Le transfert de propriété, de l’Etat vers les collectivités locales, des aérodromes français est en marche. Tout doit être fait avant la fin de l’année prochaine. Les pilotes privés, premiers concernés, ne semblent pas avoir pris la mesure de cette menace sans précédent. Plus de 100 terrains d’aviation sont menacés de fermeture dans les 10 ans à venir. Une vingtaine à court terme. C’est maintenant qu’il faut réagir. Le 1er janvier 2007, il sera trop tard !
C’est un tsunami qui va déferler sur l’hexagone. Le phénomène a été déclenché dans les profondeurs de la décentralisation, en aoùt dernier, sans que personne n’y prête attention. Le mouvement irréversible est enclenché et les conséquences sont inéluctables. Sur les terrains concernés, les pilotes privés continuent à faire des tours de pistes comme si de rien n’était. Pourtant, on sait, avec précision que la vague atteindra les aéro-clubs le 1er janvier 2007. Apparemment, bien peu ont pris la mesure du désastre qui se prépare. Il ne leur reste plus que quelques mois pour éviter que leurs aérodromes ne soient rayés de la carte par dizaines.
Compte à rebours enclenché
L’article 28 de la loi du 13 aoùt 2004 relatives aux libertés et responsabilités locales, prévoit le transfert aux collectivités locales ou à leur groupement, de la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion des aérodromes appartenant à l’Etat, au plus tard au 1er janvier 2007. C’est-à-dire, au maximum dans 21 mois. On peut imaginer que les collectivités locales qui ont tout fait pour retarder le vote de ce volet de loi de décentralisation qui ne concerne pas uniquement les aérodromes d’ailleurs, vont accélérer le mouvement maintenant que la balle est dans leur camp. Non pas parce qu’elles se sont découvert une passion pour l’aviation, mais surtout parce que ce transfert relève pour certaines du cadeau empoisonné, pour d’autres d’une opportunité de réaliser un joli coup.
Pour Claude Penot, le président de la Fédération française aéronautique, » c’est le plus gros problème qui se pose à l’aviation générale aujourd’hui « . C’est aussi notre sentiment. Pourtant, il apparaît que peu de pratiquants en aient pris la mesure et ceux, comme Léon Robin, président du Comité régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui tentent d’alerter leurs congénères, se font traiter de Don Quichotte sur le forum fédéral.
Concrètement, l’Etat va offrir aux collectivités locales qui en feront la demande, les 151 aérodromes qu’il lui appartient. Et si aucune d’entre elles ne se portent acquéreur, il en désignera une d’office par terrain.
Trois cas de figure
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Michel Maman qui a en charge, au sein de la DGAC le dossier du transfert de propriété des aérodromes, distingue trois cas de figure. Il y a d’abord celui des grands aéroports dont l’exploitation actuelle est déléguée à une chambre de commerce, une communauté de communes ou un syndicat mixte. » A court terme, la continuité est assurée « . A l’expiration des contrats de concession, les nouveaux propriétaires pourront éventuellement les renégocier.
Il y a ensuite, le cas des aérodromes qui ont déjà fait l’objet d’une dotation domaniale, c’est-à-dire, qu’avant même que la loi de transfert n’ait été votée, les collectivités locales se sont portées candidates. La loi ne fait qu’achever le processus de patrimoine. » Les risques de rupture à court et moyen termes sont extrêmement faibles « . Enfin, il y a le cas des terrains gérés directement par l’Etat. En même temps qu’ils vont changer de propriétaire, ils vont également changer de gestionnaire. » Les collectivités ne devraient pas prendre de décision précipitées « .
Il n’en demeure pas moins que pour ces terrains, au nombre d’une cinquantaine, l’incertitude est la plus grande.
La FFA a déclenché, fin 2004, un recensement global de tous les aérodromes français avec l’aide de l’UCCEGA (Union des chambres de commerce et gestionnaires d’aérodromes). Le but est d’évaluer le risque de fermeture pour chacun d’entre eux avant d’alerter les ministères de tutelle (Transports et Jeunesse-Sports) et d’essayer de dresser avec eux, un rempart autour des plates-formes les plus vulnérables.
