Mitsubishi dévoile enfin son MRJ

Le 18 octobre 2014, Mitsubishi Aircraft Corporation a présenté, à Nagoya, le premier exemplaire de son MRJ (Mitsubishi Regional Jet). Avec quatre ans de retard sur son programme, l’avion de ligne japonais fait son apparition, sur un marché du biréacteur de transport régional concurrentiel. Premier vol prévu mi-2015

C’est avec 4 ans de retard sur le calendrier initial que le Mitsubishi MRJ devrait effectuer son premier vol, à la fin du deuxième trimestre de l’année prochaine. Sa mise au point a rencontré de nombreuses difficultés techniques, résultat du manque d’expérience de l’industriel japonais qui avait perdu la main. Le MRJ est en effet le premier avion civil lancé au Japon depuis le YS-11 qui remonte au début des années soixante, un 50/62 passagers qui avait connu ce qu’il est convenu d’appeler un succès d’estime, avec moins de 150 exemplaires produits. Mais il s’était heurté à la concurrence des Fokker F27, Avro 748 et autres Handley-Page Herald, sur un marché régional qui était beaucoup moins développé qu’il ne l’est aujourd’hui. Comme ses concurrents européens, il était propulsé par des Rolls-Royce Dart. Mitsubishi était l’un des six industriels qui s’étaient associés au sein d’un consortium appelé Namco, généreusement subventionné.

Le MRJ part sur des bases plus solides avec d’ores et déjà 191 commandes et 160 options. Deux clients de référence augurent bien de l’avenir, Japan Airlines (qui n’a encore signé qu’une lettre d’intention pour 32 exemplaires) et All-Nippon (15 appareils et 10 options).

Le retour de Mitsubishi Heavy Industries est inattendu. Après le YS-11, le Japon avait adopté une position très en retrait, préférant établir des partenariats avec Boeing (et jadis Douglas) plutôt que de tenter de rétablir un rôle plus ambitieux de maître d’œuvre. Aussi l’annonce du MRJ avait-elle constitué un coup de théâtre, d’autant qu’il était entendu d’entrée qu’en aucun cas Mitsubishi ne se risquerait à s’attaquer au duopole Airbus-Boeing. Deux versions de l’avion sont prévues, à 76 et 88 places et, à terme, un MRJ allongé à 100 places pourrait voir le jour. Les premières livraisons et l’entrée en service sont prévues pour 2017. La motorisation est confiée à Pratt & Whitney.

Le MRJ est confronté à des avionneurs solidement installés sur le même créneau, à commencer par Bombardier et Embraer, peu enclins à permettre à un nouveau venu de s’installer. Mitsubishi devra aussi compter avec Comac dont l’ARJ 21 a, lui aussi, connu de nombreuses difficultés mais serait à présent bon pour le service. Enfin, Sukhoi s’efforce d’enrichir le carnet de commandes du Superjet 100, avec le handicap que constitue l’évolution défavorable récente de la géopolitique qui rend une production russe peu attirante, malgré une forte participation italienne.

Quoi qu’il en soit, Mitsubishi ne pêche pas par modestie. Tout au contraire, les dirigeants de la société de Nagoya affichent de grandes ambitions, au point de viser 50 % d’un marché potentiel estimé à plus de 5.000 avions. Ils affichent des arguments solides, notamment des coûts d’exploitation compétitifs liés à la consommation spécifique très basse du moteur Pure Power PW1217G de Pratt et Whitney, et, sur un plan plus général, des performances intéressantes. De plus, une certaine forme de solidarité nationale est apparue, avec les décisions d’achat d’ANA et JAL qui, l’une et l’autre, prévoient d’exploiter le MRJ sur leurs lignes intérieures.

Pierre Sparaco