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A chacun son avion

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Martin R.

Comme toutes les autres activités économiques, le transport aérien se segmente. Du hard low cost au jet d’affaires mis à la disposition de ses passagers par Lufthansa, l’offre des compagnies aériennes est devenue multiple. Celles des aéroports aussi…


Il est évident que l’on ne voyage plus en avion, aujourd’hui, comme on le faisait encore, dans les années 80. L’expression  » prendre l’avion  » est devenue presque désuète tant les expériences individuelles du voyage aérien vécues par deux passagers peuvent être radicalement différentes. Au cours de la dernière décennie, le transport aérien a connu un bouleversement spectaculaire.  » Pour expliquer cette évolution, je fais souvent le parallèle avec la grande distribution « , affirme Lionel Flasseur, directeur marketing d’Aéroports de Lyon.  » Au départ, dans un supermarché, l’offre produit était uniforme. Elle reposait sur les grandes marques nationales. Puis sont apparus les marques distributeurs et les produits  » premier prix « . Dans un même lieu, sur un même rayon, la segmentation s’est faite, sur le prix, entre la marque nationale, la marque distributeur et le premier prix. Puis est arrivé le hard discount avec une communication basée uniquement sur le prix. Et bien, pour le transport aérien, c’est exactement le même cas de figure « . Ce que résume Lionel Guerin, président de la Fédération nationale de l’aviation marchande :  » ce sont les consommateurs qui décident désormais des prix, non plus les compagnies, d’autant qu’internet leur donne la possibilité de comparer « .

Le consommateur impose le prix du billet

 » Deux phénomènes concomitants sont à l’origine de cette évolution. Il y a d’une part l’apparition des low cost, d’autre part la libéralisation réglementaire « , explique Cédric Pastour, PDG d’Aola, entreprise de services orientée sur les métiers du transport aérien et du tourisme.  » Les frontières entre le régulier et le charter ont explosé. Chacun a pu dès lors se positionner sur son marché « . L’amorce de cette clarification au niveau du positionnement des différents transporteurs aériens remonte au milieu des années 90.

C’est à cette époque que Cédric Pastour a lancé sa propre compagnie charter baptisée Star Airlines (il l’a vendue depuis).  » Il y a eu beaucoup de suspicion, au départ, sur le fait que nous étions l’une des premières compagnies charter françaises à mettre en ligne des avions flambant neufs. A l’époque, le charter c’était essentiellement de vieux avions qui ne coùtaient pas cher à l’achat et qui volaient peu « . Aujourd’hui, il est clair, pour les compagnies aériennes, que la réduction des coùts de production passe par des avions adaptés au marché visé.

Quand il a créé Airlinair en 1999, Lionel Guérin a misé sur l’ATR, un choix à contre courant à l’époque où la jetmania s’était emparée du transport régional européen. Aujourd’hui, il exploite une flotte monotype de 24 avions, la plus importante en Europe. De même que l’ATR est taillé pour les lignes de 600 km, dont Airlinair s’est fait une spécialité, le Boeing 737-800, adapté aux routes loisirs de 2h30, est devenu l’avion emblématique des low cost. C’est le modèle qui compose la flotte de Ryanair, ou encore celle de Transavia.com, dont la filiale française, présidée par Lionel Guérin, a débuté ses opérations en mai 2007.  » Il offre le coùt au siège le plus performant « , affirme ce dernier pour qui,  » la révolution fondamentale  » a été internet.

Le déclic internet

En faisant voler en éclats les circuits de distribution des billets d’avion et en permettant aux transporteurs de vendre en direct au consommateur final, il est évident qu’internet a été le catalyseur du développement des low cost. Toutefois, là encore, il ne s’agit pas de mettre toutes les low cost dans le même panier. Si certaines, à l’image de Ryanair, appliquent à la lettre ce principe au point que leur stratégie de développement soit étroitement liée aux partenariats qu’elles sont capable mettre en œuvre avec des aéroports et des collectivités locales, d’autres se positionnent, du point de vue marketing, comme des compagnies classiques. C’est en particulier le cas d’easyJet qui a choisi de ne desservir que les aéroports principaux au risque assumé de présenter un prix moyen du coupon supérieur.

