Il y avait un bon vent de travers quand l’A300B1, MSN1, est revenu se poser sur la piste de Toulouse-Blagnac. Atterrissage spectaculaire. Vol historique. Ce 28 octobre 1972, Airbus venait de faire voler son premier avion, avec succès.
Ce 28 octobre 1972, il y avait à bord de l’A300B1, MSN 1, immatriculé F-WUAB, le capitaine Max Fischl, son copilote Bernard Ziegler, et les ingénieurs d’essais en vol Pierre Caneil, Gunter Scherer et Romeo Zinzoni. Le vol était initialement prévu le vendredi 27 octobre mais des conditions météorologiques défavorables (brouillard) l’ont repoussé de 24 heures. Le lendemain, samedi 28 octobre, les conditions étaient meilleures avec un peu de soleil mais avec un risque de vent. Cependant, la météo a été jugée suffisamment bonne pour que le vol puisse avoir lieu.
Ce premier vol a duré 1h 25 min. L’A300B1 a atteint la vitesse maximale de 185kt et l’altitude de 14,000ft (4.300m). Le pilote automatique a été engagé, les surfaces mobiles ont été testées et la rétraction et le déploiement du train d’atterrissage ont été effectués, ce qui n’est pas habituel pour un premier vol. Au retour à l’aéroport de Blagnac, le premier Airbus a dû affronter le Vent d’Autan. Max Fischl a réalisé un atterrissage par vent de travers d’anthologie.
Pour arriver jusqu’à ce jour d’octobre 1972 et à cet événement historique, il a fallu des hommes déterminés. A plusieurs reprises le projet a failli tomber à l’eau. Il a plusieurs fois été rattrapé de justesse. Quand en juillet 1967, les gouvernements français, allemand et britannique ont conclu un accord-cadre visant à « renforcer la coopération européenne dans le domaine de l’aviation en vue du développement et de la production conjoints d’un air bus », tout restait à faire.
On n’imaginait pas alors, qu’en avril 1969, le gouvernement britannique déciderait de se retirer du programme en raison de l’incertitude des perspectives commerciales et parce que Rolls-Royce, qui devait être le partenaire britannique « officiel » de l’entreprise Airbus, avait décidé de concentrer ses efforts sur le développement d’un moteur moins puissant, le RB211, pour le Lockheed Tristar et ne souhaitait pas développer un autre moteur, le RB.207, pour l’Airbus.
C’est ainsi que le General Electric CF6-50A a été choisi comme moteur pour l’A300, avec l’avantage supplémentaire qu’il s’agissait d’un moteur éprouvé, réduisant ainsi les risques liés au développement et à la certification d’une toute nouvelle cellule.
Lors du Salon du Bourget 1969, la France et l’Allemagne ont formellement lancé le programme A300B. Afin de fournir le cadre juridique et de gouvernance nécessaire au programme, Airbus Industrie a été officiellement créée en tant que Groupement d’Intérêt Économique (GIE) le 18 décembre 1970. Les actionnaires étaient la société française SNIAS, appelée plus tard Aérospatiale (les sociétés Nord et Sud Aviation fusionnées) et la société ouest-allemande Deutsche Airbus, qui était l’entité juridique représentant MBB, VFW et Hamburger Flugzeugbau (HFB), chacune détenant une part de 50 %.
En octobre 1971, la société espagnole CASA acquiert une part de 4,2 % d’Airbus Industrie, l’Aérospatiale et la Deutsche Airbus réduisant leurs participations respectives. Bien que le gouvernement britannique se soit retiré de l’entreprise, Hawker Siddeley est resté à bord à titre privé, en tant que partenaire « associé », pour fournir les ailes de l’A300, dont la conception était déjà bien avancée au moment du lancement du programme. En 1977, Hawker Siddeley et British
Aircraft Corporation fusionnent pour former British Aerospace et en janvier 1979, British Aerospace rejoint le consortium Airbus en acquérant une part de 20 %, réduisant ainsi les parts des partenaires initiaux à 37,9 % chacun.
Tous ces partenaires avaient l’expérience plus ou moins heureuse de partenariats antérieurs, sous de coopérations bilatérales à l’occasion de programmes spécifiques. On pense à Concorde entre la France et la Grande-Bretagne, ou encore au Transall C-160 entre la France et l’Allemagne. Plus jamais ça ! C’était la conviction des ingénieurs qui se sont retrouvés embarqués dans l’aventure Airbus. Des hommes comme Roger Béteille, Henri Ziegler ou encore Felix Kracht.
