La certification du COMAC C919, l’abandon de tout nouveau projet chez Boeing, le changement de posture de la FAA, la consolidation de la filière française, la création d’Airbus Atlantic et la confirmation de la montée en cadence pour l’Airbus A320 : pour Guillaume Hue, associé chez Archery Strategy Consulting, 2022 a vu des tendances majeures se dessiner.
La certification du COMAC C919 en Chine par la CAAC – l’équivalent de l’Agence de l’Union Européenne de la Sécurité Aérienne, EASA – en septembre était un événement attendu. Cette étape intervient six ans plus tard que prévu par le constructeur mais il l’a bel et bien franchie. « Nous savons que le C919 ne fera pas un concurrent de poids pour l’A320 et le Boeing 737 MAX », note Guillaume Hue. « Mais il prouve la capacité de l’industrie chinoise à certifier un avion. » Les Chinois ont ainsi beaucoup appris. « Le programme C919 leur permettra, quand ils concevront son successeur, d’arriver en 2030-2035 à un avion certifiable par l’EASA et la FAA américaine, en même temps que ses concurrents occidentaux », estime Guillaume Hue. Certifier le C919 en Europe et aux Etats-Unis ne serait pas impossible mais prendrait cinq à dix ans, si l’on pense au niveau toujours plus élevé d’exigence de l’EASA et de la FAA, estime notre interlocuteur.
Le projet Boeing NMA abandonné. « L’abandon du NMA, un avion qui se serait situé en milieu de marché, laisse l’Airbus A321 LR/XLR seul sur ce segment », souligne Guillaume Hue. Boeing a décidé de se reconcentrer sur ses programmes 737 MAX et 777X. Quoi qu’il en soit, un successeur du 737 qui entrerait en service en 2035 serait conçu à partir d’une feuille blanche. « Les ingénieurs doivent viser un lancement en 2027-2028, c’est un défi considérable », poursuit le consultant.
Le changement de posture de la FAA vis-à-vis de Boeing. Le cadre règlementaire en vigueur implique que tout nouvel avion certifié possède un système EICAS de surveillance des moteurs et d’alerte de l’équipage, l’équivalent de l’ECAM chez Airbus. « De quoi induire de grands changements chez Boeing, dont le 737 MAX ne possède pas d’EICAS », rappelle Guillaume Hue. Boeing menace ainsi d’abandonner la certification du 737-10. Le jeu n’en vaudrait pas la chandelle : la famille 737 perdrait en communité pour la formation des pilotes. « Le Sénat américain tente de mettre de l’huile dans les rouages afin de satisfaire Boeing et la FAA… Mais cette dernière ne cherche pas à simplifier la vie de Boeing », souligne l’expert d’Archery Consulting.
La consolidation de la filière aéronautique française. Enfin ! 2022 a marqué une accélération dans ce mouvement tant espéré par Airbus, Safran et les autres donneurs d’ordre hexagonaux. Mecachrome, Nexteam, Latécoère… les fournisseurs ont procédé à des rapprochements. Les grands noms de l’industrie attendaient ces naissances de fournisseurs de rang 1 solides. Il s’agit d’améliorer leur résilience face aux crises, indique Guillaume Hue. « A terme, il faudra être capable d’investir aux côtés d’Airbus dans ses programmes », ajoute-t-il. « La filière le faisait déjà mais de manière limitée, proportionnelle à la taille de l’entreprise. » Ayant atteint la taille critique, ces fournisseurs pourront aussi conduire de front des investissements liés à des programmes Airbus et Boeing.
La création d’Airbus Atlantic. Regrouper les activités de Stelia et celles d’usines Airbus confirme la volonté de l’avionneur de positionner les aérostructures au cœur de sa stratégie. « C’est en quelque sorte la création d’un grand fournisseur intégré, capable d’accompagner les nouveaux programmes », estime Guillaume Hue. Les aérostructures verront leur importance accrue avec l’arrivée de nouvelles technologies.
La confirmation de la montée en cadence pour la famille A320. Airbus vise toujours, malgré les difficultés de ses fournisseurs, la fabrication de 75 avions de la famille A320 par mois en 2025. Certes, l’étape des 65 avions par mois est légèrement reportée mais l’objectif de 75 demeure. « Cette ambition implique des investissements de la part des fournisseurs », note Guillaume Hue. « La vraie question, au vu de leurs difficultés actuelles, c’est comment vont-ils pouvoir suivre ? ».
Propos recueillis par Thierry Dubois
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