Jusque-là peu présent sur le marché des avions cargos, Airbus frappe un grand coup avec une version fret de son biréacteur à succès A350XWB. L’avionneur européen prend de court Boeing dont la seule riposte possible est le 777XF, extrapolation du programme 777X confronté à une accumulation de retards qui se chiffre à quatre ans. Après avoir pris l’ascendant sur le marché des monocouloirs en imposant l’A320neo face au 737MAX, Airbus semble être en passe de récidiver sur un marché qui jusque-là semblait appartenir à Boeing.
Dans son étude prospective sur la demande en avions cargo à l’horizon 2039, Boeing estime les besoins des compagnies à 2.430 avions à terme pour accompagner la croissance du secteur, dont 900 gros porteurs tels que le 747-8 dont la production est arrêtée, ou le 777, d’une génération antérieure qui n’est plus compétitive. Force est de constater que l’offre est à construire, d’autant que la pandémie à démontrer que le transport aérien de marchandises était dépendant de la disponibilité des soutes des gros porteurs passagers.
L’offre d’Airbus en matière d’avions cargo était basée en majeure partie sur des programmes de conversion d’avions passagers (A330-200, A320 et A321). Depuis près de 20 ans, avec l’A330-200F dont le Beluga XL est dérivé, Airbus n’avait plus lancé de programme d’avion cargo. « Le marché des avions cargo est aujourd’hui mal desservi par Airbus » reconnaissait Christian Scherer, directeur commercial de l’avionneur européen, lors d’une conférence de presse en juin 2021, qui a ensuite précisé : « Quand on se rend compte de quelque chose, on essaie de réagir ». La réaction de Guillaume Faury n’a pas tardé. Le directeur d’Airbus a ainsi officialisé en juillet 2021 la version cargo de l’A350XWB.
Depuis son lancement en 2006, l’A350 a reçu 915 commandes, dont 436 ont été livrés (380 -900 et 56 – 1000). C’est donc sur la base d’une plateforme éprouvée qu’Airbus a lancé officiellement le programme de l’A350F, recevant la première intention de commande pour 7 exemplaires par Air Lease Corporation en novembre 2021 lors du salon de Dubaï. Le carnet de commandes pour l’A350 cargo s’est étoffé le lendemain de la fermeture du salon de Dubaï, le 19 novembre 2021, avec quatre avions destinés à CGA-CGM.
Situé entre le -900 et le -1000, l’A350F devrait être en mesure d’emporter une charge utile allant jusqu’à 109 tonnes pour une masse maximale au décollage (MTOW) de 317 tonnes. Pour comparaison, l’A350-1000 dispose d’une MTOW à 316 tonnes.
Sur la base de la cellule de l’A350-1000, Airbus va raccourcir de 3 mètres la partie avant du fuselage en enlevant cinq cadres de manière à maintenir le centre de gravité de l’avion. L’avion cargo devrait ainsi mesurer 70,10 mètres de long et disposer d’un volume de fret de 695 m3. L’A350F, à sa MTOW, pourra franchir 4.700 nm (8.700 km).
Une porte cargo de 3,7 m de large par 3,14 m de hauteur sera installée sur la partie arrière du fuselage, toujours pour des considérations de centre de gravité. Avec un plancher renforcé, une charge de 30 tonnes pourra prendre place au-dessus du caisson d’aile.
Seuls trois hublots seront gardés sur l’A350F et les portes 2 et 4, situées de part et d’autre du fuselage, seront retirées.
Côté motorisation, Airbus conservera le Trent XWB-97, ce qui donnera une communalité des pièces et de l’outillage de l’ordre de 99%, d’après Airbus, entre les versions fret et passagers. Airbus se donne trois ans pour livrer les premiers exemplaires, soit une entrée en service en 2025.
Le site Internet de l’avionneur européen s’est enrichi tout récemment d’une page dédiée à l’A350F. Airbus présente le futur avion cargo en le comparant à son concurrent direct, actuellement en service, le Boeing 777F.
