Après plusieurs reports dus à une série de problèmes techniques rencontrés, en 2019, lors des essais au sol, Boeing a enfin trouvé une fenêtre météo pour faire voler son 777X et offrir à ses salariés un moment de répit. A Seattle, personne ne se fait d’illusion : l’éclaircie sera éphémère et la certification du plus gros biréacteur de l’histoire de l’aviation s’annonce compliquée. La FAA (Federal Aviation Administration) joue gros… elle aussi.
Il ne remplacera jamais le 747 dans le cœur des passionnés, mais, avec ses ailes repliables, le 777X est tout de même un avion à part. Plus de 350 tonnes de masse maximale au décollage. Deux moteurs géants de 105.000 lbs de poussée unitaire. Un prix catalogue de 442 millions de dollars. Une envergure en vol de 71,75 m ramenée à 64,82 m au sol grâce à un système de repliage des bouts d’aile. Une capacité maximale de 426 passagers pour le 777-9. 8.730 Nm soit 16.170 km d’autonomie pour le 777-8.
Avec seulement deux réacteurs, le dernier-né de Boeing entend remplacer avantageusement son aîné 747 et l’A380, deux quadriréacteurs qui appartiennent désormais à l’histoire de l’aviation, même s’ils sont encore appelés à cohabiter dans les cieux avec la nouvelle génération de gros porteurs long-courriers pendant au moins deux décennies.
Le 777-9 a finalement réussi à s’envoler de Plaine Field (Everett), le 25 janvier 2020, à 10h 09 (heure locale), après une suite de reports de dernières heures dus à des conditions météorologiques peu favorables. Dans le contexte de crise que doit gérer actuellement Boeing, il n’était pas question de prendre le moindre risque. L’avionneur américain devait mettre toutes les chances de son côté pour que ce premier vol soit non seulement réussi, mais soit aussi une fête. A Seattle et dans toutes les usines et bureaux d’études de Boeing, les occasions de souffler sont devenues tellement rares, que lorsqu’une se présente, il ne faut pas la rater.
Le premier vol de 3 heures et 51 minutes en était une…
Un premier vol est toujours un moment à part dans un programme. Dans le cas du 777X, il offre un temps de répit, d’autant plus attendu que chacun sait qu’il sera de courte durée. Non seulement, le 737MAX va reprendre ses droits sans délai, mais le roulage du dernier-né jusqu’au seuil de piste a été sinueux et son horizon est loin d’être dégagé, pour plusieurs raisons.
Le programme 777X a été lancé en novembre 2013 au salon de Dubaï par un feu d’artifice de contrats. Le même jour, Boeing a annoncé les commandes de quatre compagnies pour un total de 259 appareils d’une valeur de 95 milliards de dollars : Lufthansa (34), Etihad Airways (25), Qatar Airways (50) et Emirates (150). La promesse était alors de livrer les premiers appareils en 2020.
Et même si le 777X est arrivé sur le marché après l’A350-1000 (première livraison en février 2018), le duel entre les deux avionneurs pour prendre l’ascendant sur le segment des plus gros biréacteurs à très long rayon d’action s’annonçait serré. Depuis l’avenir de ces modules s’est assombri et les carnets de commandes des deux concurrents peinent à se remplir. Boeing fait état de 340 commandes fermes et intentions d’achat pour les deux versions du 777-X, et Airbus de 176 A350-1000 (750 pour l’A350-900).
Les économistes revoient à la baisse leurs prévisions pour ces gros biréacteurs à 400 millions de dollars l’unité. En 2018, ils leur accordaient 3% du nombre des livraisons sur les 20 ans à venir, soit un peu plus de 1.200 unités. En 2019, Airbus n’a enregistré que 25 commandes pour son A350-1000, et 87 pour son A350-900. Pour sa part, Boeing a décidé de suspendre le programme 777-8, la plus petite des deux versions du 777X, qui est aussi celle qui offre le plus long rayon d’action.
