Faire du neuf avec du vieux, c’est un peu le défi que s’est lancé l’Aéro-club de Megève en restaurant de A à Z un Jodel Mousquetaire hors d’âge et en l’équipant des dernières technologies de radionavigation. Aerobuzz.fr a pu essayer en avant première ce quadriplace atypique. Comment Papy fait-il de la résistance… numérique ?
L’opération a démarré par un constat de la quasi immortalité du Mousquetaire D140 en montagne. Aucun appareil n’égale ses performances aérodynamiques et, capable d’emporter son propre poids en plaine (675 kg à vide, 1.200 kg en marche), il reste très efficace sur un glacier même à 12.000 pieds avec deux voire trois personnes à bord. Faute de trouver un remplaçant à ce bientôt sexagénaire – le premier vol date de 1958 – l’équipe de Megève décide de prolonger et de rénover les machines existantes, mais aussi d’en reconstruire. Le dernier des 195 appareils industriels a été produit en 1968 par la SAN (société aéronautique normande).
Pour cela, a été acquise il y a dix-sept ans une cellule avec son aile en Allemagne, épave d’un Mousquetaire qui avait été un remorqueur de planeurs. Jacques Brun, chef-pilote de l’Aéro-club de Megève, s’intéressait alors aux solutions possibles de remotorisation du Mousquetaire. Sur le marché à l’époque, aucun moteur thermique moderne à essence ou diesel n’était proposé. Le choix de la turbine a été envisagé mais restait d’avant-garde, même s’il est vraisemblable qu’elle arrivera un jour sous le capot d’un Mousquetaire. Donc, pas d’autre solution que le quatre cylindres Lycoming O-360-A4M de 180 ch. (134 kW) dont la conception date du début des années cinquante.
Notre épave est donc restée au fond du hangar quelque temps et la procédure administrative pour la reconstruction en CNRA n’a été lancée qu’en 1996. La DGAC a donné son feu vert à cette opération qui, outre une réfection de la menuiserie, un réentoilage, comporte de grosses modifications avec une verrière panoramique de type Abeille, de petits volets, une profondeur en deux parties, etc. empruntant en quelques sortes des éléments aux différentes variantes du Mousquetaire.
Au total, la reconstruction prendra quatre ans, réalisée à temps perdu par l’équipe de mécaniciens de l’atelier de Megève (un responsable technique, un mécanicien, un apprenti). Cette structure est totalement autonome, réalisant les travaux sur bois, toile, composite, moteur, électricité, soudure, etc.
Ce nouveau Mousquetaire, étant dédié au voyage l’été, ne sera pas équipé de skis. En revanche, l’avionique dernière née a été retenue. La planche de bord sera numérique, un choix qui présente de multiples avantages. L’avion étant CNRA (immatriculé F-PJMB), il est possible d’installer des instruments non certifiés, issus par exemple des fournisseurs de l’ULM. Le choix s’est porté sur un Dynon FlyDEK-D180 associé à un GPS KMD 150 Bendix/King. Les deux écrans sont sensiblement de la même taille (20 x 20 cm). Ce modèle de GPS est, certes, en retrait par rapport aux possibilités d’un Garmin 430/530 qui offre com et nav/ILS, mais le prix n’est pas le même. Au total, le budget avionique est de l’ordre de 12.000 euros, y compris une VHF SL40 Garmin, un transpondeur mode S GTX330 Garmin, une balise de détresse 406 MHz ELT ME406 Artex, un intercom et un badin de secours.
Avec des instruments classiques (badin, altimètre, variomètre, horizon, compte-tours, indicateurs de pression, température d’huile, de cylindres et d’échappement, voltmètre, « le budget aurait été trois fois plus élevé », souligne Bruno Muller, directeur du club. « Le poids aurait été beaucoup plus important », alors que le Dynon FlyDEK-D180 ne pèse que 1,6 kg, batterie de secours comprise. La consommation est de l’ordre d’un ampère. Un tel équipement n’est toutefois pas encore envisageable sur les Mousquetaire à skis volant l’hiver car l’affichage TFT de l’écran est très paresseux par -25°C, température courante sur un glacier. Le problème est d’ailleurs le même pour les Airbus A320 d’Air France qui passent la nuit à Moscou. Le cockpit doit être préchauffé une demi-heure avant d’être opérationnel.
