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Industrie

KE72, l’ATR 72 bombardier d’eau selon Kepplair

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Frédéric Marsaly

Si les attentes sont fortes du côté des avions écopeurs où les avancées des dossier DHC-515 et concurrents sont scrutés avec la plus grande attention, l’autre branche de la lutte aérienne contre les feux de forêt, les avions conventionnels modifiés en « bombardiers à retardant, » n’en connaît pas moins un regain d’intérêt. La société Kepplair qui, depuis plus d’une décennie, porte des projets de conversions d’avions de ligne à ces missions, propose désormais une version lutte incendie de l’ATR 72.

Kepplair est une structure créée par David Joubert. Depuis plus d’une décennie, il porte ses projets de conversions d’avions de ligne, du plus lourd (Airbus A310 et A330) au plus léger comme ce nouveau KE72 « Forest Keeper » (le gardien des forêts) avec la même conviction et pour répondre aux besoins grandissants, y compris, désormais, dans des pays qui, il y a une décennie encore, n’étaient pas vraiment concernés par le fléau de feux de forêt.

Le choix s’est porté sur l’ATR 72 que Kepplair estime pouvoir équiper d’une soute de largage capable de contenir autour de 7500 litres. Celle-ci bénéficiera des travaux de Dominique Legendre de l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse qui a été le pionnier d’une définition scientifique des systèmes de largages aériens de retardant par opposition aux conceptions empiriques des systèmes embarqués actuels – dont certains se sont avérés cependant tout à fait efficaces – pour aboutir à un système intégré de 2 x 4 portes. Une configuration dictée pour contourner l’emplacement du train d’atterrissage principal. Avec une vitesse de décrochage d’environ 80 kt, la vitesse de largage serait d’environ 110 kt.

L’ATR KE72 de Kepplair, capable de larguer eau ou retardant se veut une solution facile à mettre en place. © Kepplair


Le choix de l’ATR 72 n’est pas un hasard pour le fondateur de Kepplair : « c’est un avion régional qui se vend bien et qui est bien adapté au « tout terrain » et qui plus est très économique à l’exploitation. Il dispose d’un réseau de sous-traitants important et l’approvisionnement en pièces détachées est facile et à des prix convenables puisque l’appareil est toujours en production, ce qui assure une pérennité des opérations pour bien des années. »

Un avion économique peut assurer des missions de première intervention rapide, on peut même envisager de l’utiliser en GAAr (Guet aérien armé, des patrouilles prêtes à intervenir à la première fumée suspecte) en fonction de son coût à l’heure de vol, une doctrine qui a parfaitement été démontrée en France du temps des Tracker et que les Q400 assurent désormais. L’ATR ne pourrait-il pas renforcer ce dispositif efficace ? Comme il s’agit d’un avion terrestre, il faut vaincre un certain nombre de réticences : « Il s’agit de placer un avion et son mode d’utilisation, sa doctrine d’emploi » notamment pour les pays qui ne disposent pas de nombreux points d’eau « écopables » mais où les feux de forêt demeurent un sujet de préoccupation.

Économique et fiable, l’ATR modifié par Kepplair pourrait trouver là un marché spectaculaire. © Kepplair


Mais même au sein des pays utilisateurs de bombardiers d’eau amphibies, la complémentarité des modes d’action est un argument en soi : « L’idée, c’est de disposer d’avion supplémentaires pour que les appareils précieux et rares, que sont notamment les Canadair, soient individuellement moins sollicités. Et le KE72 va faire le job! L’ATR n’est pas l’avion le plus performant, mais c’est un avion robuste. Et même si il n’est pas aussi optimisé que d’autres, il n’en connait pas moins quelques avantages » explique David Joubert. Il est surtout une réponse immédiate à la question essentielle : « Quelles solutions existent pour renforcer les moyens existants à un coût raisonnable et avec un délai de livraison court ? « 

Kepplair porte ce projet depuis plusieurs mois et a approché un certain nombre de clients potentiels.
La société vient de lever 2,5 millions d’euros pour avancer au delà de la phase d’étude et de la définition des caractéristiques de l’avion qui sont effectivement terminées. Même le plan de certification est prêt.

Le KE72 peut se transformer à partir d’avions neufs modifiés mais aussi d’avions d’occasion qui peuvent être, même, fournis par le client, et quelque soit leur état ou leur vieillissement. Les partenaires de Kepplair pour ces conversions sont Aerotech & Concept et Expléo qui disposent des locaux et personnels qualifiés, des accréditations et certifications exigées, Part 21J, 21G et 145, car « faire des trous dans des avions, ça ne s’improvise pas ».

Les systèmes de largage seront conçus en collaboration avec le spécialiste Trotter Control, qui est le concepteur des systèmes de largage FRDS qu’on retrouve sur les Air Tractor notamment. Les entreprises Acia Aéro, Vallair group et TDS Group sont également impliquées dans ce projet pour lequel Kepplair dispose aussi d’un comité de pilotage et de conseillers parmi lesquels se trouvent Robert Lafontan qui fut chez Airbus l’un des pères de l’A380 et de l’A350 mais aussi Eric Delessale, ancien directeur des essais en vol chez ATR et qui dispose d’une expertise évidente de ces appareils.

Désormais, Kepplair vise la modification d’un ATR pour servir de prototype d’ici fin 2025 et pourrait prétendre à effectuer ses premières livraisons en 2027. En partant d’un avion déjà existant et en le modifiant par un STC, Kepplair vise donc d’offrir une solution « clé en main » avec un délai et un coût raisonnable : « on propose l’avion le mieux adapté aux conditions du moment ; avec une soute Kepplair, un vecteur économique, une livraison possible avec un délai court, 2 à 3 ans, et surtout à un prix raisonnable, 30 millions € avion inclus, la moitié du prix d’un DHC-515 ou des Q400MR neufs achetés à partir de 2018 par la sécurité civile. « 

Le concept des « Tanker » est courant dans l’ouest des USA et du Canada ainsi qu’en Australie et tend à se répandre aussi désormais en Amérique du Sud. La complémentarité de ces moyens avec les avions bombardiers d’eau amphibie et même les hélicoptères est indéniable, ce que la France, notamment, démontre depuis les années 70 et l’entrée en service de ses DC-6. Est-ce qu’un concept d’appareil, certes plus modeste que les Dash 8, ne pourrait pas, grâce à ses coûts plus raisonnables et à ses délais de livraison rapides, permettre à un grand nombre de clients de monter en puissance les moyens d’intervention ? C’est le nouveau pari de Kepplair !








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Frédéric Marsaly

Frédéric Marsaly, passionné par l'aviation et son histoire, a collaboré à de nombreux média, presse écrite, en ligne et même télévision. Il a également publié une douzaine d'ouvrages portant autant sur l'aviation militaire que civile. Frédéric Marsaly est aussi le cofondateur et le rédacteur en chef-adjoint du site L'Aérobibliothèque.

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