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Etre présent en Asie du sud-est, ou ne pas être du tout ?

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Gil Roy

Toutes les grandes entreprises françaises de l’aéronautique ont une implantation permanente à Singapour. Ce n’est pas une option, mais une obligation. Pour les PME, l’accès au marché sud-est asiatique est plus complexe.


Au risque de désappointer ses partenaires locaux, Safran a décidé cette année de faire l’impasse sur le salon aéronautique de Singapour qui se tient du 14 au 19 février 2012. Le groupe français, implanté depuis une vingtaine d’années ici, sur le marché de la maintenance aéronautique, emploie environ 600 salariés à travers six entités distinctes. La dernière en date est Safran Electronics Asia, une co-entreprise (joint venture) spécialisée dans la maintenance des équipements électroniques, notamment l’avionique, les systèmes de freinage et de ventilation. Elle l’a créée en janvier 2010 en partenariat avec Singapore International Airlines Engineering, la filiale maintenance de la compagnie aérienne singapourienne.

Celle-ci a apporté dans la corbeille de mariée, outre les avions de sa maison-mère, ceux de 58 compagnies clientes, soit un total de 450 unités. « Nous nous associons avec les meilleurs pour profiter de la croissance », affirme avec un grand sourire François Dang, le délégué général de Safran pour Singapour. « Notre ambition est de nous mesurer à Air France Industries, Lufthansa Tecnick, … c’est-à-dire aux plus grands ». Safran Electronics Asia table, d’emblée, sur un chiffre d’affaires de l’ordre de 20 millions de dollars, soit l’équivalent de son homologue franco-américaine. « La différence est que le marché aux USA est plat, alors qu’ici, à Singapour, la croissance varie entre 5 et 10% par an », fait remarquer François Dang.

La stratégie de Safran s’apparente à celle de Thales, parce que c’est aussi la stratégie de toutes les entreprises qui veulent tirer parti de la croissance du marché asiatique. « Bien que nous vendions des systèmes pointus, il faut être présent commercialement dans la région », confirme Marie-Laure Bourgeois, vice-présidente de Thales pour l’Asie du sud-est. Le français est implanté à Singapour depuis le début des années 80, en soutien à l’expansion de la flotte Airbus en Asie-Pacifique. Aujourd’hui, Singapour est le principal point d’entrée et la plaque tournante de la région. Thales a développé une forte activité de maintenance, de réparation et de révision (MRO) d’équipement multimédia de bord (IFE). En surfant sur la croissance des compagnies d’Asie, ce centre est devenu le plus important du groupe avec plus de 30.000 réparations par an. Thales, ne fait pas que réparer, à Singapour, il produit également.

Les quatre filiales que possédaient Thales à Singapour ont été fusionnées, en 2010 pour donner naissance à Thales Solutions Asia, une entité juridique regroupant les activités avionique, transports, sécurité et défense, soit au total un peu plus de 500 personnes. En 2010, la production de trois calculateurs et d’une visu d’A320 a été transférée de France à Singapour, non sans poser quelques remous sociaux en France. L’industriel français se défend en soutenant qu’il ne s’agit pas d’une délocalisation dans un pays à faible coût de main d’œuvre, mais de la réponse à la nécessité de se rapprocher de ses fournisseurs.
« Les jeunes titulaires d’un diplôme équivalent à un DUT Electronique, que nous embauchons, débute à 1.000 euros par mois, sur treize mois. Les salaires entre les techniciens singapouriens et français se rejoignent. Pour les ingénieurs, c’est déjà fait. Le gain de productivité nous le faisons en nous rapprochant de nos fournisseurs qui sont tous situés en Asie du sud-est, voire à deux kilomètres de nos ateliers », explique Laurent Mayer, directeur de Thales Solutions Asia. « C’est parce que nous avons fait d’énormes gains de productivité grâce aux 40 salariés de Singapour que nous avons pu créer 220 emplois, en 2011, en France et que nous prévoyons d’en créer 200 de plus, cette année, ainsi que 15 à 20 à Singapour ». Un discours qui a malgré tout du mal à passer auprès des syndicats maison, en France. Pourtant, c’est tout sauf une main d’œuvre bon marché que viennent chercher ici les entreprises françaises.

