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Que vont devenir les avions Robin et Cap ?

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Gil Roy

Depuis la liquidation des sociétés Apex Aircraft et Apex Industries, en septembre 2008, la production des avions Robin et Cap est arrêtée, et pour les exploitants de DR400, Cap10 et autres modèles de ces deux gammes, il n’est plus possible de s’approvisionner en pièces de rechange. Issoire Aviation et Dyn’Aviation ont étudié, chacune de leur côté, un scénario concurrent de reprise, mais ces deux projets se sont heurtés à une réalité industrielle inattendue qui a transformé le dossier en un imbroglio juridique.

Pour sortir de l’impasse, la Fédération française aéronautique a cherché à médiatiser l’affaire ce qui a eu pour effet de mettre la pression sur le liquidateur judiciaire en charge du dossier Apex et sur les juges du Tribunal de commerce de Dijon sans pour autant, qu’une solution se fasse jour.

Mardi 23 décembre 2008, à 10h00, le Tribunal de commerce de Dijon réunit les candidats potentiels à la reprise, ainsi que tous ceux qui ont des intérêts dans l’affaire. L’objet de cette réunion est de faire le point sur le dossier et de fixer une nouvelle date limite pour les offres de reprise.

A l’attention des pilotes privés et des dirigeants d’aéro-clubs qui ont suivi cette affaire de loin et pour tous ceux qui auraient manqué un épisode, retour sur trois mois mouvementés à Darois…


La liquidation des sociétés Apex Aircraft et Apex Industries prononcée le 16 septembre 2008 avec une prolongation de l’activité jusqu’au 30 septembre 2008 a mis en évidence la complexité de l’organisation industrielle et commerciale imaginée par Guy Pellissier, le président de ces sociétés. On a découvert à cette occasion qu’Apex (Aircraft et Industries) ne possédaient pas les titres de propriétés que ce soient ceux des installations, de l’outil de production ou des plans des avions Robin auxquels sont liés les certificats de type.

Jusqu’à preuve de contraire, la propriété de l’ensemble appartient à CEAPR, une troisième société dirigée par Guy Pellissier et à travers laquelle, il a rapidement annoncé qu’il allait relancer la distribution des pièces de rechange, suspendue depuis fin juillet 2008.

Il a fallu plusieurs semaines pour commencer à comprendre comment était organisé le groupe industriel au sein duquel étaient produits les avions légers. Et c’est à ce moment-là que les repreneurs potentiels, Philippe Moniot (Issoire Aviation) et Christophe Robin (Dyn’Aéro) ont pris conscience que les structures sur lesquelles ils pouvaient faire des offres de reprise n’étaient pas les bonnes et que l’essentiel était entre les mains de Guy Pellissier. Reprendre Apex Aircraft et Apex Industries sans acheter les actifs de CEAPR n’avait évidemment aucun sens.

Et pendant ce temps, dans les ateliers de maintenance aéronautique, les pièces de rechange de Robin et de Cap commençaient à manquer. C’est à ce moment-là que le stock de pièces détachées d’Apex est devenu le nouveau centre d’intérêt de cette affaire.

Estimé à environ 3 millions d’euros, ce stock constituait un intérêt pour les éventuels repreneurs. Mais le problème est que ce stock était gagé par Guy Pellissier. Pour sauver son entreprise et assurer le salaire de ses 70 employés, le patron d’Apex a injecté dans son entreprise des fonds personnels. En contrepartie, il a obtenu des garanties.

Ce stock a suscité tous les commentaires et tous les fantasmes, jusqu’à ce que le liquidateur judiciaire décide de le faire visiter aux parties prenantes, afin que chacun puisse se faire son idée et le cas échéant faire une proposition de reprise. La visite du stock a eu lieu le 10 décembre 2008. Elle s’est révélée décevante.

Entre temps, la Fédération française aéronautique qui avait d’abord demandé à Guy Pellissier de « partir » et qui avait annoncé qu’elle était prête à investir jusqu’à 500.000 euros pour favoriser une reprise de l’activité, a porté l’affaire sur la place publique. Voyant que la situation était bloquée, la FFA a en effet adressé une lettre au président de la république et monté une campagne de presse qui ont eu pour effet de mettre une pression supplémentaire sur le liquidateur judiciaire et sur le Tribunal de commerce.

