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Industrie

« Le jour de l’A380 viendra ! »

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Gil Roy

John Leahy, le directeur des ventes d’Airbus, demeure le plus farouche défenseur de l’A380. Même si le constructeur a décidé de réduire ses cadences de production à seulement 12 unités par an, Leahy est convaincu que l’avenir du transport aérien mondial appartient au quadriréacteur européen. La relance hypothétique des ventes passe par une remotorisation de l’A380 (version « neo ») à plusieurs milliards d’euros. Pour Airbus, elle n’est pas d’actualité. Sauf qu’Emirates a décidé de mettre la pression.

« Le trafic aérien double tous les 15 ans. On ne peut pas doubler la capacité de JFK, de CDG, d’Heathrow ou de Lax tous les quinze ans. Il faut donc augmenter la capacité des avions », déclare John Leahy pour tenter de démontrer que l’A380 est la solution à l’engorgement des méga plates-formes de correspondances. Sauf que le succès des biréacteurs gros-porteurs tendrait à mettre en évidence le développement de l’offre point à point au détriment des hubs.

La théorie du hub

Ce débat a été ouvert par Airbus et Boeing, au début des années 2000, quand le premier a lancé l’A380 et le second le 787 : deux offres radicalement opposées qui répondent à deux hypothèses de développement du transport aérien différentes. Alors qu’actuellement le marché plébiscite les biréacteurs à long rayon d’action, Airbus s’accroche à son raisonnement. Mais les faits sont têtus. En 2016, il n’a réussi à vendre que deux A380. Quant à Boeing, les 10 747-8 vendus sont tous des cargos. A croire qu’il n’y a plus de marché pour les très gros porteurs.

Leahy est convaincu que l’avenir donnera raison à Airbus. Il cite systématiquement en exemple le cas de Londres-Heathrow où la part de marché de l’A380 ne cesse de croître. « En 2016, 7 millions de passagers, soit 10% du trafic total, ont voyagé à bord d’A380 », affirme-t-il. « En 2017, on devrait atteindre 12% », surenchérit Fabrice Brégier, le patron de la division avions commerciaux d’Airbus.

Le vaisseau amiral plébiscité par les passagers

Heathrow demeure un exemple isolé. En revanche, il est indéniable que les compagnies qui exploitent des A380, ont toutes fait du Super Jumbo leur vaisseau-amiral. Emirates met en avant ses douches privées, Etihad et Lufthansa leurs suites privatives, Qatar ses salons ou encore Korean Air ses boutiques.

La cabine de l’A380 demeure un atout différenciant qui ne suffit pas toutefois à convaincre les compagnies d’opter pour le quadriréacteur. © Airbus

La cabine est le vecteur de l’excellence que propose la compagnie, c’est aussi un argument de vente. Airbus affirme que selon une étude, 60% des passagers sont prêts à payer un peu plus cher pour avoir la possibilité de voyager à bord d’un A380 si ils ont le choix. Airbus a même créé un site internet pour permettre aux passagers de dire tout le bien qu’ils pensent de l’A380.

Un très gros porteur sous-motorisé

Apparemment, ce ne sont pas les passagers qu’il faut convaincre, mais les compagnies. Iran Air a finalement renoncé à commander 12 A380 comme annoncé précédemment. Quant à Emirates, elle a décalé d’un an la livraison de 6 appareils prévus en 2017, et de 6 autres prévus en 2018. A croire qu’elle a décidé de mettre la pression sur Airbus. Cela fait plusieurs années maintenant que la compagnie de Dubai demande au constructeur la version « neo » de l’A380, autrement dit qu’il plaide pour une nouvelle motorisation.

La motorisation est précisément le point faible du quadriréacteur. Sous-motorisé, l’A380 ne permet pas d’emporter du fret dans ses soutes et ainsi d’optimiser son exploitation. En obligeant Airbus à réduire ses cadences de production à 12 avions par an, Emirates veut sans doute accélérer la prise de décision.

L’A380neo, un pari financier risqué

Brégier et Leahy connaissent mieux que quiconque les faiblesses de leur avion. Ils savent aussi que le développement d’un A380neo se chiffrera en milliards de dollars. Brégier l’a clairement dit lors de la présentation de son bilan 2016, le contexte économique n’est pas favorable au lancement d’un programme de cette envergure. Le retour sur investissement n’est pas garanti.

Avec 142 avions commandés sur un total de 319, Emirates pèse très lourd dans le programme A380. Airbus doit lui en livrer encore 55 exemplaires. © Airbus

Pour faire patienter les partisans de l’A380neo et tenter de relancer les ventes, Airbus va proposer d’ajouter 50 sièges sans que cela se fasse au détriment du confort promet Brégier. Il ne cache pas que c’est un défi qu’il a lancé à ses ingénieurs. Cela devrait permettre d’améliorer la rentabilité de 10% assure-t-il. Cela suffira-t-il ?

