Sur l’aéroport de Tarbes, Tarmac Aerosave fête cet automne son dixième anniversaire. L’idée de départ qui tournait autour du stockage et du démantèlement des avions de ligne a donné naissance à un spécialiste du MRO (maintenance et réparation) et ouvert la voie au recyclage des matériaux composites, plus particulièrement de la fibre de carbone. L’avenir de Tarmac Aerosave, devenu N°1 européen sur son créneau, passe, également, depuis peu par le nouveau moteur Leap de Safran… Tarbes c’est en peu Mojave 4.0 !
A l’origine de Tarmac Aerosave, il y a le projet Pamela-Life et la rencontre de deux industriels. D’un côté Airbus, de l’autre Suez. Un constructeur d’avion et un spécialiste du traitement des déchets de production. « Nous avons eu l’idée quasiment en même temps », explique Jean-Luc Taupiac, directeur environnement d’Airbus. « A l’époque, nous voyions arriver nos premiers avions en fin de vie, et Suez, pour sa part, cherchait à s’impliquer dans le développement durable ». C’est ainsi qu’est né le projet Pamela-Life qui avait pour but de tester des procédures de déconstruction et de valorisation de pièces ou des matériaux d’aéronefs en fin de vie.
« Nous avons acheté un vieil A300 sans moteur afin de réaliser des essais », explique Jean-Luc Taupiac. Le démantèlement des avions de ligne s’apparentait alors plus à la casse qu’au recyclage. « Nous avons cherché à savoir si il y avait un modèle économique à démonter de manière plus propre les avions ». En parallèle des essais sur l’A300, une étude de marché a été réalisée.
Et finalement, au salon du Bourget 2007, Tarmac Aerosave a été porté sur les fonts baptismaux. Aux côtés d’Airbus et de Suez qui apportaient chacun un tiers du capital, les autres parrains de la nouvelle société étaient alors Safran, Equip’Aero et Aeroconseil. Depuis Safran a acquis les parts d’Equip’Aero et d’Aeroconseil, et pèse désormais, lui aussi un tiers du capital. Outre le fait que les objectifs environnementaux soient en effet au cœur de la stratégie de Safran, « il existe des complémentarités et des synergies entre nos activités de maintenances moteurs et celles de Tarmac », précise François Planaud, directeur Services & Réparations Safran Aircraft Engines.
Au début des années 2000, le développement ne pouvait être que durable. C’était le mot d’ordre dans l’industrie. « Nous voulions aussi savoir comment nos avions vieillissaient », explique le directeur environnement du constructeur. « Certes, nous le savions par la maintenance, mais entrer dans la matière c’est mieux ! »
Tarmac Aerosave n’avait évidemment pas vocation à devenir un laboratoire pour Airbus, pas plus que pour les autres partenaires du projet qui se rendent rapidement compte que le démantèlement était un marché étroit. Pour attirer des clients, il fallait une offre plus large, notamment orientée vers la maintenance en ligne, de manière à développer l’activité stockage.
Il faut stocker un avion qui arrive en fin de vie, avant qu’il soit démantelé. Une évidence et un créneau. Mais, dans les faits, l’activité est ailleurs et le plus souvent, le stockage est temporaire. Sur 480 avions traités en dix ans par Tarmac Aerosave, 125 seulement ont été démantelés.
Les raisons pour lesquelles un opérateur ou un propriétaire décide de retirer temporairement du service un avion de ligne sont multiples. Les plus récurrentes sont liées à une baisse d’activité en basse saison, à des difficultés de la compagnie qui l’exploite, à la restitution à son propriétaire qui va devoir le stocker en attente d’un nouvel opérateur, ou encore à sa revente sur le marché de l’occasion. « En général, quand un client nous confie un avion en stockage, il espère le faire repartir. Mais plus l’avion reste longtemps, moins il a de chance de repartir », explique Philippe Fournadet, président de Tarmac Aerosave.
Dans les faits, le démantèlement représente aujourd’hui entre 20 et 25% de l’activité de la société, alors qu’initialement il était sensé constituer l’essentiel. Rapidement, les actionnaires ont vu que les gisements de profits étaient ailleurs, parce que la demande était plus polymorphe.
Les loueurs d’avions pèsent pour moitié dans les carnets de commandes des constructeurs aéronautiques. Autrement dit, au cours de sa vie, un avion de ligne est appelé à changer plusieurs fois d’opérateurs, et donc à voler sous des couleurs différentes. « Les loueurs représentent 80% de nos clients en stockage et maintenance », précise Philippe Fournadet.
Lorsqu’un loueur récupère un avion, il doit le stocker en attendant de trouver un nouveau client. C’est là qu’intervient Tarmac Aerosave. L’appareil est pris en compte sur le plan documentaire et technique. Une immatriculation temporaire lui est attribuée. Pendant tout le temps de son arrêt, un programme d’entretien spécifique lui est appliqué et les moteurs sont régulièrement mis en marche.