C’est donc dans ce climat peu favorable que le 777-9 vient de réaliser son premier vol avec un an de retard. Un retard dû à une série d’incidents de parcours dans le développement du programme. Il y a d’abord eu un problème sur le moteur GE9X développé par General Electric. En juin 2019, les quatre moteurs destinés aux essais en vol ont été retournés au motoriste qui a dû remédier à une usure prématurée du stator situé dans la partie avant du compresseur.
Deux mois plus tard, un grave incident s’est produit lors d’essais de pressurisation. Une porte de soute est sortie de son logement. Selon l’Agence France Presse, ce serait toute la structure de la porte qui aurait sauté. Boeing s’est efforcé de minimiser cet événement.
Il n’en demeure pas moins que la Federal Aviation Administration (FAA) en charge de la certification du 777-X demande des garanties. Sa crédibilité a été mise en cause avec l’affaire du 737MAX. Elle doit se refaire une virginité et le dernier-né de Boeing qui est une énième évolution d’un modèle existant va en faire les frais.
Pour l’heure, les premières livraisons du 777-9 ont été repoussées à l’été 2021.
Gil Roy
Capacité (cabine deux classes)
Moteurs
Autonomie
Envergure
Longueur
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More
View Comments
Très étonné par le commentaire concernant le 737 qui n'aurait pas changé depuis l'origine. C'est totalement faux car Boeing a INTEGRALEMENT reconçu l'avion avec la série NG succédant au"classic" en retraitant totalement le design avec catia à la fin des années 1990
Redessiner l'avion intégralement avec Catia pour avoir sous la main la CAO complète de l'avion pour les calculs, l'intégration, et surtout lancer l'usinage des outillages et pièces, ne veut pas dire que ces pièces sont modifiées.
Les fichiers CAO sont nécessaires de nos jours pour faire la programmation des machines outils, des robots assembleurs, etc, etc, etc...
S'ils avaient modifiés quelque chose plus important que de petits détails facile à justifier, il aurait fallu tout re-certifier en profondeur. Déjà que relancer une production demande à justifier des tas de choses... DVI, ça vous dit quelque chose ? Dossier de Validation Industrielle...
La grande majorité des plans originaux du 737 sont soit fait à la planche soit avec des logiciels maintenant disparus ou pour lesquels on n'a plus les stations de travail adéquates...
Et en effet, si ils avaient modifié ou optimisé des choses, pourquoi ne pas modifier le train rentrant...
Ha si ! Sur le max une modification des jambes de train a été faite pour compresser les amortisseurs à fond avant de rentrer les pattes. Ceci permet de gagner de la garde au sol sans modifier les logements de train dans l'aile, donc sans modifier l'aile ! CQFD... La jambe de train peut être certifiée indépendamment vu que les roues sont au même endroit (empattement, position axiale et latérale) une fois sorties, juste plus de garde au sol qui se justifie bien.
Pourquoi ne pas avoir modifié les trains d'atterrissage pour pouvoir mettre des moteurs plus gros si cet avion a été intégralement reconçu ? Incompréhensible.
Bonsoir Gil...
Vous me surprenez...
"le dernier-né de Boeing qui est une énième évolution d’un modèle existant"
Combien d'évolutions le 777 a t'il eu ? Si je ne me trompe pas, c'est la première...
@ Stormy: ils ont fait exactement comme Airbus avec le 380 quand il a cédé avant la fameuse limite des 150%
Volontiers chorus2a@gmail.com
Ici en français dans le texte et sur les images :
https://www.youtube.com/watch?v=SQh2ugX0MN4
Une mode venue de la côte pacifique étazuniène qui est reprise par des amateurs français et parfois, de manière aventureuse, par des ingénieurs de Seattle également, sur le 737...
je parlais plutôt de la première phrase dont je n'ai pas bien saisi le sens...
Pour votre lien, oui, je connais. Ce n'est pas nouveau; ça se faisait déjà il y a 30 ans quand j'y terminais mes études... On voit vraiment des trucs de ouf. J'ai même vu une 203 Peugeot, j'ai eu du mal à la reconnaitre. A se demander ou ils les trouvent...
L"analogie avec le MAX est marrante, c'est vrai...
