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Industrie

Wright sur la piste de la pile aluminium-air

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Fabrice Morlon

La start-up nord-américaine Wright Electric ambitionne de commercialiser en 2030 un avion de 100 places zéro-carbone, le Wright 1. La start-up a procédé aux premiers tests de son moteur de 2 MW qui devrait dans un premier temps équiper un BAe 146. Dans son projet, Wright ouvre la discussion avec la communauté aéronautique pour recueillir son avis sur deux procédés de stockage d’énergie.

Et si la solution pour l’avion électrique de demain passait par l’aluminium ? Face à de nombreux projets mettant en œuvre des piles à combustibles à hydrogène, la start-up Wright Electric se pose la question d’une pile aluminium-air.

Si elle n’écarte pas l’hydrogène, elle lance toutefois un appel à la communauté aéronautique internationale pour l’aider à trancher et à faire le choix final de la technologie qui embarquera à bord de son futur monocouloir d’ici 5 ans.

Wright a débuté les essais de son moteur au sol en septembre 2021. © Wright Electric

Wright Electric développe actuellement un système de propulsion basé autour d’un moteur de 2 MW (environ 2.700 hp) et 10 kW/kg de puissance spécifique, d’un convertisseur et d’un système de gestion thermique. La start-up nord-américaine, créée il y a cinq ans seulement, a su s’entourer de partenaires institutionnels et militaires prestigieux avec la Nasa, l’US Army, l’US Air Froce ou encore easyJet ou Viva Aerobus côté compagnies aériennes.

Le premier objectif de la start-up est de retrofiter un BAe 146 avec son système de propulsion.

L’avion, baptisé « Wright Spirit », devrait être en mesure de voler une heure et d’emporter 100 passagers, soit entre 10 et 20 passagers de moins, en comparaison d’une motorisation traditionnelle qui équipe les BAe 146-200 et -300. Le Wright Spirit devrait entrer en service en 2026.

Pour mémoire, Airbus, Siemens et Rolls-Royce avaient choisi la même plate-forme du BAe 146 pour le projet E-Fan X, lancé en 2017. Le démonstrateur d’Airbus devait être pourvu d’un seul moteur électrique de 2 MW installé à la place de l’un des quatre moteurs thermiques. En avril 2020, le consortium annonçait l’abandon du programme du démonstrateur d’avion électrique. Wright, de son côté, tient bon depuis 2016 et ambitionne un premier test avec un seul moteur électrique en 2023, puis deux en 2024 et enfin quatre en 2025.

En coopération avec BAe Systems, Wright envisage d’installer son moteur électrique de 2 MW sur un BAe 146. © Wright Electric

L’objectif à terme est d’installer 10 moteurs de ce type sur le Wright 1, un monocouloir de 186 sièges encore à l’état de concept et qui devrait quant à lui entrer en service en 2030, ce qui lui donnera une puissance totale de 20 MW. « L’équivalent d’un A320 actuel » précise Jeff Engler, directeur de Wright Electric qui poursuit : « une formule avec deux moteurs de 2 MW est envisageable par exemple sur un AT-42. »

Le moteur a été testé pour la première fois en septembre 2021 et Wright Electric poursuit ses tests avec le convertisseur « haute performance » fait maison. Les essais actuels visent à placer le moteur dans un caisson simulant les hautes altitudes.

La prochaine étape est de choisir le mode de stockage de l’énergie dédiée au moteur.

Dans un « livre blanc » publié sur son site web le 4 novembre 2021, Wright Electric présente l’état de ses réflexions, aux allures d’un cahier des charges, pour son système de production et de stockage de l’énergie. L’objectif de ce livre blanc est d’élargir le champ des réflexions autour du sujet et de recueillir les avis de la communauté aéronautique.

L’attention de Wright Electric s’est portée sur deux systèmes que la start-up juge en phase avec son projet Wright Spirit. Plusieurs prérequis président au choix final du système de génération et de stockage de l’énergie.

