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La géopolitique militaro-industrielle du salon du Bourget

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Frédéric Lert

Pour conserver au salon aéronautique du Bourget son premier rang international, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) réalise un important travail de fond auprès des grandes nations. Emeric d’Arcimoles, le commissaire général du salon, est en première ligne.


Vous expliquiez récemment être allé à Washington faire du lobbying auprès du Pentagone pour le décider à venir à Paris. Pourquoi ce besoin de convaincre ?
Les professionnels sont toujours plus nombreux à vouloir venir au Bourget et cette année, il nous a fallu par exemple restreindre la surface retenue par les sociétés américaines. Nous ne pouvions pas satisfaire toutes leurs demandes en terme de surface louée ! Par contre le lobbying reste indispensable auprès des acteurs institutionnels, notamment pour les inciter à faire venir des aéronefs militaires, pour le plus grand plaisir des visiteurs du salon.

Les Américains vous ont finalement bien écouté puisqu’ils enverront de nombreux appareils. Quels ont été vos arguments pour les convaincre ?
Je leur ai rappelé que la France est le premier fournisseur étranger de l’industrie aéronautique américaine. Nous sommes également le deuxième client à l’international de cette industrie. La France est donc un partenaire de premier rang ! J’ajoute que l’industrie aéronautique est totalement consolidée à l’échelle mondiale : plus un seul grand projet civil, mais aussi la plupart du temps militaire, ne peut se faire sans coopération. C’est ce qui rend totalement crédible un grand salon comme le nôtre.

Outre Washington, avez-vous « vendu » le salon du Bourget auprès d’autres grandes capitales ?
Oui, nous avons par exemple fait valoir nos arguments auprès de Pékin et Moscou. La Chine, qui est un des plus grands clients de l’industrie française, est très motivée et les entreprises chinoises seront encore nombreuses cette année. Nous avons également fait du lobbying à Moscou, avec un soutien appuyé de notre ambassade dans la capitale russe. Nous n’avons aucun problème avec nos partenaires industriels russes avec qui nous nous sommes rapprochés considérablement ces quinze dernières années. Bien sûr, on nous laisse faire tant que nous sommes en dehors du champs de l’embargo américano européen. Les industriels ont l’habitude de ne pas mélanger leur business et les considérations politiques du moment. Aux pires moments de la guerre Froide, les avions soviétiques étaient toujours très présents au Bourget. Alors on ne va pas se laisser prendre en otage par les tensions actuelles…


Comment expliquez vous la pauvreté annoncée des présentations en vol cette année, et en particulier l’absence des avions russes et américains dans le ciel du Bourget, à une ou deux exceptions près ?
Si nous n’avons pas d’avion russe en vol ou au sol cette année, le salon présentera toutefois 22 avions américains, dont certains en vol. Mais il est vrai que le volume des présentation en vol est en baisse, et cela pour deux raisons. La première est conjoncturelle : ce n’est pas un secret que la qualité des relations actuelles entre la Russie et la France a fini de ruiner le capital de confiance que nos industries russes et françaises, et en particulier nos industries aéronautiques, avaient reconstruit en une quinzaine d’années. A regret, nos homologues industriels russes sont poussés par leurs autorités vers d’autres fournisseurs, fussent ils américains.
La deuxième raison est structurelle : depuis toujours, les matériels militaires qui volent sont supportés par une logistique officielle des pays d’origine de leurs constructeurs. Or les diminutions drastiques des budgets militaires dans de nombreux pays font que la ligne budgétaire réservée aux différentes présentations en vol a été fortement réduite. Ce qui a pour conséquence une incapacité pour les sociétés de financer ce type de prestations, non fondamentales dans la vente d’un avion. Il faut cependant remarquer la très grande chance que nous avons en France avec, malgré la crise, le support toujours aussi efficace de nos armées pour les présentations.

Propos recueillis par Frédéric Lert

Les négociations commerciales ne seront pas perturbées par les présentations en vol des avions d'arme, pas plus russes, qu'américains, absents du show aérien…
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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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