Est déconnant de dire qu'une nouvelle cellule intègre dès le 1er modèle, des éléments de design prévoyant les séries dérivées ?
Mais le 737, fils du 707 (1957), lui ne peut plus supporter de nouvelles customisations de type Hot Road. Vous avez déjà vu sur la côte ouest, la ford T à qui on a greffé un moteur de 500CV. L'engin chromé et peint avec talent qui sert à se déplacer d'un bar à l'autre, devant les copains qui applaudissent.
Bonjour!
Pourriez vous traduire en français s'il vous plait?
Ultime évolution d'un modèle ancien : la carlingue est plus grosse et plus longue , les réacteurs ne sont pas les mêmes , les ailes sont différentes .. Evolution ou nouvel appareil ?
La technique semble la même que pour le 737Max, Boeing dit que c'est exactement le même appareil avec juste 2 ou 3 modifs pour éviter un processus d'homologation long et coûteux ( sans compter la formation des pilotes ). La FAA va-t-elle marcher dans la combine ? après le coup du 737Max !!
La technique est la même pour tout le monde.
Faire évoluer un avion, même beaucoup, n'est pas forcément faire un nouvel avion. Outre le fait de garder un grand nombre de pièces communes, une famille d'avion possède souvent la même structure profonde, la même charpente. C'est surtout cette "charpente" qui joue sur la certifications. Le reste, des accessoires différents, des différences cosmétiques ou améliorations aérodynamiques (winglets par exemple), ne remettent pas en cause la certification globale mais demandent une certification complémentaire, par écart à celle d'origine.
Ainsi un Airbus A-320 ou un Boeing 737 auquel on ajoute un winglet en bout d'aile à la place du saumon simple d'origine, ben ce n'est absolument pas un nouvel avion. Pourtant les perfos ont changé, en mieux.
Changer les moteurs ? Cela n'a aucun impact sur la structure de l'avion, seulement les mats moteurs au pire, qui rendent le moteur indépendant de l'aile. La nouvelle certification ne sanctionne alors pas l'avion dans son intégralité, mais sanctionne la bonne installation des moteurs et ses effets. Ce qui a été raté sur le 737 max d'ailleurs. On fait donc un dossier de certif qui valide que l'avion structurellement est toujours dans les limites déjà connues et certifiées (donc vérif des calculs de tenue d'aile (et autres) à cause de la nouvelle masse moteur, centre de gravité, etc...). On fait aussi des essais en vols pour justifier la nouvelle aérodynamique et les qualités de vol, etc...
C'est ainsi qu'on ne refait pas l'intégralité de la certification pour un changement même aussi important que les moteurs. C'est ainsi qu'un DR-400, de 120ch à 180ch, tri ou quadri places, c'est toujours un DR-400.
La structure profonde du Boeing 737, comme celle de l'A320, n'ont absolument pas bougé depuis leur origine.
C'est ainsi que les jambes trop courtes du 737 sont toujours aussi courtes ! Modifier leur longueur veut dire repositionner le train plus à l'extérieur et redessiner quasiment l'intégralité de la structure de l'aile. Il faudra aussi allonger le train avant donc redessiner aussi tout le nez de l'avion pour agrandir son logement. Ces modifications très lourdes imposeraient de tout re-certifier depuis le début. Tests structuraux, tests en vol, etc... C'est un nouvel avion.
Dans le même genre la famille A318-A319-A320-A321, de toutes générations, néo ou pas, peut être considérée comme "techniquement" le même avion. Ils sont d'ailleurs globalement tous certifiés en écart par rapport à l'A320 original.
A l’extrême est l'exemple de la famille A330-A340. L'un est bimoteur, l'autre quadrimoteur ! Pourtant ils sont frères jumeaux... Techniquement et aérodynamiquement parlant...
Rajouter ou enlever 1 mètre de fuselage devant-derrière ne remet pas en cause les techniques employées, le concept de la structure. Les ailes sont les mêmes, les moteurs sont les mêmes (à la poussée près, gérée électroniquement).
