2018 marque l’entrée en service du biréacteur COMAC ARJ21-700 (78-90 sièges) dans les compagnies aériennes de Chine et de Mongolie. Il aura fallu 16 années à l’industrie aéronautique chinoise pour développer cet avion aux airs de Douglas DC-9 (et pour cause…) voulu pour desservir les aéroports les plus inaccessibles de l’Empire du milieu.
Au salon de Zhuhai, du 6 au 11 novembre 2018, trois avions de transport COMAC ARJ21-700 ont été présentés au public. Chacun arborait les couleurs de l’une des trois compagnies de lancement (Chengdu, Gengis Khan, ou Urumki) de cet avion de 78 à 90 passagers qui, sans doute, restera dans l’histoire de l’aviation, comme le premier avion de ligne de quasi-conception et production chinoise.
Habitués au miracle industriel chinois, les médias occidentaux étaient persuadés depuis son lancement en 2002, que les avions civils chinois seraient déjà massivement exportés dans des compagnies aériennes, partout dans le monde, à l’heure où nous écririons ces lignes. Mais les choses ne se sont pas déroulées exactement comme on l’imaginait avec un brin d’inquiétude, il y a seize ans.
Pour l’instant, Airbus et Boeing semblent bénéficier au mieux, d’un léger sursis, avant que l’ARJ21 – ou plutôt, les C919 et CR929 qui lui succéderont dans les usines de Shanghai – ne soient au rendez-vous des marchés. A l’heure qu’il est, l’ARJ21 vient à peine, d’entrer en série. Mais pourquoi les chinois ont-ils pu parier sur un avion dont le développement a duré seize ans, pour accomplir un « bond » en avant dans le monde de l’aviation commerciale ?
Nous avons pu suivre à Zhuhai les présentations de l’ARJ21-700, depuis sa première apparition sur place, en 2012, et observer la méthode adoptée par les chinois pour mettre au point ce petit avion de ligne assez classique. Ils ont eu pour priorité, l’obtention de performances recherchées par rapport à des spécifications techniques propres aux contraintes géographiques et climatiques du pays.
Ce choix s’est fait au détriment d’une rentabilité du projet à court terme, si chère aux occidentaux. C’est avec le dixième plan quinquennal (de 2001 à 2005), que les ingénieurs de COMAC (industriel membre du consortium AVIC, chargé des programmes civils), ont reçu comme lettre de mission, la conception d’un avion de ligne devant relier les villes intérieures de l’Empire du milieu.
Il faut regarder le « jet » COMAC en tant qu’outil aérien d’un plan d’aménagement du territoire, destiné notamment, à remplacer les lignes de chemin de fer intérieures alimentées au charbon. Les trois quarts de la population chinoise vit dans la moitié orientale du pays, essentiellement sur les côtes.
Le besoin était manifeste pour un avion à réaction capable de relier toutes les villes intérieures de la Chine, en particulier les agglomérations moins peuplées et situées dans la partie occidentale du pays, jusque dans le Turkestan chinois. Autre enjeu : 30 % des terres de Chine sont situées sur de hauts plateaux, comme entre autres, le Tibet, la Mongolie, ou le Xinjiang.
L’ARJ était donc un projet de taille, car en 2002 déjà, il était question de livrer entre 450 et 550 avions, en moins de 15 ans. L’essentiel était de répondre à cette demande avec un avion qui ne devait en aucun cas, être importé. Même si au final, l’État chinois a décidé d’acheter la licence du MD-90 américain, pour réinventer une structure très proche de celle du DC-9, l’importance était de concevoir un avion sous la bannière chinoise.
Peu importait, si le moteur choisi, était le General Electric CF34-10A américain performant, mais de conception déjà dépassée. Honeywell fournirait les commandes électriques, Rockwell Collins une partie de l’avionique, et Zodiac, quelques équipements. Patriotisme oblige, AVIC ne vante pas trop l’expertise d’Antonov dans la mise au point de l’aile supercritique. L’essentiel était de lancer une chaine de production indigène assemblant un fuselage, deux ailes et deux moteurs.
Et il fallait concevoir ce « jet » de telle sorte qu’il ait avant toute autre chose, une performance fondamentale : une aptitude à décoller des aéroports situés sur les hauts plateaux, à près de 3.000 m, le tout, sous des températures pouvant dépasser les 35°C.
Finalement, les ingénieurs d’AVIC ont pondu un bimoteur de 27,2 m de long, 33,4 m d’envergure, 8,4 m de hauteur, et 79,8 m2 de surface alaire. Sa masse maximale au décollage est de 40,5 t (37,6 t. à l’atterrissage). Son rayon d’action est de 3.700 km. Sa vitesse de croisière est de Mach 0.78 et son altitude (de croisière), de 10.668 m. Les chinois tenaient à ce qu’il soit capable de décoller sur 1.700 m de piste, et d’atterrir sur 1.550 m, avec 10 t. de pétrole. Il est prévu que l’ARJ21-700 soit livré en classe unique (2e classe) aux compagnies indigènes, comme s’il s’agissait d’un autobus aérien de luxe, dans la tradition des anciens Il-14 qui reliaient la Chine communiste.
