement est chaotique. Quand aux autres avion 5ieme gen, ce sont largement à ce jour des avions de papier.
      C'est bizarre ce truc des européens (des français surtout) à s'autodénigrer faussement.

  • Douloureuse gestation pour Airbus Group
    Malheureusement Tom Enders n'est aucunement préoccupé par son rôle d'acteur économique majeur, son objectif est la rentabilité pour ses actionnaires. En temoigne l'annonce faite juste après celle concernant les suppressions d'emplois: augmentation des dividentes pour les actionnaires!!! Comment osent-ils pretexter vouloir réduire les couts ? Qu'ils réduisent d'abord le cout des capitaux avant de réduire celui du travail.
    L'état qui n'as plus les moyens de réagir (souvenez vous de l'abandon sans contrepartie du droit de véto) en est réduit a des paroles creuses.

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