Le Boeing 777F dispose d’une charge utile de 106 tonnes, soit 3 tonnes de moins que l’A350F, pour une MTOW de 347 tonnes. Airbus avance des chiffres allant jusqu’à 50 millions de dollars d’économie sur la durée de vie de son avion cargo en comparaison du 777F et des émissions de CO2 jusqu’à 20% en moins.
Le Boeing 777F est basé sur la version passager du 777-200LR entré en service en 2006, d’ancienne génération en comparaison de l’A350XWB. Par ailleurs, les nouveaux standards adoptés par l’ICAO quant aux émissions de CO2 précisent que les appareils actuellement en production, dont le 777F, qui ne respectent pas ces standards ne pourront plus être produits sauf en intégrant des modifications substantielles.
Au regard de ces différentes données, les compagnies vont logiquement comparer l’A350F avec le 777XF en gestation et sur lequel Boeing a dévoilé un quelques indications complémentaires sur le programme au cours du salon de Dubaï.
Le 777XF devrait quant à lui être dérivé du 777-8 qui semble encore lointain. Boeing a précisé lors du salon que son « 777X poursuit sa campagne d’essais et vise une certification en 2023 ». La certification du 777-9 devrait donc avoir près de quatre ans de retard sur le planning initial, le programme ayant souffert de plusieurs incidents techniques, dont le dernier en date sur les commandes de vol. Au mieux, le 777FX ne devrait être opérationnel qu’en 2028.
Le 777FX se situera entre les deux versions 777-8 et 777-9, comme l’A350F se situe entre deux versions passagers. Le 777-9, en cours de d’essais en vue d’une certification, a une capacité de 400 passagers pour une longueur de 73,7 mètres et une distance franchissable de 8.200 nm (15.185 km).
Dans la configuration actuellement envisagée par Boeing, le 777-8 aurait une capacité de 350 passagers, une longueur de 69,8 mètres, une MTOW de 351 tonnes et une distance franchissable de près de 9.200 nm (17.200 km). Soit 8.500 km de mieux que l’A350F, pour ce qui est comparable avec les données fournies par les deux avionneurs.
Face au 777F d’ancienne génération, l’A350F fait certes mieux. Mais, sur le papier, une version cargo du 777XF ferait mieux que l’A350F. Reste a voir comment Boeing va sortir de la crise actuelle, que l’avionneur traverse sur plusieurs programmes, dont celui du 777X.
Fabrice Morlon
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L'A350F aurait-il perdu la première bataille face au 777XF.
Exaspéré par les problèmes de décollement de peinture, qui clouent au sol sa flotte d'A350, Akbar Al-Baker, le patron de Qatar Airways, a déclaré que sa compagnie comptait commander cinquante 777XF.
Il convient toutefois d'employer le conditionnel, puisqu'il ne s'agit que d'une déclaration verbale, peut-être destinée à mettre la pression sur Airbus, afin de trouver une solution à ce décollement de revêtement sur le fuselage.
A noter qu'un désordre identique aurait été constaté sur des A350 quasi neufs, de Finnair et Lunfthansa, en 2016 et 2017, sans que ces deux compagnies y voient la nécessité de stopper les vols de ces appareils.
Dans ce match entre A350F et 777XF, Airbus pourrait disposer d'un atout supplémentaire.
Lors du Salon de Dubaï, Guillaume Faury a déclaré que la version fret du biréacteur, serait un candidat idéal à la certification du premier long courrier mono-pilote.
Quand le rédacteur de l’article précise que c’est la première fois qu’Airbus va construire des avions spécifiquement cargo, il se trompe : il existe un A330-200F, reconnaissable extérieurement (outre à son manque de hublots) au renfort au niveau du train avant, débordant sous le fuselage. Même si jusqu’ici l’avion s’est peu vendu, à une petite quarantaine d’exemplaires.
DC
Bonjour,
Vous avez tout à fait raison, l'A330-200F, successeur de l'A300F est également la base du Beluga. Il me fallait préciser dans l'article que c'est le premier programme depuis près de 20 ans qu'Airbus s'engage dans un nouveau programme d'avion cargo.
