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Face aux mystères du givrage, l’EASA et la FAA adaptent la réglementation

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Thierry Dubois

L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) prépare de nouvelles règles de certification quant à la résistance au givrage. Des incidents et accidents, ces dernières années, ont montré que des phénomènes jusqu’alors inconnus se produisent désormais – un effet probable du changement climatique. Ainsi, la pluie surfondue en grosses gouttes et les cristaux de glace ne sont encore que partiellement compris.

La nouvelle annexe P de la norme CS-25 (homologation des avions de transport) traite ainsi des cristaux et de la phase mixte. Dans cette dernière, des gouttelettes liquides se mêlent aux particules de glace dans certaines régions d’un nuage. La nouvelle annexe O, elle, concerne les grosses gouttes (jusqu’à 2 ou 3 mm) de pluie surfondue. Toutes deux en sont au stade de la proposition de réglementation (« notice of proposed amendment »). Elles requièrent de l’avion qu’il puisse sortir en sécurité de la zone de givrage ou voler à l’intérieur sans restriction, précise Xavier Vergez, spécialiste de l’écriture des règles de certification à l’AESA.

Le givrage moteur, un phénomène où de la glace se forme à l’intérieur du compresseur, est maintenant expliqué dans ses grandes lignes. Le paradoxe, c’est que le givre se crée dans une zone où il fait déjà très chaud (bien qu’en amont de la chambre de combustion) : le compresseur haute pression. Les cristaux rebondissent sur des surfaces froides à l’avant du turboréacteur et pénètrent dans le compresseur. Là, ils fondent sur les aubages fixes. Sur ces surfaces, les cristaux se transforment en un film d’eau.

Les particules de glace continuent à impacter l’aube mouillée. Sa température chute, au point qu’elle devient assez froide pour que de la glace se forme. C’est le début d’un processus d’accumulation. Lorsque la glace se rompt, elle est emportée en aval et peut causer divers dysfonctionnements, jusqu’à l’extinction moteur.

Afin de mieux comprendre la physique des cristaux de glace, un projet de recherche doit réunir l’AESA et son homologue américain, la FAA, début 2014 à Darwin, en Australie. L’équipe internationale étudiera des nuages à forte teneur en glace, en convection océanique et continentale. Un Falcon 20 spécialement équipé prélèvera des échantillons à trois altitudes différentes correspondant à trois niveaux de température : -10°C, -30°C et -50°C. L’AESA espère ainsi valider sa nouvelle annexe P.

Ces observations seront d’autant plus importantes que le phénomène pourrait prendre de l’ampleur. « Le trafic aérien augmente en Asie, or le climat tropical est favorable pour la formation de cristaux de glace en altitude », remarque-t-on chez les motoristes Rolls-Royce et Snecma.

En matière de détection du givrage, beaucoup reste à faire. Certains détecteurs existants ne sont que partiellement représentatifs de l’état de la cellule. Ils ne détectent la glace que sur la surface du capteur lui-même, indique Didier Cailhol, l’un des experts du constructeur ATR en matière de certification. Parfois, le capteur est couvert de givre tandis que le reste de l’aile en est libre. Ou vice-versa.

Un autre type de capteur, qui détecte les conditions givrantes plutôt que la formation de glace elle-même, est assez fiable, estime Didier Cailhol. En revanche, il ne peut détecter les cristaux de glace, rappelle Fabien Dezitter, spécialiste du givrage chez Airbus.
L’équipementier Zodiac Aerospace met justement au point deux nouveaux systèmes FIDS de détection en vol du givrage. Le premier, qui devrait entrer en service en 2015, pourra détecter des gouttelettes en surfusion de moins de 50 microns. C’est la norme actuelle, celle de l’annexe C. Ce qui est nouveau, c’est que ce FIDS sera suffisamment fiable pour avoir autorité sur l’activation des systèmes d’antigivrage de l’avion. Il évitera de mettre en route l’antigivrage trop « en avance » et économisera donc de l’énergie à bord.

Le second FIDS, en utilisant des techniques optiques, détectera toute forme de givrage. Il pourra dire quel type de menace – petites ou grosses gouttes surfondues, cristaux, etc. – l’avion subit. Les essais en vol sont prévus pour 2016 et la mise en service en 2017.

Thierry Dubois

La certification va devenir plus exigeante (ici un test de givrage naturel sur le Gulfstream G280).
On commence à comprendre comment du givre peut se former dans un moteur.
Le givre (ici dans une soufflerie de la NASA) perturbe le profil et donc l'écoulement de l'air.
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Thierry Dubois

Thierry Dubois est journaliste aéronautique depuis 1997. Ingénieur Enseeiht, il s’est spécialisé dans la technologie – moteurs, matériaux, systèmes — et la sécurité des vols. Chef du bureau français du magazine Aviation Week, il anime aussi des rencontres comme les tables rondes du Paris Air Forum. Pour Aerobuzz, Thierry Dubois couvre notamment les hélicoptères civils et des sujets techniques.

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  • Face aux mystères du givrage, l'EASA et la FAA adaptent la réglementation
    Mon givrage à SVO, bruine se congelant.

  • Face aux mystères du givrage, l'EASA et la FAA adaptent la réglementation
    Le Falcon 20 qui doit faire des mesures à Darwin
    est un avion de recherches météorologique français de
    «SAFIRE»

  • Face aux mystères du givrage, l'EASA et la FAA adaptent la réglementation
    Merci pour cet article très intéressant et les photos qui l'accompagnent .

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Thierry Dubois

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