Quoi qu’il en soit Brégier et Leahy disent être convaincus qu’ils possèdent la réponse aux besoins du transport aérien de demain. En attendant, il va falloir jouer serré pour que le programme qui va tourner au ralenti ne coûte pas trop cher. L’avenir de l’A380 passe aussi par cette condition qu’un Tom Enders, le PDG d’Airbus, a sans doute déjà rappelé à ses collègues.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Petits compléments: emplacement du poste de pîlotage:
    1)e sont les équipes PNT des cies aériennes qui ont demandé de ne pas mettre le cockpit en haut du fait de leur longue expérience sur 747 ( étroitesse du cockpit, incommodité de devoir passer par le pont supérieur pour y avoir accès, niveau du bruit aérodynamique, enfin, mauvaise visibilité pour les manoeuvres au sol et en approche.
    2) deux cies aériennes spécial fret ont été clientes fermes pour l'A380 cargo: UPS et Fedex, excusez du peu: c'est Airbus qui a annulé ces commandes en annulant cette version du fait des retards inadmissibles du programme, ceci afin de donner priorité à la version pax; Ces 2 cies aériennes n'ont pas digéré ce fait... et le font payer aujourd'hui très cher à Airbus: commandes de 767 à gogo et de 747-8F ce qui permet à Boeing de continuer bon an mal an sa production de 747, soutenant ainsi le 747-8 I;
    3) les cies conseillères d'Airbus pur l'A3XX avaient parfaitement jaugé le fait que 2 ponts pour les pax et un seul pour bags et fret allaient changer l'économie de l'avion. Elles avaient fait leur calcul...
    4) ce qui ruine les espoirs de l'A380 aujourd'hui, c'est le fait que rien n'a été fait sur cet avion depuis son lancement pour l'améliorer: Boeing a remotorisé son 747 six fois et re-wingé trois fois, s'occupant sans cesse de son bébé notamment en lui assurant le meilleur en matière de motorisation (même le 747-8F dispose du GEnx ! un moteur bien plus performant que ceux de l'A380: or, sur un long-courrier, le moteur est essentiel (comme sur un ravitailleur, by the way). Il n'y a aujourd'hui que des long-courriers nouveaux (350/787, bientôt 777-8 et -9) ou anciens-remotorisés (330neo, par ex): l'économie comparative est vite faite !
    5) les équipes de vente d'Airbus se sont occupées à 120% de vendre de l'A320neo et du 350: on ne compte plus les campagnes 380 annulées/interrompues pour donner priorité à ces deux-là sans compter celles, il y a plus de dix ans, pour donner priorité (sans résultat positif, du reste) à l'A340-600... Ecrire que John Leahy est le meilleur vendeur de l'A380 est...un oxymore sinon une insulte à la réalité.
    6) oui, il faudra que Airbus réagisse avec une nouvelle version performante de l'A380 sans quoi la mise va être remportée par les 777 y compris chez les cies clientes de l'A380 qui se sentent aujourd'hui flouées. (ex de UPS et Fedex à méditer...)

  • Même remotorisé, les soutes de l'A380 ne seront pas plus grande.
    Il est faux de dire que cet avion est sous motorisé. C'est même l'inverse. Chercher un avion qui sur Paris New York ou retour peut avoir comme premier niveau de vol le FL390?
    En utilisant l'avion avec le nombre de Pax maxi prévu au CDN, 853, vous laissez une partie des bagages par terre.
    Vous avez un avions qui a 2 ponts passagers, mais un seul pont de soute, même si il n'y a pas de réservoirs carburant dans le fuselage la capacité en bagages et fret est trop réduite.
    Son principal défaut et qui n'est pas le moindre, il offre une charge offerte de 7 tonnes supérieure à celle d'un B777/300 mais a une masse à vide 150 tonnes supérieure. Chercher l'erreur.
    Sinon c'est un avion très agréable pour ses Pilotes.

  • bonjour.
    quid du 380 cargo que mr Leahy n' a pas juge bon de lancer?
    il est interessant de remarquer que Boeing a toujours alance la version cargo peu apres la version pax.... alors , airbus se decidera t il un jour d' en faire autant?

    • Pour autant à 500 pax, la fraction de masse à vide / masse maximale au décollage n'est pas éloignée de celle du 777 (0.55), mais avec une consommation siège distance supérieure.
      Cette appareil est TRES agréable pour ses passagers : silencieux, confortable, spacieux.
      L'avenir passe probablement des moteurs plus économes en carburant et une clientèle d'avantage séduite par les qualités de cette machine. Encore faudrait 'il que le marché soit là ...
      Pierre

    • A cause du poste de pilotage situe sur le pont inferieur, il n'y pas de possibilite de chargement par l'avant comme sur les 747-F ou encore le AN-225.
      Ce qui oblige les operateurs a conteneriser le fret.
      Je n'ai jamais compris pourquoi Airbus a situe le poste de pilotage sur le pont inferieur.
      Si quelqu'un a un element de reponse ...

      • "Je n’ai jamais compris pourquoi Airbus a situe le poste de pilotage sur le pont inferieur."
        Et le Belouga (A-300-600 ST), par exemple... ;-) !?

        Il n'y a aucune impossibilité technique à refaire un nez de A-380 cargo de type Bélouga, mais cela ne ferait qu'accroître le coût...

        Sans compter toutes les réponses proposées par Jarry en 1)

        Cdt.

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