Le gouvernement a dévoilé, le 9 juin 2020, son plan de soutien à la filière aéronautique française. Il apporte sa garantie, anticipe certaines dépenses militaires et concentre ses investissements dans l’innovation avec pour objectif principal d’éviter le plus possible des licenciements. Les quatre grands donneurs d’ordres français sont à la manoeuvre. Que peuvent en attendre les sous-traitants en grande difficulté ?
Le gouvernement présente un plan d’aide de 15 milliards d’euros dont 7 milliards ont déjà fait l’objet d’une annonce largement diffusée. Il s’agit en effet du prêt direct de l’Etat de 3 milliards d’euros accordé à Air France et de la garantie de l’Etat sur des prêts bancaires pour 4 milliards d’euros. Evitons en conséquence de les compter deux fois…
Le 9 juin 2020, le ministre de l’Economie a donc annoncé le déblocage de 8 milliards, dont une partie sous la forme de garanties et de prêts remboursables. 8 milliards : comme pour l’industrie automobile. Il s’agit d’un schéma désormais classique dont ont déjà bénéficié d’autres branches de l’industrie française antérieurement. Ni plus, ni moins généreux, et avec les même gages d’intention écologistes. Mais là encore, avec le souci de préserver les emplois et les chances de reprise, et en affichant la volonté que la France soit acteur de la transition énergétique.
« Sans aucune aide publique, ce sont 100.000 emplois qui seraient menacés dans les 6 mois » a déclaré le ministre de l’économie en préambule, avant de détailler le plan de soutien à la filière aéronautique. La filière c’est au total 300.000 emplois hautement qualifiés qui contribuent à faire de la France, le seul pays au monde avec les USA, présent sur les marchés aéronautiques civils et militaires. Et cela c’est du concret.
Ces 100.000 emplois pèsent lourd, notamment dans la balance du commerce extérieur. La filière représente 63 milliards d’euros d’exportations induisant un solde positif du commerce extérieur de 30 milliards d’euros. « Les aides que nous apportons doivent permettre aux 4 entreprises, c’est-à-dire Airbus, Dassault, Thales et Safran, qui s’y sont engagées, de préserver au maximum les emplois en France. Soyons lucides, il y aura des ajustements nécessaires, mais ils doivent se faire dans toute la mesure du possible sans départ contraint. »
A travers cette dernière phrase, faut-il comprendre que les quatre grands ont eu la délicatesse d’attendre que le gouvernement présente son plan de soutien, avant d’annoncer officiellement les réductions d’effectifs en préparation depuis plusieurs semaines.
Dans les mois à venir, le gouvernement veut favoriser l’activité partielle de longue durée en alternative aux licenciements afin d’éviter les licenciements et la perte de savoir-faire. « Notre objectif est d’éviter tout départ contraint d’employés hautement qualifiés durant les prochaines années. La chute des commandes ne doit pas détruire des compétences construites depuis des décennies. » La balle est maintenant dans le camp des partenaires sociaux…
Cette crise doit être, selon le ministre, une opportunité « d’accélérer la transformation des PME et des ETI, qui sont une des grandes forces de notre industrie aéronautique. Elles font de la France un des seuls pays au monde à être capable de construire des avions civils, des avions militaires et des hélicoptères. »
Pour cela deux fonds vont être mis en place. Le premier est un fonds pour l’investissement en fonds propres doté de 1 milliard d’euros et un fonds d’accompagnement pour la numérisation et la robotisation des PME et des ETI doté de 300 millions d’euros.
Le fonds d’investissement en fonds propres sera doté dès cet été de 500 millions d’euros. L’Etat apportera 200 millions d’euros et les industriels 200 millions d’euros également. 100 millions, au moins, seront fournis par le gestionnaire du fonds qui sera choisi par appel d’offre. Ces 500 millions d’euros permettront de lever au total 1 milliard d’euros.
« Ce fonds permettra de renforcer les fonds propres des entreprises fragilisées et d’accompagner la consolidation du secteur. Je souhaite qu’il soit opérationnel dès juillet. Il doit soutenir le plus vite possible les PME et les ETI aéronautiques. » Le ministre n’a pas caché que les négociations avec Airbus, de Safran, de Dassault et de Thales avaient serrées. « La mobilisation des 4 industriels dans un fonds d’investissement pour soutenir la filière est une première. »
Le deuxième fonds est un fonds d’accompagnement. Il sera entièrement financé par l’Etat à hauteur de 300 millions d’euros sur 3 ans. Il investira dans la numérisation, la robotisation et la diversification des entreprises de la filière. « Nous sommes en retard par rapport à nos voisins européens que sont l’Allemagne et l’Italie. Ce plan de relance est l’occasion de rattraper notre retard. »
L’objectif poursuivi ici a clairement été dicté par le GIFAS et il vise à mettre la supply chain au format souhaité par les donneurs d’ordres depuis des années.
