L’heure de la retraite a sonné pour Filippo Bagnato, le président d’ATR. Celui qui à son actif le sauvetage du constructeur franco-italien, part sans avoir réussi à convaincre ses actionnaires et plus particulièrement Airbus Group de l’intérêt de lancer un biturbopropulseur de 90 places.
Au terme d’une carrière ininterrompue chez Alenia entamée en 1973 (Aeritalia à l’époque, ex-Fiat Aviazione), dans quelques jours, Filippo Bagnato quitte la présidence exécutive d’ATR, atteint par l’âge fatidique de la retraite. Il laisse à son successeur, très probablement Patrick de Castelbajac (actuellement directeur des contrats d’Airbus), une entreprise florissante en même temps qu’un bilan enviable : l’avionneur franco-italien a vendu 1.435 biturbopropulseurs régionaux depuis sa création en 1980 dont 779 commandes enregistrées sous la double mandature de l’ingénieur turinois.
Filippo Bagnano a en effet été patron d’ATR à deux reprises, de 2004 à 2007 puis de 2010 à 2014 et le moins que l’on puisse dire est qu’il a marqué son temps. Il avait été nommé « soit pour redresser ATR, soit pour fermer l’entreprise » au moment où elle était moribonde, faute de commandes. Mais, avec une équipe resserrée, notamment Jacques Desbarats, directeur commercial, il a relevé le défi à bras le corps, estimant que les coûts directs d’exploitation imbattables des biturboprops, à condition d’être soigneusement mis en valeur, ne pouvaient que séduire les compagnies aériennes régionales aux dépens des petits jets à 50 places.
C’était l’époque de l’éphémère « jetmania ». Ce qui revenait à attaquer une véritable forteresse, les passagers, bien plus que les compagnies elles-mêmes, exprimant de sérieuses réticences à propos des avions « à hélices », associés à tort à une technique d’un autre âge. De plus, dans leur croisade, les équipes d’ATR se sentaient un peu seules au niveau mondial, malgré les efforts parallèles de Bombardier qui continuait (et continue toujours) de produire un concurrent, le Q400, héritier de la lointaine lignée née de Havilland Aircraft of Canada. Les autres intervenants historiques ont disparu.
L’envolée du prix du pétrole a donné un sérieux coup de pouce à ATR et Filippo Bagnato en a tiré un excellent parti. Il en est résulté une multiplication spectaculaire des campagnes de ventes à travers le monde, des commandes nombreuses, le retour à l’équilibre financier et un fort accroissement de la cadence de production, plus de 80 avions par an.
Rien n’est parfait pour autant. Ainsi, ATR a identifié un marché potentiel pour un avion à 90 places, pour lequel des moteurs adéquats seraient bientôt disponibles, mais n’a pas convaincu ses actionnaires de l’intérêt de le lancer sans plus attendre. Finmeccanica, maison-mère d’Alenia, a dit haut et clair qu’il s’agissait d’une bonne idée mais EADS, aujourd’hui Airbus Group, a affirmé le contraire. Tom Enders et Fabrice Brégier sont indifférents à l’argumentation italienne, témoignant de fait d’un intérêt très relatif pour les « petits » avions régionaux.
Ce blocage rappelle une remarque acerbe de Filippo Bagnato qui remonte maintenant à plusieurs années : « au début, il fallait vendre chaque avions trois fois, au client, aux fournisseurs …et aux actionnaires ». D’une certaine manière, cet état d’esprit paradoxal est toujours de mise.
A un moment, on a entendu dire, à Toulouse, que si l’occasion lui en était donnée, Finmeccanica rachèterait volontiers les 50 % d’ATR détenus par EADS/Airbus. Jamais confirmée, encore moins démentie, cette hypothèse a laissé sous-entendre que l’entente entre les deux groupes n’était pas parfaite. Pendant ce temps, Filippo Bagnato et ses troupes ont continué à déployer d’incessants efforts. D’où cette fin de carrière flamboyante.