D’un point de vue industriel, Concorde est l’exemple même de l’exemple à surtout ne pas reproduire. Deux prototypes, deux programmes d’essais indépendants, deux lignes de productions pour un total de 20 avions. Avec le Transall, ce n’est guère mieux : 216 avions produits, sur trois lignes d’assemblage (1 en France et 2 en Allemagne). Pour L’A300B, il n’y aurait qu’une seule chaine d’assemblage final et elle serait à Toulouse, où seraient également réalisés les essais.
Chaque pays, chaque industrie devait s’y retrouver. D’où une savante répartition de la charge de travail et un pari logistique relevé grâce à l’achat de deux Super Guppy à la NASA qui n’en avait plus besoin, le programme Apollo étant arrêté, elle n’avait plus d’éléments du lanceur Saturn à convoyer jusqu’au pas de tir. Chaque partenaire industriel devait livrer des sous-ensembles sur la ligne d’assemblage final. Il en avait donc la responsabilité jusqu’à Blagnac. Cette disposition est l’une des clés de la réussite du mécano Airbus.
La production du premier A300B1 a commencé en septembre 1969 et l’avion terminé est sorti du hall d’assemblage le 28 septembre 1972, un mois jour pour jour avant son premier vol ! Les deux avions suivants ont continué à être utilisés à des fins d’essais en vol et de développement avant d’être vendus aux clients. MSN2 était le deuxième – et dernier – A300B1 à être construit. MSN 3 était le premier A300B2. Cette version allongée de l’A300B1 initial a été développée à la demande d’Air France. Plus long de 2,6 m, l’A300B2 pouvait accueillir 251 passagers dans une configuration standard à deux classes, qui est restée la norme pour toutes les versions ultérieures de l’A300B2 et du B4 (le B4 avait la même capacité en sièges que le B2 initial, mais avec un rayon d’action accru, ce qui lui a permis d’entrer sur le marché du moyen-courrier). Les trois appareils ont effectué des essais en vol intensifs et des campagnes de démonstration en vol, ce qui leur a permis d’obtenir la certification de type le 11 mars 1974, moins de 18 mois après le vol inaugural, et légèrement en avance sur le calendrier, le coût et les performances garanties.
Il ne restait plus qu’à vendre l’avion. Les premières années seront compliquées. Les américains qui n’avaient rien vu venir ont vite réagi en cherchant des prétextes pour empêcher le décollage commercial de l’A300B2. Les débuts ont été laborieux. On connait la suite. Cinquante plus tard, Airbus fait jeu égal avec Boeing.
Quant à l’A300, il en reste un peu plus de 250 appareils en service (A300/A310), exploités par 37 opérateurs. 75 % de la flotte sont des avions-cargo et l’A300 est le troisième type d’avion-cargo le plus exploité au monde. Plus de 60% sont exploités par quatre grands clients qui prévoient de maintenir en service leurs flottes jusqu’en 2030 au moins.
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C'est très bien de célébrer cet événement qui, après la Caravelle, a marqué la renaissance de l'aviation commerciale française. Mais, dans un avion de ligne, celui qui est à gauche n'est pas "capitaine". Il est commandant de bord, car il exerce une fonction et n'est en rien titulaire d'un grade. Il commande, un point c'est tout. Or, celui qui était à sa droite, était le chef pilote du programme... grâce à Papa, on peut le croire ! Ce qui induisait une situation paradoxale. En facteurs humains, on appelle cela "un cockpit particulier". Je ne me souviens pas de critiques à ce sujet. Il fallait peut-être mettre cette situation très surprenante pour un premier vol d'essai sur le manque de maturité d'Airbus, nouveau venu dans le concert des constructeurs aéronautiques. Mais, lors du premier vol de l'A-380, on a retrouvé cette immaturité : sur le film officiel on voyait le commandant de bord sortir son caméscope en plein vol et filmer lui-même ses camarades... de jeu, serait-on tenté de dire ! Le livre de BZ l'a confirmé, ils se prenaient pour des cow-boys ('Les cow-boys d'Airbus' de Bernard Ziegler, Édts Privat). C'est pour le moins curieux tout cela.