A l’heure du tout numérique et de la simulation par ordinateur, les souffleries et les maquettes ont encore un rôle éminent à jouer pour préparer les aéronefs de demain. Le centre de l’ONERA de Lille abrite de nombreux moyens expérimentaux pluridisciplinaires dédiés à l’exploration de l’avion du futur. Militaire ou civil, c’est ici que prennent forme les programmes du SCAF ou du moteur Rise.
L’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) s’est engagé dans un programme de regroupement et de modernisation de ses sites. Son siège de Palaiseau, en région parisienne, et le site de Lille bénéficient en particulier de cette restructuration.
Dans ce cadre, l’ONERA a récemment inauguré le nouvel atelier maquettes à Lille, qui intègre désormais les machines d’usinage à commande numérique et les savoir-faire de l’ancien atelier de Meudon, en plus de l’atelier lillois pré-existant. L’atelier de Lille atteint désormais 1.500 m² et embauche 22 personnes sur près de 100 personnes que compte le site. L’atelier maquette, pluridisciplinaire, met en œuvre des systèmes de haute technologie. Il est directement lié au département de l’ONERA qui regroupe 9 grandes souffleries industrielles, en plus d’un réseau de souffleries de recherche.
Et les souffleries industrielles de l’ONERA ont plutôt le vent en poupe. Si leur activité a connu un creux entre 2010 et 2019, Bruno Sainjon, PDG de l’ONERA, avoue que depuis 2022, il est désormais difficile de trouver un créneau libre pour des tests. Il est alors logique et vital pour l’ONERA de moderniser ses souffleries et rationaliser les moyens d’essais.
Même si les ordinateurs et les modèles mathématiques semblent omniprésents pour préparer les avions de demain, les souffleries, dont certaines atteignent bientôt un âge vénérable proche du centenaire, ont encore, et pour longtemps, leur mot à dire. Mais si les anciennes souffleries sont encore utilisées, d’autres, plus modernes, ont été construites à proximité. Toutefois, les progrès technologiques sont peut-être les plus visibles dans les maquettes testées au cœur de ces souffleries.
Dès 1934, une première soufflerie horizontale est assemblée à Lille pour l’Institut de mécanique des fluides. 90 ans plus tard, autour de la soufflerie L1, le site, devenu un centre ONERA, s’est enrichi de plusieurs souffleries à basse et haute vitesse, complétées par une myriade d’installations et de bancs de tests. Toutes avec l’objectif de tester les aéronefs civils et militaires pour assurer la sécurité des passagers.
« En soufflerie, on va tester le comportement de maquettes dans des situations à la limite du domaine de vol, à incidence très forte, et même au-delà, par exemple en vrille établie. On va pouvoir explorer le résultat aérodynamique d’un braquage de gouvernes sans mettre en péril l’équipage. On va pouvoir explorer également le comportement d’un moteur, d’un véhicule spatial ou d’un avion de combat lorsque celui-ci tire un missile par exemple, des choses qu’on ne peut pas caractériser avec le simulation sur ordinateur » explique Marie-José Martinez, directrice des souffleries de l’ONERA.
A l’origine, les maquettes de soufflerie étaient faites de bois et de métal. Une fois le test terminé, il fallait mettre la soufflerie à l’arrêt, modifier la configuration de la maquette ou son placement dans la veine, puis remettre la soufflerie en route.
Aujourd’hui, dans l’atelier de Lille, les maquettes sont faites en composites, en aluminium ou en acier et peuvent également être réalisées par impression métallique 3D. L’atelier maquettes se compose de différents laboratoires spécialisés qui permettent de concevoir intégralement et sur mesure les ensembles qui seront testés dans les souffleries de l’ONERA.
Ainsi, les maquettes ont gagné en complexité. Certaines peuvent être motorisées pour faire bouger un stabilisateur ou un aileron, un train d’atterrissage… Dans un profil de quelques dizaines de millimètres, les techniciens de l’ONERA sont capables de faire passer toute l’électronique et la mécanique nécessaires pour actionner les maquettes. Elles intègrent aussi, et surtout, un élément qui fait la réputation mondiale de l’ONERA en la matière, la balance.
Conçues sur le site de l’ONERA à Châtillon, la balance est un dispositif qui prend la forme d’un tube de métal travaillé sur le site de Lille. Liée à la maquette, bardée de capteurs, elle permet de mesurer les forces exercées sur la maquette.
L’ONERA gère ainsi une dizaine de projets par an, que ce soient des aéronefs en cours de conception chez un industriel ou des concepts. Le projet de moteur open-rotor RISE de CFM, la pale Blue Pulse d’Airbus Helicopters, le Falcon 10X de Dassault et le SCAF sont des exemples de projets sur lesquels ont travaillé, et travaillent encore pour certains, les départements de l’ONERA.
« Les tests en souffleries sont pensés très en amont. Il faut un an de travail pour concevoir une maquette » explique Yoann Vernat, directeur souffleries ingénierie et maquettes de l’ONERA. « C’est un investissement important pour un industriel, qui représente parfois plusieurs centaines de milliers d’euros. Avec la diversité des souffleries de l’ONERA, on va pouvoir tester des objets de tailles très différentes. On peut ainsi tester une partie d’un aéronef, tout comme un avion complet dans la veine de 8 m de la soufflerie de Modane par exemple. En sachant que, plus on se rapproche de maquettes à l’échelle 1, plus on aura des résultats proches de la réalité. »
« Les souffleries sont anciennes » poursuit Yoann Vernat, « mais ce qui fait la différence, ce sont les moyens de mesure dont dispose l’ONERA. Pour être au plus près des attentes des industriels et des chercheurs, nous devons nous assurer que ces moyens devancent les ruptures technologiques. »
Dans cette optique, l’ONERA étudie actuellement l’implémentation de l’intelligence artificielle dans les moyens de mesure. Un véritable enjeu technologique pour l’agence française de recherches. « Avec l’IA, nous pouvons repenser la captation des données » confie, enthousiaste, Marie-José Martinez qui poursuit :« L’IA va nous permettre d’avoir accès à des quantités de données supplémentaires auxquelles nous n’avions pas accès jusqu’à présent ou pour lesquelles il fallait plus de temps en soufflerie. Par exemple, nous n’aurons plus besoin de déplacer les capteurs lors des tests, l’IA pourra reconstituer les données. »
« Dans les années 1990, certaines agences gouvernementales ont cru que le numérique et les calculs par ordinateur allaient remplacer les souffleries » explique Bruno Sainjon. « A l’ONERA, avec les industriels et les chercheurs, nous sommes convaincus que les souffleries ont encore de beaux jours devant elles pour accompagner l’aviation de demain et assurer la sécurité des passagers. »
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