Diplômé du prestigieux Politecnico de Turin, Filippo Bagnato a mené avec brio une carrière internationale au service de l’industrie aérospatiale italienne, qui arrive aujourd’hui à son terme. Très jeune, il a été en poste 2 ans à Seattle, chez Boeing, a dirigé entre autres fonctions la division spatiale d’Aeritalia, a présidé le conseil d’administration de Lockheed Martin Alenia Tactical Transport Systems (programme C-27J) et, plus tard, a dirigé le consortium Eurofighter.
Du coup, c’est nanti d’une expérience considérable qu’il a rejoint ATR au nom de l’actionnaire italien, en a pris la direction et a réussi à hisser l’avionneur sur la plus haute marche du podium. Il est aussi devenu le plus toulousain des Turinois et, à n’en pas douter, quitte la Ville rose avec regrets.
Pierre Sparaco
Pour communiquer avec ses sous-marins, l'U.S. Navy a besoin d'avions capables d'établir la liaison grâce… Read More
2.000 recrutements en 2025, mais aussi 2.200 par an de 2026 à 2030 : les grands… Read More
Vous avez aimé Top Gun ? Vous avez adoré Top Gun Maverick ? Avec Romain… Read More
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
View Comments
Filippo Bagnato quitte ATR
Bravo, réussir à remettre une entreprise comme celle là sur pieds, n'est pas donné a tout le monde.
Quel bel avion, dommage que Mr Bagnato doive quitter ATR maintenant, c'est trop tôt. Le futur patron d'ATR ne sera t- il pas à la solde d'EADS? le 90 places ne verra donc jamais le jour!!!
Mr Le Président François vous ne voulez pas changer de 1er Ministre par hasard? je connais un Italien qui remplacerait avantageusement un Espagnol !!!!
Filippo Bagnato quitte ATR
Bonjour,
Il n'est pas étonnant qu'Airbus Group ne souhaite pas développer un turboprop de 90 places, il entrerait en concurence avec du 319 & du 320 pour les cours trajets:
Sur un Toulouse-Paris, mettre un ATR 90 au lieu d'un A319 permettrait (quitte à rajouter une ou deux rotations pour compenser la capacité en passagers légèrement inférieure) d'économiser de manière significative sur le carburant; alors que la perte de temps dûe à la vitesse de croisière n'est franchement pas significative en rapport avec le potentiel de réduction des coûts (d'un point de vue passagers: passer 1h30 en vol au lieu de 1h pour un Toulouse-Paris me semble totalement acceptable & n'est pas à prendre comme une régression. D'un point de vue avionneur: économie de carburant, flotte plus homogène, possibiliter de déservir des terrains moins grands, etc...).
Et quel serait le prochain step d'ATR dans 15 ans: un 120 places, sur lequel on améliore encore la motorisation en y plaçant un open-rotor (évolution logique du turboprop)... On obtient ainsi le futur remplaçant du 320 en somme.
CQFD
Filippo Bagnato quitte ATR
Entièrement d'accord avec cette analyse, ils ont trop peur que cet avion de 90 places cannibalise leur gamme...
On rentre là dans la limite des intérêts des uns et des autres...
Filippo Bagnato quitte ATR
Bagnato a été un très grand CEO pour ATR. Discret mais visionnaire, c'est rare actuellement (ne serait-ce que visionnaire !). EADS me paraît très mal jouer la carte ATR et le nouveau CEO semble destiné à faire rentrer la société dans le rang: on verra le résultat dans 10 ans...
Filippo Bagnato quitte ATR
Bravo et merci M. Bagnato !
Dommage pour le prometteur 90 places, que les actionnaires ... bref !
Filippo Bagnato quitte ATR
J'espère qu'il aura la légion d'honneur et l'ordre du mérite .Il y en a qui l'ont pour bien moins que cela.
Bravo et merci.