Le prototype a effectué son premier vol le 28 novembre 2008. Il n’a été certifié par la Civil Aviation Administration of China (CAAC), que le 30 décembre 2014. Mais dix ans après le premier vol, ce qui compte le plus, pour les autorités, c’est que l’ARJ21-700 a passé avec succès tous les tests critiques sur lesquels il était le plus attendu.
Début mars 2017, l’AR21 a réussi 16 essais sur l’aéroport de Xining, situé à 2.200 m d’altitude, dans la province de Qinghai. En mars 2018, le prototype a réalisé des atterrissages, et décollages, par vents de travers de 87 km/h, sur l’aéroport de Keflavik, en Islande. Mieux encore, le 10 août 2018, des tests menés à Turpan, dans le désert du Xinjiang, ont validé la capacité de l’ARJ21 à opérer à plus de 40°C.
Les livraisons ont commencé cette année. Huit avions ont été remis à Chengdu Airlines, le client de lancement. L’un d’entre eux était présenté en vol au salon de Zhuhai, aux côtés du premier exemplaire livré à Gengis Khan Airlines, en septembre dernier. Gengis Khan est la compagnie intérieure du territoire de Mongolie qui a prévu d’en mettre 25 en service. Le troisième opérateur livré, Urumqi Airlines, présentait lui aussi, son ARJ21 sur les parkings. 60 avions seront livrés à deux compagnies de leasing, et 453 avions sont comptabilisés en tant « qu’intentions d’achat » par les seuls pavillons chinois.
L’ARJ21-700 est vendu au prix de 30 millions d’USD. Pour un peu moins de la moitié du prix d’un Airbus A318 – vendu 77,4 millions d’USD, et dont la capacité est équivalente en nombre de passagers, à l’ARJ21-700 – la Chine a réussi à produire à petits pas, son « airliner » national afin d’établir une première chaine de production en série. En réalité, ce ne sont que les prochains modèles issus des usines COMAC de Shanghai, à savoir le C919 – dont le prototype en pleine phase de d’essais en vol était absent du salon – et le long courrier CR929 russo-chinois (toujours sur la planche à dessin…), qui s’attaqueront sans concession, au duopole Airbus-Boeing.
Mais pragmatiques, les chinois savent prendre leur temps, et finissent toujours par réussir.
François Brévot
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More
View Comments
les compagnies n'achetent pas que des Airbus, c'est qu'il y aussi de bonnes raisons ?
Ce n'est que le début.
Le C919 en préparation innondera le marché Chinois puis Eurasien.
La fin de l'A32F est annoncée en ces termes.
La décision tardive d'Airbus d'annoncer l'étude d'un successeur à leur moyen courrier aurait du se faire faire en parrallele à l'entrée en production de l'A350 afin de barrer la route à la concurence : c'est le 320 qui fait vivre AIRBUS depuis 2 décénies, pas le 350 et encore moins l'A380.
Le 320 NEO n'est "New" que par son moteur, le 321 LR est un 321 ACT réchauffé.
Aucun gain sur la masse à vide, aucun gain sur le ZFW, aucun gain de performances si ce n'est les Shraklets rajoutés apres que Boeing les aient certifiés pour son 737 NG depuis plus de 10 ans !
Il aura fallu aussi 10 ans pour que la capacité sièges passe de 180 à 186 puis 189 sièges, ce que le 737-800 fasait depuis belle lurette.
Un 320 c'est FL390 max, UN 737 NG c'est FL410.
Pas d'amélioration dans l'ergonomie cockpit, des codes couleurs inexistants, des ergos boutons qui se ressemblent à si méprendre (e.g rien ne remplace une molette V/S de Boeing pour ne pas se gourrer dans le sens de rotation si vous volez en place droite ou en place gauche), et enfin, un bordel sans pareil dans la documentation PNT qui au final devient apres 30 ans, "electroniquement" lisible grace à une "E"QRH magique qui consiste à renvoyer tous les chapitres et sujets accrochés/renvoyés à une page puis une autre.
L'IPAD : plus de batterie : donc plus de DOC !
Correction : plus de chargeur, donc plus de batterie, donc plus de doc.
Re-correction : plus de cordon de chargeur, donc chargeur inutile, donc plus de DOC.
C'est le progres ! (j'exagere un peu, j'aime bien l'IPAD quand il y a du jus dedans).
En 2017 un TRE de Toulouse m'a répondu : "pas de soucis à se faire, ON en a 6000 dans le carnet de commande".
Peu être un Ben Smith au commandes du constructeur de Toulouse leur feraient du bien ?
L'ergonomie de Boeing, le VNAV de Boeing, le confort du poste des Boeing sont à des années lumières de ce que fait Airbus. Si autant de compagnies les achètent c'est surement pour une bonne raison. Definitely Airbus !