Pour Zodiac Services Asia, que pour toutes les entreprises du secteur aéronautique implantées à Singapour, le recrutement de nouveaux salariés devient de plus en plus complexe. « L’année dernière à la même époque, notre effectif était de l’ordre de 80 employés. Actuellement, nous sommes 116. Avec, à Singapour, un taux de chômage de 2% qui s’apparente à du plein emploi, nous recrutons des jeunes que nous formons nous même. Les salaires augmentent », reconnaît Laurent Georges, directeur de Zodiac Services Asia.

Malgré cette surenchère, aujourd’hui, les fournisseurs de la filière aéronautique se doivent d’être présents à Singapour. Plus question de travailler à distance. C’est ici que sont les clients. C’est ici que se génère la croissance. « Cette année Airbus va réaliser 32% de ses livraisons dans la région Asie-Pacifique, comme en 2011. Entre temps la part de l’Europe va passer de 23 à 17% », résume Didier Lux, directeur du support clients d’Airbus. En attendant le développement du Seletar Aerospace Park, c’est dans le parc aéronautique Loyang, aux côtés d’Airbus, mais aussi de Boeing et de tous les grands donneurs d’ordres qu’il faut être domicilié. Mais dans cet environnement hyper concurrentiel, aucune place n’est acquise, et la remise en question est permanente. « L’idée est de plus en plus s’ancrer dans le tissu industriel local soit à travers de coentreprises, soit de partenariats avec des acteurs locaux », résume Marie-Laure Bourgeois, vice-présidente de Thales pour l’Asie du sud-est.

Si Singapour est la plaque-tournante de l’Asie du sud-est et que c’est là que doivent être les entreprises qui veulent pouvoir profiter du formidable dynamisme économique de cette région, au risque de se voir éjecter du marché, le ticket d’entrée demeure très élevé. Il n’est à la portée que des plus grandes. « Je ne connais pas de PME française implantée à Singapour », affirme Thierry Voirot, président du comité Aéro-PME du GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales). « La majorité des sociétés qui viennent ici pour exporter à partir de la France, ont des accords locaux ». C’est le cas par exemple de Vision Systems, une PME de la région lyonnaise, spécialisée dans les protections solaires, les équipements de divertissement (IFE) et des éléments d’habillage cabine. Elle est présente depuis une dizaine d’années à Singapour à travers un représentant local qui fait également fonction de distributeur. Une implantation locale de son propre service après-vente lui permettrait d’intervenir plus rapidement auprès de ses clients finaux en compressant les délais entre le diagnostic d’une panne et la réparation. Les volumes traités actuellement ne lui permettent pas d’envisager une telle solution. Selon Thierry Voirot, « en dessous de 10 millions de dollars d’activité par an, une délocalisation n’est pas envisageable ».

Cette année au salon de Singapour, le GIFAS a offert la possibilité à 25 sociétés françaises dont 14 PME d’aborder ce marché prometteur en exposant sur un stand commun. Une opportunité de prendre des contacts à moindre coût. « Le salon de Singapour reste l’endroit où l’on peut voir l’ensemble des sociétés d’Asie », affirme le président du comité Aéro-PME.

Gil Roy

Le plein emploi fait monter les salaires à Singapour dans le secteur de l'aéronautique notamment
Pour l'industrie aéronautique mondiale, l'Asie du Sud-Est est synonyme de croissance
Le nouveau parc d'activité aéronautique Seletar générera d'ici peu pour 1% du PIB de Singapour
Actuellement à Singapour, 90% du chiffre d'affaires de l'industrie aéronautique sont réalisés en entretien et réparation (MRO)
En 2012, Airbus prévoit de réaliser un tiers de ses livraisons en Asie-Pacifique
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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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