L’avion quadriplace électrique chinois RX4E a effectué son premier vol en octobre 2019. Le programme de développement a totalisé plus de 1.200 heures de vol avec 3 avions. © RGAC
Les autorités chinoises (CAAC) ont annoncé le 2 janvier 2025, la certification du premier aéronef électrique quadriplace dans la catégorie CCAR-23. La Chine aimerait afficher ainsi son avance sur l’industrie aéronautique occidentale, mais de nombreuses questions restent ouvertes.
Plusieurs obstacles s’opposent à la certification du RX4E de Ruixiang en Europe et aux USA.
Ce standard chinois CCAR-23 est décrit par les autorités chinoises comme étant « équivalent » aux standards Américains PART-23 et Européen CS-23 qui sont ceux de notre aviation légère. Mais cette équivalence n’a jamais encore été reconnue par quelque autorité occidentale que ce soit. Il est donc difficile de comprendre si cet avion répond aux mêmes exigences que celles que nous attendons dans cette catégorie.
A ce sujet, on se souvient la certification chinoise annoncée en fanfare en 2023 de l’eVTOL eHang EH216 qui s’est avéré être juste certifié pour un usage de fête foraine pour rester sous la surveillance visuelle d’un télé-pilote. Loin de l’usage annoncé de taxi volant. Par ailleurs ses 16 hélices situées dans le parcours d’évacuation de la cabine en faisaient un aéronef très difficile à certifier selon les critères occidentaux.
L’appareil électrique certifié est le RX4E, un avion 4 places construit par la société chinoise Ruixiang et présenté la première fois au public en 2019. Le communiqué de presse fait état d’une masse maxi au décollage de 1.260 kg et d’une propulsion électrique de 140 kW (soit environ 180 ch). Valeurs cohérentes avec ce que l’on s’attend de trouver pour un avion moderne de cette catégorie.
La surprise vient de la description de la batterie : 70 kWh offrant « 1h30 heures d’autonomie« . Il n’est pas précisé si ces 70 kWh constituent une capacité totale ou une capacité utilisable. La différence entre les deux tient à la nécessité de ne jamais descendre en dessous des 15 à 20% de niveau de charge minimale pour maintenir une durée de vie acceptable.
Et si ces 70 kWh constituent la capacité maximale, il est alors à craindre que la capacité utilisable ne soit plus que de 55-60 kWh. Et dans tous les cas, un moteur de 140 kW utilisé en croisière lente à 65% (le cas le plus favorable) va consommer au moins 90 kWh par heure de vol et la batterie de 70 kWh, n’offrira alors que 46 minutes de vol desquels il faudra déduire les réserves nécessaires pour répondre aux exigences de sécurité et réglementaires. Et avec 55 kWh, l’autonomie descend à 36 minutes, toujours incluant les réserves. On est très loin de 1h30 d’autonomie !
Cette communication est l’occasion de replacer les projets majeurs de l’aviation électrique en CS-23. L’enjeu en CS-23 est de dépasser les limites du biplace Velis Electro de Pipistrel (Textron Aviation) certifié en catégorie CS-LSA. La CS-LSA n’est pas une catégorie certifiée reconnue aux USA et le mode dérogatoire sous lequel le Velis vole aux USA est un véritable frein à sa commercialisation.
L’autre enjeu de la CS-23 est de passer, à terme, du biplace au quadriplace. Les standards CS-23 et Part 23 s’accompagnent d’une augmentation importante des exigences de sureté de fonctionnement (en anglais : safety). Le standard LSA exige des équipements présentant « moins de 1 défaillance catastrophique par million d’heures de vol » (critère dit 10(-6)) tandis que les standards CS/Part-23 exigent « moins de 1 défaillance catastrophique pour 10 millions d’heures de vol » (critère dit 10(-7)).
Cette exigence « 10 fois plus sûre » est difficile à obtenir et explique que le Velis Electro (10-6) fut certifié en juin 2020 et que 4 ans et demi plus tard aucun aéronef n’a réussi à franchir cette barrière. Mais il possible (probable ?) que l’on en soit plus très loin.
Le suisse H55 a annoncé une prochaine disponibilité de son système propulsif certifié sur un avion Bristell Energic. Le standard de certification serait celui de la CS-23. Mais l’avion reste un biplace. En France, Aura Aero a annoncé le premier vol de son prototype Integral E, le 3 décembre 2024. Là encore, le standard visé est bien CS-23 mais l’application proposée est aussi sur un biplace.L’Autrichien Diamond a fait voler son prototype électrique eDA40 (4 places en version thermique devenu 2/3 places dans sa version électrique) en juillet 2023.
Aux USA, l’eFlyer 2 de Bye Aeropsace est un biplace électrique qui a fait son premier vol en 2018 et dont les dates de certification sous Part-23 sont régulièrement repoussées : 2020, 2022, 2023, … La version quadriplace eFlyer 4 n’est visible qu’en image de synthèse.
La certification d’un aéronef électrique sous-catégorie CS/Part 23 est une tâche difficile et compliquée. La densité massique des batteries reste trop élevée pour facilement envisager un quadriplace avec une autonomie descente. Dommage, car avec l’annonce chinoise, on a pu y croire pendant quelques minutes !
Un commentaire
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J’aime bien les commentaires réalistes de Gilles. On est bien dans le dur, le réel, le cohérent, en échappant aux pièges des deux bords (les nihilistes et les déconnectés).
En s’associant à notre cher Bruno Guimbal pour les voilures tournantes, on a là, à mon sens, les réflexions les plus sensées sur le monde de demain…