Prenant de plein fouet la concurrence occidentale, les avionneurs russes tentent désespérément de prendre pied sur le marché hautement compétitif des avions commerciaux. Le MS-21 d’UAC/Irkut part avec des handicaps.
Il aurait pu faire ses débuts publics au salon du Bourget, mais il fut finalement une des vedettes du salon MAKS de Moscou. C’est un peu, résumé en deux salons aéronautiques séparés de quelques semaines, le récit du fardeau porté par les appareils commerciaux russes : un espace vital intérieur qui leur est (partiellement) acquis, mais de grandes difficultés à trouver leur place face à la concurrence occidentale. Une situation qui encore aggravée par le poids des sanctions commerciales initiées par les Etats-Unis.
Le MS-21 est développé par l’avionneur Irkut, filiale du groupe UAC, sans partenaire occidental. Ce qui n’empêche pas que certains de ses équipements soient toutefois achetés « à l’ouest ». On citera par exemple la motorisation, deux PW1400G de Pratt & Whitney, et les équipements de cabine fournis par Zodiac (groupe Safran). La société française fournit les sièges, la distribution primaire d’électricité, les toilettes, les systèmes d’évacuation mais aussi le système de carburant et d’inertage des réservoirs…
L’avion a volé pour la première fois le 28 mai 2017. Il est dimensionné pour emporter 165 passagers en deux classes ou 211 dans une seule classe éco. Son autonomie est de 3.200 nautiques (6.000 km) pour une masse au décollage d’environ 80 tonnes. Selon Irkut, l’avion a d’ores et déjà été testé dans tout son domaine de vol : il a atteint une altitude de 41.000 ft, une vitesse vraie de Mach 0,89 et démontré une autonomie supérieure à 6 heures. Les simulations de pannes moteurs au décollage et à l’atterrissage se sont également bien déroulées.
Vouloir concurrencer frontalement deux géants du secteur, le Boeing 737 et l’Airbus A320, est une ambition noble. Mais comme l’a récemment montré l’aventure du CSeries de Bombardier, il y a toujours très loin de la coupe aux lèvres et de la fiche programme au succès commercial. Sur quoi peut compter le MS-21 pour l’emporter face à ses rivaux solidement installés ? Avec un prix catalogue qui serait sensiblement égal à ses concurrents, le MS-21 n’a d’autres choix que de jouer la carte de l’innovation débouchant de meilleurs coûts d’opérations. Irkut annonce que ceux-ci seraient inférieurs de 5 à 7% à ceux de ses concurrents. A démontrer…
La recherche d’innovation est toutefois handicapée par les sanctions commerciales instaurées contre la Russie. Irkut revendique par exemple un large usage du composite (un tiers de la masse de la cellule), mais l’emploi de ces matériaux est maintenant impacté de plein fouet par les sanctions qui restreignent la fourniture de composés primaires. Comme dans d’autres domaines, la Russie a donc cherché d’autres approvisionnements tout en développant son savoir-faire.
Il en coûte de l’argent et du temps et l’avenir dira si la qualité sera au rendez-vous. Une menace identique plane sur la motorisation, ce qui pousse Moscou a accéléré le développement d’un réacteur local. Les trois premiers prototypes du MS-21 sont équipés de réacteurs Pratt & Whitney. Le quatrième recevra des PD-14 (« 14 » pour 14 tonnes de poussée) développés par le groupe russe United Engine Corporation (UEC) et sa filiale Aviadvigatel.
Le moteur a été certifié en 2018 et les essais en vol sur le MS-21 commenceront l’an prochain. Là encore, les Russes revendiquent un coût d’opération inférieur à son alter ego, mais l’inverse aurait été stupéfiant… Si l’approvisionnement du Pratt et Whitney est maintenu, les compagnies clientes auront le choix de la motorisation.
La certification russe du MS-21 est attendue pour 2020, suivie en 2021 par celle de l’EASA et un début des livraisons au cours de l’année suivante. Les enjeux techniques sont complexes, mais c’est au niveau commercial que la bataille s’annonce la plus rude.
UAC ne fait état pour l’instant que trois compagnies clientes, 175 ventes fermes et 160 options. Trois annonces, pour 20 options au total, ont été faites au cours du salon MAKS, avec les compagnies Yakutia (Russie) Bek Air (Kazakhstan) et une troisième qui n’a pas été citée. Aeroflot sera la compagnie de lancement avec une première commande portant sur 50 appareils.
Avant d’ironiser, on essaiera de se souvenir dans quelle condition la carrière de l’Airbus A320 fut lancée… Ces chiffres sont corrects mais insuffisants pour assurer la rentabilité du programme et ce n’est pas la croissance à deux chiffres du trafic aérien en Russie qui suffira à inverser le cours des choses, quand bien même les compagnies locales seraient fortement incitées à choisir l’avion.
Reste le continent asiatique dont la Russie est partie prenante. Inde et Chine, où les besoins sont considérables, sont deux partenaires traditionnels de Moscou. L’an dernier, la Chine a reçu à elle seule près d’un quart des livraisons mondiales d’avions de ligne ! Les productions locales ne sont pas encore à la hauteur, mais Boeing et Airbus ont déjà placé leurs pions dans le pays. Rien n’est gagné pour le MS-21 !
Frédéric Lert
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Il y a une petite chance, surtout s'il arrive a démontrer qu'il n'a pas les tares des deux autres... Parce que question SAV, les russes, ils ont aussi de l'expérience...
Ce qui est dommage, c'est que toute l'infrastructure, les ingénieurs, les bureaux d'étude, existaient auparavant. Il faut tout reconstruire.
Le support client, le défi est bien là.
Dépôts de pièces là où opèrent les clients, support technique H24 et télémétrie en temps réel. Airbus a construit sa fiabilité pas à pas.
Developper un avion et un moteur en meme temps de n'est pas du gateau, meme si ce sont 2 societes differentes, rappellons nous les deboires de Dassault avec le Silvercrest, ils ont fini par jeter l'eponge.