Le salon de Singapour en mode pandémie

C’est un salon aéronautique sous très haute surveillance sanitaire qui se déroule du 15 au 18 février 2022 à Singapour. Un contexte qui a découragé une grande partie des participants et qui ne devrait pas être propice aux grandes effusions comme en témoignent les premières annonces. Pas facile pour les communicants de sauver les apparences.

A Singapour, on ne plaisante pas avec le Covid-19. Bien que les mesures aient été allégées, à plusieurs reprises, au cours des semaines qui ont précédé la tenue du salon aéronautique, elles demeurent contraignantes, avec l’obligation de tests PCR quotidiens et la menace de quarantaine. Cet environnement anxiogène a sans doute rebuté une partie des participants, qu’ils soient exposants potentiels ou visiteurs.

L’édition 2022 du salon de Singapour réunit seulement 600 exposants contre 900, en 2020.

La participation était déjà en baisse par rapport à 2018. Les organisateurs attendent 13.000 visiteurs contre 30.000 lors de la précédente édition. Ils ont renoncé à organiser des journées grand public pour éviter le brassage de population et le risque de propagation du virus.

Les entreprises françaises sont néanmoins, cette année encore, présentes en force au salon de Singapour. Dans le domaine aéronautique, la France et Singapour ont noué des liens étroits. « Plus de 2.000 employés y travaillent au sein des filiales des groupes français du secteur aéronautique et spatial, ce qui représente 10% des emplois aéronautiques à Singapour. », précise le GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales).

En 2015, le GIFAS a mis en place le réseau SEAFAN (South East Asia French Aerospace Network) afin d’accompagner les sociétés françaises souhaitant se développer en Asie du Sud-Est. Singapour s’est, en effet, imposée comme un hub industriel de tout premier plan et est devenu le premier centre de maintenance et de réparation aéronautique en Asie.

Au salon, fidèle à son habitude, le GIFAS anime un pavillon sur lequel sont regroupées 26 sociétés françaises. AAA Expert, ABC, ADDEV, Aerocampus, Air France Industries KLM Engineering & Maintenance, Air Liquide Advanced Technologies, Axon’Cable, Bolloré Logistics, CETIM, Cobham Aerospace Communications, Cybermeca Groupe Ledoux, DCI Group, Dedienne Aerospace, GMI Aéro, KaliStrut Aerospace, Lacroix, Latecoère Interconnection Systems, Novae Services, R&R Consulting, Sabena technics, Safran, Satys, Sereme, Socomore, Techman-Head, WiN MS. Cette ambassade française est complétée par Airbus, ATR, CFM International, Dassault Aviation, MBDA et Thales qui ont leurs propres stands et qui exposent de nombreux modèles : A350-900, A330neo (Cebu Pacific), A220 (Korean Air), A400M, A330 MRTT, H225M (Republic of Singapore Air Force), Falcon 2000LXS, Falcon 8X, …

A la veille de l’ouverture du salon, Airbus a ouvert le ban en annonçant ses premières commandes. La première concerne la compagnie Jazeera Airways, basée au Koweit, a confirmé sa commande ferme de 20 A320neo et 8 A321neo. L’intention d’achat avait été annoncée en novembre 2021. La deuxième se rapporte à Aviation Capital Group (ACG), le loueur japonais, qui a confirmé une commande ferme pour 20 A220, faisant suite à sa commande de 40 appareils de la famille A320neo, dont cinq A321XLR, annoncée en décembre 2021.

Airbus qui nous a habitué à mieux en termes de lancement de salon, reste confiant en l’avenir. Il évalue le marché Asie-Pacifique à 17.600 avions d’ici à 2040. Il table sur une croissance annuelle moyenne du trafic à 5,3% soutenue par une croissance économique de 3,6% pour la zone, contre 2,5% à l’échelle du monde. Il mise aussi sur une accélération du renouvellement de la flotte par des avions pour économiques. Environ 30% des 17.600 avions à livrer sont destinés à ce renouvellement.

Sans surprise, l’essentiel (13.660 avions sur 17.600) sera constitué de monocouloirs. Airbus évalue la demande en cargos à 2.440 avions, dont 880 seront des avions neufs et le reste des avions de ligne reconvertis. De leur côté, Boeing et ST Engineering ont confirmé à Singapour l’ouverture d’une troisième ligne de transformation de 767-300 BCF (Boeing Converted Freighter), au second semestre 2022, à Guangzou (Chine). Les industriels font état d’une centaine de commandes pour le 767-300 BCF.

 » Nous sommes confiants dans un fort rebond du trafic de la région et nous nous attendons à ce qu’il atteigne les niveaux de 2019 entre 2023 et 2025 « , a déclaré Christian Scherer, directeur d’Airbus International, à propose de la zone Asie-Pacifique.

Concernant plus particulièrement les besoins en avions cargos, ceux-ci ont été stimulés par la pandémie et ils devraient continuer à être portés par la forte croissance du commerce électronique. A ce propos, Boeing a annoncé que ses ventes de pièces détachées par internet ont fait un bond en 2021.

« L’année dernière, le chiffre d’affaires en ligne de Boeing Distribution Inc. a augmenté de 15 % par rapport aux niveaux antérieurs à la pandémie, tandis que les commandes ont augmenté de 20 %. », a précisé Boeing qui a mis en place de nouveaux outils pour améliorer la relation client, notamment une nouvelle page d’accueil, une fonction de chat en direct et un centre de connaissances en ligne. « Le site de commerce électronique de pièces détachées, qui propose plus de 500.000 produits, a reçu cinq millions de visites en provenance de 50 pays l’année dernière. »

A défaut d’annonce de contrat, l’heure est aussi au bilan chez Pratt & Whitney qui se félicite de permettre aux compagnies de la région Asie-Pacifique de réduire leurs émissions de CO2 grâce aux moteurs GTF. Depuis l’entrée en service de cette nouvelle génération de moteurs, en 2016, les 25 compagnies clientes qui opèrent des A320neo, A220 et Embarer E-2 ont économisé plus d’un milliard de litres de kérosène. Une règle de trois permet à P&W de conclure que ce sont ainsi plus de trois millions de tonnes de CO2 qui n’ont pas été répandues dans l’atmosphère… depuis 2016.

En tant de crise, on fait les annonces qu’on peut. Safran, son concurrent direct, se félicite de l’ouverture prochaine par Safran Nacelles d’un nouveau site de maintenance, réparation et révision (MRO) de nacelles, situé à Suzhou en Chine. Il est en cours d’aménagement et sera opérationnel au deuxième trimestre 2022.

Enfin, on apprend aussi que la compagnie indienne Alliance Air va louer deux ATR 42-600 neufs à TrueNoord pour desservir les pistes difficiles de l’Himalaya. Les livraisons débuteront mi-2022.

A l’évidence, le démarrage du salon de Singapour est poussif. Il va falloir tenir jusqu’au 18 février 2022. En fait, l’actualité cette semaine, c’est Airbus qui va la faire, le 17 février 2022, depuis Toulouse, en annonçant ses résultats 2021.

Gil Roy