Cette numérisation d’un Mousquetaire n’aurait pu être réalisée sans l’aide d’un des membres du club, ingénieur en électronique, qui a conçu le câblage reliant toutes les sondes et capteurs aux instruments. Les harnais électriques ont été entièrement testés au sol. Un autre pilote, informaticien, s’est passionné pour le paramétrage de l’EFIS.
A bord, le dépouillement et la lisibilité de la planche de bord surprennent. La cabine, en général, ressemble à un des derniers produits de l’industrie. Les sièges, presque futuristes, moulés en composite, sont enfin réglables à l’avant et les passagers disposent d’une ceinture trois points. Des innovations apportées par le régime CNRA impossible à transposer sur des avions de série, même si la sécurité y gagne…
La prise en main de l’avionique est simple et relativement intuitive. Avec le contact général sur On, l’écran du D180 s’allume et affiche la page que nous appellerons « moteur » : compte-tours, pression et température d’huile, tension batterie et consommation électrique, température extérieure, pression d’essence, jauge des deux réservoirs, température et échappement des quatre cylindres, température du carburateur. Le paramétrage des données à afficher par le D180 n’est pas complètement terminé. Ainsi, la pression d’admission présente peu d’intérêt sur un groupe motopropulseur à hélice à pas fixe. De même, la tension de la batterie, la pression d’essence et la température du carburateur sont affichées à deux reprises. Des réglages restent nécessaires. La modification du paramétrage est simple en connectant un portable PC équipé de l’application Dynon.
Après la mise en route classique du moteur du Mousquetaire, la ligne « alarme basse pression d’huile » s’efface tandis que le voyant rouge classique sur la planche de bord s’éteint. Un master switch serait souhaitable car il faut ensuite allumer successivement la VHF, le transpondeur et le GPS.
Dès que tout est dans le vert, un changement de page (une pression sur le bouton le plus à droite de l’écran) donne accès à celle conseillée pour le décollage. On n’est plus en présence d’une pleine page affichée mais d’un rapport 2/3 et 1/3. A gauche, on trouve la partie supérieure du T d’une planche traditionnelle. En version numérique, la page au format 2/3 affiche l’horizon encadré par le badin et l’altimètre. Le 1/3 restant est consacré à un résumé des informations moteur, celles qu’on aime bien surveiller attentivement au décollage. A la mise en puissance, inutile de balayer tout l’écran des yeux. Judicieusement, le nombre de tours est rappelé juste à côté de la vitesse air. Mais la navigation à venir n’est pas ignorée pour autant : il est possible de régler la pinnule sur le premier cap à prendre, pour mémo. Celle-ci commanderait éventuellement un pilote automatique prévu en option. Puis, en sortie de circuit, on peut jeter un coup d’œil aux « systèmes » du Mousquetaire avec la page suivante.
Sur celle qui sera préférée en croisière, apparaît en partie droite un HSI affichant en magenta les informations venues du GPS. Nouvelle pression sur une des deux touches les plus extérieures pour afficher une page avec le carburant et faire un bilan de la consommation. Un retour à la page consacrée aux paramètres moteur permet de régler la richesse de manière très, voire trop, fine et de surveiller les températures.
Globalement, l’ergonomie du Dynon FlyDEK-D180 est très satisfaisante, beaucoup plus que cette usine à gaz qu’est le système Garmin 1000. En résumé, il faut penser à changer de page à chaque changement de phase de vol. Cela en appuyant simplement sur une touche (ou en réappuyant autant de fois que nécessaire sur la même touche en cas d’erreur). On ne peut pas se perdre dans l’arborescence des menus.
L’accès aux sous-menus est également très simple. Il se fait par les trois touches sous la partie 2/3 de la page et par la touche unique située sous le tiers de page restant.
Outre le pilote automatique, parmi les options possibles, un indicateur d’incidence est prévu à condition d’équiper l’avion de la sonde Pitot ad hoc.