Dans le sillage de ces deux géants, de multiples petites compagnies low cost sont apparues aux cours de ces dernières années en Europe, à l’image de Vueling ou de ClickAir qui, tout en proposant des tarifs attractifs, sensiblement en dessous de ceux des compagnies traditionnelles, offrent un éventail de services plus ou moins important. A défaut de bénéficier d’une notoriété comparable à celle de Ryanair, c’est aussi, pour ces transporteurs plus discrets, une manière de se distinguer les unes des autres et de fidéliser une clientèle.  » Pour durer sur ce marché, les petits prix doivent être associés à une grande qualité de service. C’est la condition pour que les clients reviennent « , affirme Lionel Guerin. C’est ainsi que certaines, à l’image de la suisse Fly Baboo, vont jusqu’à offrir des salons privatifs à leurs passagers réguliers et à mettre en place des programmes de fidélité. Entre l’irlandaise Ryanair et la suisse Fly Baboo, c’est évidemment le grand écart.

Face à cette lame de fond, les compagnies traditionnelles ont été contraintes, elles aussi de tailler dans leurs coùts d’exploitation et d’affiner leur positionnement…, avec plus ou moins de réussite. Des transporteurs nationaux, comme Swissair, Sabena ou Alitalia n’y sont d’ailleurs pas parvenus. D’autres, tels que Air France ou Lufthansa, ont, au contraire, brillamment réussi en misant sur le cœur de métier et sur leurs points forts, notamment leurs réseaux qu’elles optimisent en prenant le contrôle de compagnies régionales européennes et en nouant des partenariats avec les transporteurs du monde entier.

Aujourd’hui, ces transporteurs historiques se battent entre eux, sur leur marge, sur la qualité des prestations offertes et sur les programmes de fidélité. Pour retenir les passagers dits à haute contribution, tentés par l’aviation d’affaires, à l’image de Lufthansa, ils sont capables de déployer une offre de service toujours plus étonnante.

Une attente forte vis-à-vis des aéroports

La différenciation du service en fonction de la clientèle ciblée est également une réalité dans l’aéroport vis-à-vis duquel, les transporteurs sont de plus en plus exigeants. La compagnie indienne Jet Airways vient de choisir Bruxelles comme escale de ses vols entre l’Inde et la côte est de l’Amérique du nord, parce que c’est le seul grand aéroport européen qui lui a notamment permis d’aménager un salon VIP de 600 m2.  » Nous nous différencions des autres transporteurs en proposant une expérience de transit  » insiste Emmanuel Menu, directeur Europe de Jet Airways.  » Nous avons redéfini notre offre afin que le passager choisisse Bruxelles pour cette raison « .

Il apparaît clairement à travers cet exemple, que l’aéroport est en passe de devenir un élément essentiel de l’offre des compagnies. Cela est déjà acquis du côté des low cost qui exigent des aéroports qu’ils intègrent dans leur proposition, leurs besoins spécifiques, diamétralement opposés à ceux des majors.  » Nous n’avons pas besoin de passerelles, deux escaliers suffisent. Nous n’avons pas non plus besoin de bus, en revanche, nos passagers doivent pouvoir aller à pied du terminal à l’avion « , expliquait Christian Mandel, le PDG de Sky Europe, à la tribune de French Connect, la réunion annuelle des compagnies low cost européennes et des aéroports français. Les aéroports français ont compris le message.

 » Aujourd’hui, Lyon-Saint Exupéry est un aéroport multispécialiste qui répond aux besoins des différents types de compagnies « , résume Lionel Flasseur.  » Le trafic conventionnel est traité au niveau des terminaux 1 et 2, avec une différenciation entre trafic régulier et trafic charter. Le trafic en correspondance est traité au niveau de la Jetée qui assure le temps de connexion le plus bas d’Europe. Enfin, le trafic low cost sera traité dans l’aérogare à services simplifiés « .

Mais Aéroports de Lyon a choisi de pousser encore plus loin la segmentation de son offre en créant, au niveau de l’agglomération lyonnaise, un véritable système aéroportuaire articulé autour de la plate-forme principale de Lyon-Saint Exupéry.  » Nous avons établi un protocole d’accord marketing et commercial avec l’aéroport de Saint-Etienne qui est appelé à se développer sur le créneau du hard low cost, et nous avons renforcé la vocation affaires de Bron, en modernisant l’aérogare et en mettant en place une nouvelle assistance en escale. Nous sommes ainsi en mesure de répondre à chaque segment de marché « .

Le mouvement est enclenché. Pour tous les observateurs, il est acquis que dans les années à venir, la consolidation du transport aérien va se poursuivre à travers le rapprochement de compagnies, et que pour survivre, les transporteurs indépendants devront travailler sur niches encore plus étroites.

Gil Roy. Aéropresse N°112 / Septembre 2007

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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