Le mercredi 11 février à 10H40 (heure de Kourou), Vega a lancé le démonstrateur de rentrée atmosphérique IXV (Intermediate eXperimental Vehicle) de l’Agence Spatiale Européenne. Développé par Thales Alenia Space, l’IXV est une première étape dans la maitrise du retour piloté sur Terre. Avec ce vol d’essai l’ESA confirme son ambition d’être une puissance spatiale de premier rang.
23 ans après avoir renoncé au programme Hermes, l’Europe spatiale vient, brillamment, de renouer avec la technologie du vol suborbital en lançant le mercredi 11 février à 10h40 (heure de Guyane), depuis le CSG (Centre Spatial Guyanais) le démonstrateur de rentrée atmosphérique IXV (Intermediate eXperimental Vehicle).
Jusqu’à aujourd’hui seuls trois États dans le monde maitrisent le retour sur terre d’un engin spatial, habité ou non. Les Russes, les premiers, puis les Américains et plus tard les Chinois (depuis 2003) ont ainsi acquis un savoir-faire spécifique leur permettant, entre autres, de franchir l’obstacle majeur que constitue la rentrée dans l’atmosphère. Pour autant, seuls les Américains ont eu recours à la pratique du vol piloté pour ramener sur Terre hommes ou matériel, quand les Russes et les Chinois ont opté depuis l’origine pour une capsule chutant comme une pierre depuis l’espace.
La Navette spatiale américaine s’est ainsi toujours posée sur une piste alors que les cosmonautes et taïconautes retrouvent assez brutalement la surface terrestre à bord de leurs vaisseaux respectifs. D’un côté, le pari américain d’un engin réutilisable, de l’autre des véhicules « jetables » en quelque sorte. Les Américains ont abandonné le projet de la Navette spatiale à la suite des deux tragédies de 1986 (Challenger) et de 2003 (Columbia) mais aussi parce que les coûts n’ont cessé de croître du fait d’une maintenance incroyablement complexe et sophistiquée. Résultat aujourd’hui : seuls les Russes et les Chinois conservent ce qui constitue un marqueur fort de la puissance spatiale, le vol habité.
L’Europe, absente jusqu’alors de cette ambition majeure (opérer un aller-retour maitrisé dans l’espace avec des hommes ou du matériel) est déterminée, avec le programme IXV, à jouer sa propre partition aux côtés des trois grandes puissances spatiales mondiales. Comme l’a fort bien expliqué Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’Agence Spatiale Européenne, avant le vol d’essai de mercredi, « une capsule n’est pas très précise dans son atterrissage. Cela n’a pas trop d’importance lorsque vous avez à votre disposition d’immenses étendues désertes telles que les steppes kazakhes, mais cela n’est pas notre cas en Europe ».
L’ IXV est un engin d’environ 2 tonnes, mesurant 5 mètres de long et 2,5 mètres de large. Sans pilote et sans aile ce « corps portant » utilise des tuyères et des volets inclinables situés à l’arrière qui permettent de contrôler précisément sa trajectoire. Il dispose d’excellentes qualités aérodynamiques en raison de la forme de son fuselage qui facilite son ascension et sa manœuvrabilité. Le vol de mercredi a montré concrètement les formidables potentialités du prototype lancé à partir d’une fusée Vega. Au terme d’un vol-test de 100 minutes, avec une vitesse de rentrée dans les couches denses de l’atmosphère de Mach 28 (7,5 km/s), l’IXV a parfaitement résisté à la température de 1.700 degrés Celsius. Pour ce moment particulièrement critique de la mission, la technologie innovante de protection thermique du nez et de l’intrados de l’engin, développée par la société française Herakles (Groupe Safran) a révélé tout son potentiel.
Constituée d’un panneau externe rigide en composite à matrice céramique (CMC), la surface de l’engin la plus exposée à la chaleur intense due à la rentrée atmosphèrique est totalement différente des fameuses « tuiles » du bouclier thermique du Shuttle américain qui nécessitaient de longues et coûteuses réparations, tellement elles « souffraient » pendant la phase de retour sur Terre, après chaque vol. L’IXV dispose d’une protection durable impliquant une MCO très limitée.
L’essai du 11 février n’a pas permis de tester les conditions d’atterrissage de l’IXV. Ce n’était d’ailleurs pas le but de l’expérimentation. Il s’agissait, pour cette première, de valider essentiellement la manœuvrabilité suborbitale de l’engin mais surtout les conditions de rentrée dans l’atmosphère. Pour cela pas moins de 300 capteurs et une caméra infrarouge placée à bord du véhicule ont fourni des informations d’une grande précision. L’engin a retrouvé la surface du globe au terme d’un grand « plouf » sous parachute, dans l’océan Pacifique. Ses successeurs sont destinés à se poser sur une piste traditionnelle permettant une récupération à moindre frais, bien entendu.
L’Europe spatiale qui s’était déjà signalée par sa maitrise de la technologie de l’ATV (Automated Transfert Vehicle), véritable « cargo de l’espace » non-habité permettant de ravitailler l’ISS (et de servir de poubelle lors de sa retombée-destruction dans l’atmosphère, permettant ainsi l’élimination des déchets de la station spatiale internationale), dispose désormais avec l’IXV d’une carte majeure dans son jeu. Il ne s’agit sans doute pas pour l’ESA de concurrencer les vols habités russes ou chinois, ni la future capsule Orion de la NASA, mais plus vraisemblablement de se positionner sur un nouveau marché, prometteur, celui des engins autonomes et réutilisables, sans pilote à bord ni équipage, capables de rester plusieurs mois en orbite. Une sorte de drone de l’espace en quelque sorte.
D’ores et déjà la concurrence existe. Il s’agit d’un des projets parmi les plus secrets du Pentagone et de Boeing : le X-37B. Ce véhicule spatial américain, au terme de trois vols d’essais a totalisé depuis 2010 plus de jours dans l’espace que les navettes spatiales de la NASA en 135 missions. Il a, en effet, accumulé 1.367 jours en orbite depuis son premier vol. Son dernier test lui a permis de passer 674 jours en orbite avant de se poser sur la piste de Vandenberg Air Base (Californie). Cet étrange engin, qui n’est encore qu’un prototype, pèse plus de 5 tonnes, et est « capable de mettre en œuvre des charges utiles de brouillage, des armes électromagnétiques ou laser dans l’espace ».
Est-ce que l’IXV de l’ESA est appelé à un tel avenir ? Impossible pour l’heure de répondre à cette question. Ce qui est acquis avec ce premier test grandeur nature c’est que l’Europe spatiale de demain se conçoit dès aujourd’hui et que la maitrise technologique permet, bien évidemment, de ne pas dépendre de celles acquises par d’autres puissances spatiales.
Gosia Petaux
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