L’avionique du F-PJMB n’autorise que le vol VFR. En cas de panne du D180, quatre instruments de secours sont prévus. Central, le compas magnétique classique est très lisible. L’altitude en secours est donnée par le transpondeur mode S (à 100 pieds près) tandis qu’un badin et une bille conventionnels sont situés sur la partie inférieure gauche de la planche de bord.
La prise en main de cette avionique ne pose donc pas de problème majeur et s’avère nettement plus conviviale que l’Avidyne du Cirrus et surtout que le Garmin 1000. L’aéro-club de Megève prévoit de délivrer l’habilitation « glass cockpit » aux pilotes qui ne l’ont pas déjà, après une formation théorique à partir du manuel Dynon téléchargeable sur internet puis pratique en vol pour contrôler les acquis.
Une autre bonne surprise attend les pilotes sur ce Mousquetaire nouveau. L’hélice n’est plus une Sensenich bipale mais une Duc à cinq pales en composite. Cette hélice Flair 1600 venue de l’ULM offre un diamètre de 1,86 mètre inférieur au 1,93 mètre de la Sensenich. Après avoir un peu tâtonné pour obtenir le bon pas, réglable uniquement au sol, un excellent rendement a été trouvé permettant à la fois d’obtenir 2.500 tours/minute au décollage et une vitesse de 125 nœuds en croisière. Et ceci avec un bruit au sol considérablement réduit. En vol, cette hélice, conçue dans le cadre d’un programme d’études de l’Onera, donne au moteur une souplesse inconnue, notamment dans les phases de réduction de puissance où elle donne l’impression d’être régulée. Elle sera utilisée cet hiver sur un avion volant sur glacier.
Thierry Vigoureux
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Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
est-il possible de faire le point de ces trois années d' utilisation, combien d' heures, pourquoi une profondeur en deux parties ,
Thierry Vigoureux pourrait peut être se charger de faire le C.R. de ces trois années, et de donner les précisions demandées
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
trois ans après ,( en CDN, c'est une G.V. ) qu'en est-il ? est-il possible de faire le point , les pour et les contre ?
il semblerait que l' helice ait ete remplacée, ce qui n'est pas une surprise, cela a fait partie du débat sur l' onera
accoutumance vis à vis du tableau de bord ? etc...
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
Pour vous écrire c'est compliqué. mon message s'est annulé. Je voulais savoir si le palonnier est maintenant réglable. A mon époque il ne l'était pas, alors que j'ai les pattes courtes (1,58m). Pas facile par vent de travers. Mon mousquetaire était F-BIZK dans les années 1964. Aujourd'hui j'ai 84 ans. Sympathie et bon courage à tous.
Maurice Dorléans.
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
Bravo a l'équipe et a bientôt pour faire un vol avec
A+
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
Bonjour , trés belle réussite aéronautique !! Un bel oiseau paré de ses plus belles inovations ... Bravo pour cette reussite ! Etant également fan de cet Avion et en cours de réalisation d'un mousse 4 qui prevoit quelques innovations du méme type ( glass cockpit / siéges speciaux / aménagements des commandes puissance-trim / type moteur /etc ...) , serait-il possible de voir de plus prèt cette monture pour en détailler certains aspects techniques et echanger sur les quelques points de conception ?? par avance merci
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
Bruno
quand est- ce que tu m'emmènes dans ton '' nouveau jouet ''
déjà par FHU maintenant par MST.
et gros bisous à tous BAI BAI.
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
a quand un Mouss tricycle avec frein a l'avant ! et pourquoi pas un THILERT
C'est une machine magnifique et fiable a l'origine !un peu desuet dans notre monde moderne !
salutation a l'equipe de megeve
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
Merci à toute l"équipe pour rajeunir ce bon vieux D 140 que tous les I.T.V militaires connaissent et apprécient notament ceux du grand C.V.A. de Romorantin.
alamo
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
Bonjour,
Super boulot,
par contre, il me semble que l'hélice fait 1.68 m de diamètre (et pas 1.86) ce qui est une des raisons du la diminution du bruit !
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
Bruno,
Quand est-ce que tu m'emmènes dans ton "nouveau jouet"?
Un D-140 Mousquetaire glasscockpit sur l'altiport de Megève
Bruno
moi aussi j 'en veu du mouss à écrans comme le FHU
signé MST