Cette double initiative fédérale a débouché sur une requête du juge-commissaire en charge du dossier visant à faire prendre en charge par CEAPR les indemnités de licenciement du personnel d’Apex. Cette action s’inscrivait dans le prolongement de celle menée conjointement, quelques jours plus tôt, par la FFA et l’aéro-club de Colmar destinée à élargir le périmètre de liquidation d’Apex à CEAPR. Dans les deux cas, l’objectif étant de contraindre Guy Pellissier de céder ses titres de propriété, d’une manière ou d’une autre.

Le 18 décembre 2008, le Tribunal de commerce de Dijon a condamné Ceapr à prendre en charge les indemnités de licenciement du personnel d’Apex. Guy Pellissier a aussitôt fait appel auprès de la Cour d’Appel de Dijon. Le 27 janvier 2008, le Tribunal de commerce doit dire s’il étend ou non la liquidation des sociétés Apex à Ceapr. En toute logique, si la réponse est positive, un appel est probable. En résumé, l’affaire est loin du dénouement judiciaire…

Face à l’enlisement du dossier, certains ont parfois pu déplorer le formalisme de la procédure judiciaire et en particulier de la multiplication des délibérés et des renvois. La passion ne doit pas faire oublier que nous vivons dans un état de droit et que ce formalisme est d’une certaine manière une garantie pour les justiciables.

Quoi qu’il en soit, face à un tel imbroglio, les éventuels candidats à la reprise du constructeur aéronautique dijonnais ont été découragés. Hormis la proposition de Christophe Robin portant sur la reprise des certificats de type des avions de voltige Cap et de deux avions prêts à livrer, le liquidateur judiciaire n’a officiellement enregistré aucune autre proposition.

Philippe Moniot est venu à Darois le 12 novembre 2008 présenter aux ex-salariés d’Apex sa proposition de relance de la construction du DR400 et de remise en marche du service de distribution des pièces de rechange. Il a insisté sur le fait que ce projet deviendrait une proposition officielle que si l’affaire était réglée, du point de vue juridique, avant le 31 décembre 2008. Il était évidemment hors de question pour lui d’éponger le passif. Il voulait repartir sur des bases saines.

Vu l’évolution du dossier, le patron d’Issoire Aviation a progressivement senti que la reprise devenait de plus en plus hasardeuse. Malgré tout, prisonnier de la parole qu’il avait donnée aux salariés, il n’a pas voulu renoncer sans attendre la dernière chance. Il a vécu plusieurs semaines de doute partagé entre l’abandon de son projet et l’envie de faire d’Apex un centre de production d’où seraient sortis non seulement des DR400, mais également ses propres avions en composites (Lionceau, Lion et Simba).

De son côté, Christophe Robin porteur d’un projet de reprise comparable n’a pas attendu le dénouement de l’affaire pour s’engager. Dès octobre 2008, il a commencé à mettre sur pied une structure dans le but de fournir, à partir de mi-janvier, des pièces de rechange originales pour avions Robin et Cap. Il a embauché trois anciens salariés d’Apex.

Cette affaire Apex s’est déclenchée au moment où la saison aéronautique touchait à sa fin. Les aéro-clubs et les pilotes n’ont pas été spécialement affectés. L’activité baissant, peu d’avions ont été affectés par la pénurie de pièces détachées. Les pilotes et les dirigeants associations ont été d’autant moins inquiétés que la DGAC est parvenue, jusque-là, à convaincre l’EASA de ne pas suspendre les certificats de navigabilité des avions. Ce sera chose faite le 1er janvier 2009, à moins qu’une solution de sortie de crise se fasse jour.

Vous voilà informé pour suivre les prochains épisodes du dossier Apex et vous faire votre propre idée de l’évolution de l’affaire. Quant au dénouement, il serait hasardeux d’imaginer le moindre scénario. Nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau rebondissement avec qui sait, pourquoi pas l’entrée en scène, d’un protagoniste inattendu, en la personne d’un troisième repreneur potentiel.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Que vont devenir les avions Robin et Cap ?
    C'est dommage que la production de DR 400 touche à sa fin.

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