Par contre changer le diamètre du fuselage me semble plus dur à justifier par écart tant les impacts sont nombreux. Le B-777-X à un fuselage de plus gros diamètre ?
Je pense que vous avez certainement raison sur le plan purement technique , mais si on considère :
- la liste des modifs
- le précédent du 737Max, et les quelques bricoles sur d'autres modèles
- la réputation passablement écornée de Boeing
- celle non moins écornée de la FAA
Je me dis que les gens de la FAA , n'ayant pas envie d'aller pointer au Pôle Emploi local , vont certainement être extrêmement pointilleux sur ce modèle.
J'ai fait qq recherches , en fait le diamètre extérieur n'a pas changé.
Il y a des gains sur le diamètre intérieur en jouant sur l'épaisseur des éléments intérieurs. Donc ça, ça ne devrait pas jouer.
Pour le problème de pressu qui a fracassé le fuselage lors des essais type CEAT de Toulouse, ils ont dit qu'ils allaient faire le reste des tests sur ordinateurs … C'est vrai qu'une campagne d'essais marche tellement bien en simulation ordinateur, on retrouve là le problème des pilotes de ligne qui ne sont formés qu'au simulateur et qui pensent que cela va tout résoudre, dès le début y compris lors des essais (qu'ils nomment d'ailleurs à tort certification, c'est un tic de langage de l'aviation de ligne)
Comme souvent, c'est l'usage des choses qu'il faut considérer plutôt que la chose elle même. Et c'est le cas pour le simulateur; quand il est bien utilisé, c'est un super instrument qui permet de mettre quelqu'un dans une situation qu'il ne vaudrait pas mieux tenter en réel. Ça fait partie de l'expérience.
Attention, je parle bien d'un vrai simulateur. Parce que si c'est juste pour apprendre à tourner des boutons et maitriser le clavier du FMS, un PC avec Flight simulator, c'est suffisant...
Ce n'est pas parce que la totalité de la formation se fait en heures réelles que cela donne une garantie de qualité. Les mecs du 447, il parait qu'ils avaient fait du planeur pendant leur formation...
Mais quel est votre problème avec vos collègues pilotes de ligne, Stormy? Vous semblez penser que la formation au simulateur n’est pas adaptée; c’est un point de vue, mais alors que proposez-vous pour la compléter? Je suis curieux d’avoir un avis éclairé à ce sujet, étant moi-même pilote de ligne et formateur de pilotes de ligne.
Je dis - et j'ai pu le constater souvent - que les pilotes de ligne étant désormais formés exclusivement au simu, on entend parfois parmi eux des réflexions étonnantes, comme quoi les simulateurs pourraient (ou devraient) rendre compte de toutes les situations, dans toutes les configurations et positions…. C'est déjà contestable en formation - et ça le devient encore plus dès qu'on parle d'essais en vols, qui comme leur nom l'indique…. sont basés sur du réel.
Boeing avait déjà attiré l'attention il y a quelques années lors de a campagne d'essais du 787, qui avait pris du retard pour diverses raisons, quand ils avaient dit : nous allons mettre une dizaine d'avions sur le parking, ils voleront tous les jours, ce sera géré comme une compagnie aérienne, et on aura fini dans dix mois pour la certification suivie de la livraison au premier client.... C'était la négation du concept d'expérimentation et d'essais en vol, car cela supposait que rien n'allait se passer - et dans ce cas, pourquoi faire des essais, en vol encore une fois ? Rien ne s'était passé de grave dans cette campagne de 787 qui s'était terminée dans les temps, tant mieux pour eux.
Des raccourcis semblent par contre avoir été pris pour celle du 737 MAX, avec les conséquences que l'on sait. Il y eut des précédents chez eux, notamment la campagne de vrilles du F15 il y a 40 ans qui fut bâclée et à refaire, avec entretemps la perte d'une dizaine d'avions.
Voilà Pierre, et quant à moi je suis pilote de ligne après avoir été instructeur de pilotes d'essais - ce qui en veut pas dire que je sais tout sur tout, et encore mois sur le 737 que je n'ai jamais pratiqué.