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L’inflation des carnets de commandes d’Airbus et Boeing pose question

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Pierre Sparaco

Pourquoi Airbus et Boeing produisent-ils deux fois moins d’avions qu’ils n’en vendent ? Difficile de savoir si la montée en cadence est limitée par la capacité des sous-traitants à suivre. A moins que les deux avionneurs ne redoutent un renversement de tendance avec à la clé des annulations de commandes en cascade.

Le constat tient en peu de mots : Airbus et Boeing produisent chacun un peu plus de 600 avions commerciaux par an et en vendent grosso modo deux fois plus. De ce fait, leurs carnets de commandes débordent, les délais de livraison s’allongent comme jamais ils ne l’ont fait. Il est dans la norme, aujourd’hui, acheter des A320 NEO livrables dans 7 ans ou encore des Boeing 777-X devant entrer en service en 2020.

Est-ce le résultat d’une stratégie malthusienne ? Ou les deux rivaux craignent-ils secrètement l’explosion d’une « bulle » qui conduirait à une crise grave et à de nombreuses annulations de commandes ? Quoi que disent les analystes, il n’existe pas de réponse crédible à cette double question, la communication, à Toulouse, Seattle et Chicago étant beaucoup moins ouverte que les principaux intéressés ne veulent bien le dire. Et, quand des observateurs font remarquer qu’il « suffirait » d’accroître les cadences de production, notamment celles des monocouloirs, la réponse cingle, instantanée : la chaîne des fournisseurs serait bien incapable d’adopter un tempo plus rapide. Mais est-ce bien la réalité ?

Les tenants de la bulle, qui se recrutent souvent parmi des spécialistes réputés, s’appuient sur un credo qui leur est propre : ils contestent la promesse d’une prolongation au fil des 10 ou 20 années à venir d’une progression annuelle du trafic aérien de 5 %. Ce sera beaucoup moins, disent-ils avec conviction. Alors que d’autres croient en un avenir plus rose et, notamment, entérinent les prévisions selon lesquelles le trafic va doubler au cours des 15 prochaines années.

Dès lors, Airbus et Boeing seraient-ils, indirectement, involontairement, en train de faciliter l’arrivée de deux nouveaux entrants très ambitieux, le Chinois Comac et le Russe Irkut ? Là encore, personne n’envisage de formuler une réponse claire à cette interrogation, d’autant qu’il serait sans doute jugé politiquement incorrect de mettre en évidence les difficultés considérables auxquelles se heurtent les responsables des programmes C919 et MC-21.

Côté chinois, le premier vol du premier cité a été reporté à 2015. Des modifications techniques importantes ont été apportées à l’avion, notamment l’usage de l’aluminium en lieu et place de matériaux composites pour la construction du caisson central. Une marche arrière révélatrice de la maîtrise imparfaite de technologies nouvelles.

Côté russe, le premier vol du MC-21 est également prévu pour 2015 et les dirigeants d’Irkut répètent inlassablement que la réussite de ce programme constitue une priorité du groupe United Aircraft Corporation. Tout comme la mise au point du moteur Perm PD-14 qui sera proposé parallèlement au Pratt & Whitney PW1400G. Mais, d’un côté comme de l’autre, on ne trouve pas d’arguments industriels et commerciaux susceptibles de mettre en péril la solide réussite des 737 MAX et A320 NEO.

En procédant à l’exégèse des propos tenus récemment lors de salons ou de colloques, on constate quand même une intention tout à la fois américaine et européenne de pousser les feux, mais avec modération. Chez Airbus, on a récemment dit et répété qu’il convenait tout d’abord de réussir la transition vers les versions remotorisées NEO de la gamme A320 avant de passer à une autre étape. Une remarque qui tient de l’écran de fumée, la cadence de production de 42 monocouloirs par mois devant être maintenue jusqu’à nouvel ordre.

Il y a quelques jours, John Leahy, directeur commercial d’Airbus, a néanmoins évoqué très furtivement l’hypothèse d’une augmentation de cadence, qui serait « à l’étude ». Sans autre forme de précision. Cela en sachant que les quatre avions qui seront bientôt assemblés chaque mois par la nouvelle usine de Mobile, dans l’Alabama, permettront de porter la cadence totale à 46 avions. Entre-temps, la cadence du 737 aura été portée à 47 exemplaires mensuels. C’est-à-dire des chiffres permettant de maintenir un équilibre presque parfait entre frères ennemis.

La conclusion saute aux yeux : malgré les apparences, Airbus et Boeing ne nous disent pas tout, ne nous livrent pas le fond de leur pensée.

Pierre Sparaco

Boeing vise une cadence de production de 47 B737 par mois
Airbus ne prévoit pas de produire plus de 42 A320 par mois
Boeing a plus de 3.000 B737 à produire
A fin novembre 2013, Airbus totalisait 2.523 commandes fermes pour son A320NEO
Le jour même du lancement du modèle, Boeing a enregistré 259 commandes pour son futur 777-X
Alors que son entrée en service n'est prévue qu'en 2014, l'Airbus A350XWB totalise déjà 814 commandes fermes
L'A350XWB sera assemblé à Toulouse
Boeing produit actuellement son 777 à la cadence de 8,3 unités par mois
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Pierre Sparaco

View Comments

  • L’inflation des carnets de commandes d’Airbus et Boeing pose question
    Les leçons du passé sont claires, à chaque augmentation des cadences une crise est arrivée contraignant les 2 grands constructeurs à réviser à la baisse leurs capacités. La règlementation du marché du travail Français, notamment, limite la flexibilité d'Airbus et le contraint à avancer pas à pas. Toute erreur se paye comptant et la trésorerie accumulée n'est pas faite pour être gaspillée mais pour être réinvestie dans les nouvelles technologies notamment.

  • L’inflation des carnets de commandes d’Airbus et Boeing pose question
    Un baril de pétrole déjà très élevé ajouté aux méfaits de la crise et un scénario catastrophe pourrait être envisageable.
    On comprend donc la prudence voir la réticence des uns et des autres.

  • L’inflation des carnets de commandes d’Airbus et Boeing pose question
    Il semble qu'il faille prendre en compte 3 paramètres concomitants :

    - Comme c'est évoqué dans l'article : la concurrence des nouveaux constructeurs, bien qu'ils ne soient pas encore dans la course.

    - La crise économique dont nous ne sommes pas encore sortis, et c'est le moins qu'on puisse dire!
    Les pays en voie de développement ne tirent pas la consommation comme c'était envisagé, au contraire, ils souffrent d'une moindre consommation des pays occidentaux. Bref, nous avons un manque de visibilité concernant l'activité économique à moyen terme.

    - Enfin, le fameux "pic pétrolier", bien plus proche (s'il n'est pas déjà dépassé...) que beaucoup ne le pensent , et pour lequel on observe une quasi-omerta.
    C'est sûrement la "vraie" crise à venir!

    • L’inflation des carnets de commandes d’Airbus et Boeing pose question
      il est plus confortable d'avoir 5 ans ou plus de plein emploi que 1 ou 2 ans, ça facilite grandement la marche de l'entreprise grâce une meilleure visibilité et augmente le retour sur investissement.
      limiter la disponibilité permet de maintenir des marges plus confortables
      limiter l'accès aux nouveaux avions toujours plus performants limite la dépréciations des avions précédents et dont certains sont sous garanti de valeur résiduelle, voir A340 !!!

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