Merci pour votre lecture attentive! J'apporte la précision dans l'article.
Et c'est sans doute pour sa clairvoyance en matière d'avenir du fret aérien que Mme. Parly, éxécutante zélée du non-moins brillant Dejuniac a "tué" l'activité fret a Airfrance et exerce maintenant ses talents en matière de politique militaire .
Exemple, s'attaquer (verbalement) aux Russes en relayant comme un perroquet les affirmations du pentagone concernant la destruction de l'un de leurs anciens satellites et favorisant, dans le même temps, la vente de Rafale aux pays qui nous font déjà insidieusement la guerre grâce au pétrole et à la religion....
A l'époque, déjà, Hollande avait fait payer aux seuls Français les milliards de la rupture du contrat naval avec les Russes, suite à une décision pourtant commune des pays Européens (donc de l'OTAN), et avait ensuite offert ces bateaux de guerre à l'Egypte....
Et le même Hollande, sans y voir la moindre contradiction et avec la complicité de Juniac, avait également favorisé le paiement cash et sans aucun retour pour l'économie du pays à une compagnie cargo Russe pour rapatrier nos forces militaires d'Afghanistan (hommes et matériel) au détriment d'Airfrance, certes un chouïa plus cher, mais dont l'activité et la santé ont un impact direct sur l'économie du pays. (Au lieu de payer un petit delta en plus qui dynamise l'activité industrielle nationale, on préfère aligner durablement les milliards du coût social qui rend justement la main d'oeuvre Française moins compétitive, et c'est visible bien au delà du fret aérien....)
Rien n'a beaucoup changé depuis...les mêmes Enarques gérant le pays avec le même manque de bon sens global. (A part savoir se faire placer ou élire et se gaver sur le dos de la communauté nationale qu'est-ce qu'on peut bien leur apprendre dans cette école ?)
Pour Airbus, ce nouvel engouement pour le cargo est plutôt une très bonne chose.
Je crains hélas que les politiciens aux commandes de la France ne soient capables d'accompagner la vente de ces nouveaux avions qu'en offrant encore plus des lignes déjà sacrifiées d'Airfrance aux acheteurs étrangers qui l'ont dėjà affaiblie grâce à cette pratique commerciale anti patriotique.
Et si ces nouveaux Airbus sont si performants, gageons qu'Airfrance n'aura donc pas, pour cela, l'opportunité d'en exploiter...
A quand un gouvernement Français capable de prendre des décisions globales positives pour l'économie de son pays au lieu de s'aplatir devant une politique Européenne qui lui est systématiquement défavorable ? (Le ciel unique, voté par 27 membres dont aucun, à part l'Allemagne, suppôt des Américains, n'a de compagnie aérienne de la taille d'Airfrance.)
Et que dire d'Alsthom, du nucléaire, du blé, de la pêche....j'en oublie sûrement quelques-uns.
Tiens, ça me rappelle que Mme. Parly avait, sur dénonciation des Allemands qui s'en étaient alors défilés bien que co-accusés, payé une amende mirobolante à l'UE pour "entente illicite sur le fret cargo".....dans le même temps où "les moulins de Paris" payaient une amende équivalente aux mêmes voyous de Bruxelles pour entente sur le prix des céréales...
Ne se ferait-on pas systématiquement rouler dans la farine (sans jeu de mot..) avec ces partenaires si amicaux ?
Je souhaite à Airbus (même si et sans doute parce que ça profite aux Allemands) de vendre beaucoup de ces nouveaux A350 cargos.
Au moins quelques emplois Français seront ainsi préservés en région Toulousaine.
Jean-Baptiste Berger.
A la fin de l'article, la comparaison entre la distance franchissable du 777-8 et de l'A350F ne me parait pas forcément judicieuse, un avion cargo et passager n'ayant pas les mêmes caractéristiques de ce point de vue. La distance franchissable du potentiel futur 777XF sera certainement beaucoup plus proche de celle affichée par l'A350F aujourd'hui. Mais il nous faudra être patient pour en savoir davantage sur cette nouvelle version de l'avion de Boeing.