« En vue du départ de l’avion nous devons nous assurer de sa navigabilité. Nous sommes en mesure d’intervenir sur la cellule, les moteurs ou encore l’avionique », précise le président de Tarmac Aerosave. La société détient les agréments EASA et FAA Part-145. Elle est aussi agréée Part-147, ce qui en fait un organisme de formation à la maintenance sur l’ensemble de ses sites.
Cela lui permet de dispenser des qualifications de type pour les familles Airbus A320, A330, A340 et Boeing B737-6/7/8/9, ainsi que les formations obligatoires réglementaires. Tarmac Aerosave est en effet habilité pour intervenir, non seulement sur les Airbus, mais aussi sur les Boeing, ATR, Bombardier ou encore Embraer.
Un atelier moteurs prend également en charge le démantèlement ou la réparation des moteurs CFM56. « Safran Aircraft Engines a accompagné Tarmac Aerosave dans la création d’un atelier flexible de maintenance moteurs, qui permet d’effectuer des interventions légères (Top case, BSI, Préservation) sur la famille de moteurs CFM56.
Cet atelier a été certifié Part-145 en janvier 2017, ce qui prouve la qualité du travail accompli ici et souligne l’expertise acquise par Tarmac à nos côtés », insiste François Planaud, directeur Services & Réparations Safran Aircraft Engines. « Cet atelier moteur sert aussi au démantèlement à des conditions compétitives de moteurs ». Safran Aircraft Engines a confié à Tarmac 11 moteurs CFM56-5A et un moteur CFM56-5B. Cinq avions liés aux acquisitions de Safran Aircraft Engines ont aussi été démontés.
La société possède l’agrément EN-9120 relatif à la fourniture et l’import-export de pièces avions et moteurs, avec tous les supports logistiques associés. « Tarmac Aerosave prend ainsi en charge l’ensemble des besoins au sol tout au long de la vie de l’aéronef et se positionne comme le partenaire incontournable des opérateurs d’aviation commerciale », revendique Philippe Fournadet. C’est le principe du « one-stop shop » : tous les services réunis en un même endroit. Et cela va jusqu’à la « customisation ».
En effet, la remise en service d’un avion de ligne sous les couleurs d’une nouvelle compagnie implique, non seulement, une remise à niveau réglementaire, mais également le réaménagement de la cabine au standard du moment, notamment en ce qui concerne les sièges en fonction des différentes classes, l’éclairage ou encore les divertissements (IFE). Tarmac Aerospace est en capacité de réaliser ces chantiers.
Pour l’heure, seule la peinture est sous-traitée à l’extérieur. Le projet de construction de cabine de peinture est en sommeil à cause d’un blocage administratif. Les trois actionnaires espèrent que ce dixième anniversaire pourra faire prendre conscience à l’administration de la réalité de Tarmac Aerosave qui a basculé de la réglementation aéronautique dans celle de l’environnement.
C’est un fait quand on a la chance de franchir le portail de Tramac Aerosave, sur l’aéroport de Tarbes, on entre dans un site moderne, parfaitement ordonnancé. Le premier avion, un A319, y est arrivé en 2009. Avec la mise en service récente d’un nouveau hangar logistique de 8.500 m2, la capacité de stockage a été portée à 15.000 m2. Des extensions de parkings avions pouvant accueillir les A380 et un second hangar très gros porteurs seront terminés fin 2017. Un nouveau hangar très gros porteurs est attendu pour 2018.
Tarmac Aerosave s’est étendu de l’autre côté des Pyrénées, à Teruel. « A terme, Tarmac Aerosave disposera sur ces deux sites de quatre hangars capables d’accueillir de très gros porteurs, un hangar moyens porteurs, 15.000 m2 de hangars logistique et des parkings avions pouvant recevoir plus de 250 gros porteurs », résume Philippe Fournadet. En 2018, l’industriel débutera ses activités, en région toulousaine, sur le site aéroportuaire de Francazal où il disposera de parkings avions et d’un hangar pouvant accueillir jusqu’à deux A320 ou quatre avions régionaux. Tarmac Aerosave prévoit d’ores et déjà de nouvelles implantations géographiques.
« Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La flotte mondiale des avions de ligne doit doubler sur les 20 ans à venir. 15.000 avions vont être retirés du service et devront être démantelés. Leur valeur va décroître plus rapidement. Pour des raisons de coût de convoyage, les centres de démantèlement devront être proches », explique le directeur de Tarmac Aerosave. « Le savoir-faire de Tarmac Aerosave ne demande qu’à s’exporter » déclare Jean-Luc Taupiac, directeur environnement d’Airbus qui regarde du côté de l’Amérique centrale et de l’Asie. « L’enjeu pour les années à venir est d’optimiser le procédé de déconstruction et d’être de plus en plus innovant ».