Ce plan de soutien à la filière aéronautique est lui aussi placé sous le signe de la transition énergétique. En la matière, le gouvernement français revoit ses attentes à la hausse en fixant comme objectif de parvenir à un avion neutre en carbone en 2035 au lieu de 2050, notamment grâce au moteur à très haut taux de dilution et au recours à l’hydrogène. La ministre de l’Ecologie s’engage sur un échéancier pour le moins ambitieux : un premier démonstrateur entre 2026 et 2028. 2028 c’est aussi l’échéance qu’elle avance pour le démonstrateur d’« un nouvel appareil régional, soit ultrasobre et hybride électrique, soit ultrasobre et alimenté à l’hydrogène, qui entrerait en service vers 2030. »
Le gouvernement affiche son ambition politique. « La France peut être dans les années à venir le pays d’Europe où se concevront et où se produiront les avions de demain. » Ambition politique affichée tous azimut. Il est en effet question du successeur de l’Ecureuil d’Airbus Helicopters, annoncé comme un hélicoptère léger « ultrasobre sur le plan énergétique (baisse de 40% de la consommation), capable d’hybridation électrique dans un premier temps, et fonctionnant à l’hydrogène dans sa dernière version (démonstrateur en 2029) », mais aussi de « nouveaux appareils d’affaires, capables de 100% de biocarburants et à plus long terme, alimentés au moins partiellement à l’hydrogène, des appareils d’aviation générale hybrides et des drones de haute performance (démonstrateur en 2030). »
Dans ce but, le Conseil pour la Recherche Aéronautique civile – le CORAC – recevra un soutien d’1,5 milliard d’euros sur 3 ans. Ces aides doivent permettre, selon le ministre de l’Economie, de développer en France les technologies de réduction de la consommation de carburant, les technologies d’électrification des appareils et les expérimentations de carburants neutres en carbone comme l’hydrogène. « Ces aides permettront également de garantir l’emploi des ingénieurs hautement qualifiés sans qui l’industrie aéronautique française n’aurait pas d’avenir. »
Les ministres promettent que « l’accélération des dépenses de R&D irriguera toute la filière sur le territoire. » Et d’égrener les spécialités et les régions. Les oubliés ne peuvent qu’espérer que cette liste ne soit qu’indicative et pas exhaustive…
Pour soutenir les entreprises du secteur, le ministère des Armées a décidé d’accélérer le déblocage de 600 millions d’euros de commandes militaires qui étaient prévues ultérieurement dans la programmation militaire. La France va ainsi acquérir trois Airbus A330 qui seront transformés postérieurement en MRTT, c’est-à-dire des avions ravitailleurs Phoenix au profit de l’armée de l’air. Ces avions remplaceront les A310 et A340 de l’armée de l’air qui sont des appareils vieillissants. Elle commande également 8 hélicoptères Caracal, pour renouveler les hélicoptères Puma de l’armée de l’air, qui en moyenne, ont 40 ans d’âge. « Initialement les Puma devaient rester en service jusqu’en 2028, mais nous avons, compte tenu des circonstances, fait le choix de commencer leur remplacement dès 2023. Ceci qui permettra de doter l’armée de l’air de matériels neufs et de faire des économies sur le fonctionnement. », souligne la ministres des Armées.
A noter que plus de 100 millions d’euros seront également réservés pour la réalisation d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance, et de drones au profit de la Marine nationale, des drones qui seront commandés directement à des PME, précise la ministre.
Le ministère va aussi anticiper la commande de deux EC-145 nouvelle génération au profit de la Sécurité civile pour un coût de 32 M€. Il s’agit de compenser partiellement la perte de 4 appareils à la suite d’accidents (notamment celui de 2019). Il va également anticiper la commande de dix EC-160 pour un coût total de 200 M€. Il s’agit de renouveler une partie des 26 AS-350 Ecureuils de la gendarmerie par des appareils plus polyvalents. Ce renouvellement s’inscrirait dans une politique de rationalisation de la flotte globale. « Ces 12 hélicoptères commandés préserveront l’équivalent de 640 emplois pendant 3 ans. »
« Nous avons pris l’engagement de faciliter et d’accélérer les paiements vers les grands maîtres d’œuvres. Et j’aimerais donc insister sur un point : chaque euro versé par le ministère des Armées doit être immédiatement répercuté vers la chaîne de sous-traitance. J’attends également de nos partenaires industriels qu’ils proposent des prix justes. L’heure n’est pas au profit, il est au maintien de l’emploi. Et j’y veillerai. », a déclaré Florence Parly, ministre des Armées.
C’est un fait, quand les milliards pleuvent, les premiers arrosés sont les plus gros. Les plus petits doivent souvent se contenter, au mieux, de gouttes. Il faut pourtant avoir conscience que les 100.000 emplois menacés se trouvent en majorité dans la supply chain et que les plus vulnérables des fournisseurs sont aussi les plus petits. Ceux-là sont utiles, même s’ils ne font pas de R&D et qu’ils ne sont donc pas concernés par l’essentiel de cette pluie de milliards.
Gil Roy
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Plan nécessaire mais quelque peu technocratique et "parisien": on veut surtout sauver notre commerce extérieur et notre compagnie nationale; les autres, comme les sous traitants attendront ...les restes.
Quant aux aéroports, nada! Etrange conception de la chaine économique: on fait un plan pour l'aéronautique et un pour le tourisme mais les aéroports qui sont au milieu sont oubliés!