Le système retenu devra être suffisamment léger et compact pour être intégré dans un espace compatible avec les avions de transports régionaux sans apporter de modification structurelle, la densité massique d’énergie de la solution devra être au moins égale à 750 wh/kg avec une énergie totale de plus ou moins 10 Mwh.

Le tout devra être opérationnel en 2026, une contrainte de temps courte et ambitieuse. « Nous devons être capable de choisir non pas ce qui serait possible d’ici à 10 ans, mais ce qui est certifiable sur le même pas de temps » précise le livre blanc.

« Idéalement, l’avion permettra des vols zéro-émissions, mais du carburant d’aviation (par exemple dans un turbogénérateur), pourrait être nécessaire pour les réserves » précise Wright Electric dans son livre blanc.

Sur cette base, la start-up est actuellement en train d’étudier deux solutions d’énergie pour alimenter son moteur : les piles à hydrogène et les piles à aluminium.

Le livre blanc détaille les deux solutions, de la fabrication de l’hydrogène et de l’aluminium jusqu’à leur utilisation opérationnelle dans le cadre d’un futur avion commercial. Dans la démonstration faite par Wright Electric, les deux matériaux permettraient de faire voler un monocouloir sur 400 miles (644 km) avec 150 passagers, voire davantage.

Mais la démonstration prend en compte des développements majeurs en terme d’aérodynamique et de gain de masse, qui seraient appliqués à un projet de monocouloir de nouvelle génération. Dans cette hypothèse, l’avion serait mis en service en 2035, alors que l’objectif de la start-up vise une entrée en service en 2026. C’est la raison majeure qui pousse Wright, dans un premier temps, à rétrofiter un BAe 146.

En 2020, easyJet a signé un accord de partenariat avec Wright pour soutenir la start-up dans le développement de son concept d’avion électrique, le Wright 1. © easyjet

Dans l’hypothèse de piles à combustible à hydrogène, des réservoirs seraient chargés en soute pour le vol puis, à l’issue, remplacés par des réservoirs pleins pour entreprendre le vol suivant. Les réservoirs vides seraient remplis dans un centre de production. Wright imagine que la production d’hydrogène liquide pourrait être entreprise sur l’aéroport, avec la contrainte du passage de l’hydrogène de l’état gazeux à liquide qui nécessite une température de -253°C et un stockage limité à une journée selon Wright Electric.

D’une manière similaire dans l’opération, avec l’aluminium, des cartouches seraient chargées dans la soute de l’avion qui abrite le système de génération d’énergie. Après le vol, les cartouches seraient remplacées par des neuves et les usagées seraient retournées à leur fabricant pour les recharger.

D’un point de vue des coûts de maintenance, Wright a calculé que l’aluminium permettrait un coût similaire à celui d’un turboréacteur classique, lorsque l’utilisation de l’hydrogène et le biofuel seraient respectivement 25% et 32% plus chers en coûts de maintenance.

L’aluminium est une solution à mi-chemin entre la batterie et la pile à combustible. Comme une batterie, l’aluminium nécessite une réaction chimique avec de l’oxygène.

Le désavantage majeur de l’aluminium-air selon Wright est le poids du système embarqué plus élevé qu’un système utilisant l’hydrogène.

Si l’énergie spécifique de l’aluminium-air est 30 à 40% inférieure à celle de l’hydrogène, et puisque la majorité des vols de monocouloirs sont entrepris sur des distances inférieures à 800 miles, l’utilisation de l’aluminium-air, d’après le livre blanc de Wright, permet toutefois de conserver tout son intérêt.

En outre, l’aluminium présenterait l’avantage de pouvoir s’intégrer facilement en retrofit dans un avion régional et ne nécessite pas d’infrastructures aéroportuaires importantes, à la différence de l’hydrogène.

En conclusion, Wright estime que les piles à combustible à hydrogène liquide, comparées à l’aluminium-air, offrent une distance franchissable importante, un poids limité, mais des opérations plus complexes et un coût plus élevé.

Alors laquelle choisir ? Wright vous appelle à l’aide, cher lecteur, et souhaite recueillir votre avis (motivé) dans le cadre d’une consultation participative à laquelle chacun peut répondre.

Fabrice Morlon

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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