A Tarbes, Tarmac Aerosave a conçu et mis au point un portique de découpe à câble diamanté unique au monde, équipé d’un dispositif d’arrosage évitant les émanations de poussières. Il est utilisé pour désolidariser les tronçons et les grosses pièces de la cellule. « Du statut d’avion à celui de déchet, le cycle de démantèlement met en œuvre des procédés de pointe tout en assurant la traçabilité des pièces. Ce suivi peut aller jusqu’à la recertification de certaines pièces », souligne Philippe Fournadet. « En juillet 2007, à la création de Tarmac Aerosave, l’objectif était de démontrer que, d’ici à 2015, 85 % de la masse d’un avion pourrait être réutilisée, valorisée en toute sécurité. Dix ans plus tard, nous atteignons un taux de valorisation de plus de 90% ».
« Au-delà de 95%, il faut être en capacité de recycler la fibre de carbone », précise Nicolas Bequaert, directeur général du recyclage chez Suez. « Nous avons mis au point un procédé qui permet de récupérer ces fibres de carbone qui peuvent mesurer de 2 à 3 mètres de long et de les démêler pour les réutiliser ». L’industrie automobile utilise des fibres recyclées dans ses pare-chocs. La poudre de fibre de carbone peut également être réintégrée dans divers types de matériaux.
« Nous avons réalisé un premier test. Nous venons de produire 50 kg afin de démontrer que le procédé fonctionnait. En 2018, nous allons passer en phase industrielle avec 25 à 50 tonnes par an. La demande de l’industrie automobile est de l’ordre de 500 tonnes par an ». Pour l’heure, les avions démantelés ne comportent encore qu’une faible proportion de matériaux composites.
Cette proportion est appelée à croître dans les années à venir, avec l’arrivée en fin de vie d’avions de générations plus récentes. 1,3 tonne de matériaux à recycler donne une tonne de fibre de carbone. La fibre de carbone recyclée se vend actuellement entre 10 et 15 €/kg, soit cinq fois le prix de l’aluminium recyclé. Ce prix et les volumes escomptés justifient les investissements en recherche et développement et en infrastructures.
« La difficulté dans le recyclage est d’avoir une demande en aval pour le matériau à recycler. Pour la fibre de carbone, la demande existe », affirme-t-on du côté de Suez qui estime que Tarmac Aerosave sera un des principaux gisements.
Au moment de la fermeture des ateliers du GIAT à Tarbes, avec le préfet de l’époque, en charge de la revitalisation industrielle de la région tarbaise, plus pistes avaient été évoquées. Un moment, il a été envisagé une unité de maintenance dédiée aux A400M. Avec le recul, Tarmac Aerosave s’avère une réussite. « En ayant développé deux activités complémentaire de stockage et démantèlement des avions en une même entité juridique, nous sommes devenu un apporteur de solution en Europe aussi bien pour la gestion des aéronefs arrêtés temporairement que pour la gestion de leur fin de vie », résume Philippe Fournadet.
Et comme un clin d’œil à l’Histoire, en 2016, la société s’est vue confier la déconstruction des Transall et Nord 262, qui implique la mise en place d’une unité mobile de découpe des fuselages de ces avions (Installation classée pour la protection de l’environnement) sur la base de Châteaudun. Elle a également décroché le marché du démantèlement des avions de la Direction Générale de l’Armement sur les bases de Cazaux et d’Istres.
Pour Tarmac Aerosave, l’avenir c’est aussi le nouveau moteur Leap développé par Safran et qui équipe les avions monocouloirs de nouvelle génération. Safran Aircraft Engines a récemment signé un accord avec la société de Tarbes dans le cadre de la mise en place des capacités de support et de maintenance du Leap, afin de soutenir les opérations de ses clients. « Dans ce cadre, l’objectif est de permettre à Tarmac d’effectuer, à terme, des changements de moteurs sous aile chez nos clients, et de réaliser certaines opérations de maintenance sur le Leap », précise le directeur Services & Réparations Safran Aircraft Engines.
En 2007, les porteurs du projet ne l’avaient pas non plus imaginé.
Gil Roy
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Pourquoi ne pas reconvertir certains de ces avions ayant encore du potentiel en bombardier d'eau comme cela se fait au Etats-Unis ? notre flotte de Canadairs est
à bout de souffle et ce n'est pas les Dash commandés qui vont pouvoir faire le boulot
d'autant plus que les Trackers eux aussi sont au bout du rouleau ?
Parce que la topographie nord-américaine n'a rien à voir avec le Massif de l'Esterel (exemple) et que les conditions de prévention/attaque du feu sont aussi différentes sur les 2 continents. Les plus petits modules type BaE-146 pourraient peut être faire l'affaire mais pas du DC-10 ou du B747...