Trois ans pour se retourner
Dans son rapport (cf Aviasport n°602, janvier 2005), le sénateur Belot résume assez bien la problématique : » les collectivités locales n’ont parfois conscience de l’intérêt que représente un terrain d’aviation que par le développement économique qu’apporte une ligne régulière, ou, et à tout le moins, l’aviation d’affaires. L’aviation sportive et de loisirs ne crée que peu d’emplois. Elle consomme un espace foncier important. Elle est source de conflits avec les riverains. »
Le sénateur préconise que les collectivités locales appliquent strictement l’article L221-1 du code de l’aviation civile qui prévoit, pour toute ouverture à la circulation aérienne publique, une convention entre l’Etat et le créateur de l’aérodrome. » Les conventions conclues lors du transfert devraient prévoir le maintien de l’affectation du terrain dans un laps de temps à déterminer, afin de prévenir les usagers contre des décisions précipitées de fermeture qui seraient irréversibles. »
Concernant plus particulièrement les aéroports de la région parisienne gérés par Aéroports de Paris et pour lesquels, dans la perspective de la privatisation d’ADP la question de leur avenir se pose avec acquitté, le rapporteur recommande que le cahier des charges prévu par loi comporte le maintien des aérodromes existants et définisse le niveau de services qui devra être maintenu.
Mais ce ne sont là que les propositions d’une mission parlementaires. Dans les faits, il est prouvé, qu’elles sont rarement suivies d’effet. De son côté, la DGAC consciente des risques, étudie la possibilité d’imposer aux futurs gestionnaires, d’accorder un préavis de trois ans, en cas de décision de fermeture d’un aérodrome. Il faut souhaiter qu’une telle mesure devienne, non plus une recommandation, mais une obligation légale, en étant transposée dans les décrets d’application de la loi. Ces décrets n’ont pas encore été publiés.
Pour sa part, la Fédération française aéronautique semble décidée à jouer la carte du Ministère de la jeunesse et des sports, en s’appuyant sur le fait qu’il est possible de fermer un équipement sportif qu’à la seule condition d’en ouvrir un autre équivalent. C’est en mettant en avant ce texte, que l’aéro-club de Vienne (Isère), il y a une quinzaine d’années, est parvenu, d’extrême justesse à sauver son terrain, mais pas sa piste en dur. Les temps ont changé et il devient de plus en plus difficile de faire passer l’aviation de loisir pour une activité sportive dédiée à la jeunesse.
Pas de fatalité
Mettez-vous à la place du maire qui récupère plusieurs dizaines d’hectares. Il peut décider de réaliser une juteuse opération financière en revendant les terrains en zone industrielle ou pavillonnaire. Par la même occasion, il résout un problème récurrent qui oppose depuis des années les riverains de l’aérodrome aux usagers. En choisissant cette option, il est gagnant sur tous les tableaux. Rien ne l’en empêche puisqu’il est le nouveau propriétaire foncier.
Tous les maires ne sauteront pas sur l’occasion qui leur est offerte de fermer une plate-forme. Tous ne sont pas avides de réaliser une opération financière. Beaucoup sont attachés à leurs aérodromes qui, d’une certaine manière, font partie du paysage, voire de l’histoire locale. Mais dans de nombreux cas, la commune ou la communauté de communes qui va récupérer la patate chaude, n’aura pas les moyens financiers de faire face aux charges. Même si l’Etat prévoit de transférer les budgets de fonctionnement, lorsque des investissements devront être réalisés ou des mises aux normes devront être faites, ce le sera aux frais du nouveau propriétaire. Cette éventualité peut effrayer certains élus qui craindraient de devoir justifier devant leurs administrés ou face à l’opposition locale, de telles dépenses pour le seul profit d’une poignée de pilotes privés qui n’ont pas toujours une très bonne image.
Prendre les devants
A ce stade, tous les scénarios catastrophes peuvent être imaginés. Selon un responsable d’une des sociétés spécialisées dans la gestion aéroportuaire, entre 150 et 200 aérodromes pourraient se retrouver dans la balance dans les années à venir. Pour Claude Penot, il existe un réel danger de fermeture pour une vingtaine de sites. Il est capital de réagir et surtout de ne pas attendre qu’une décision irréversible ait été prise pour crier à l’injustice.
Il est urgent que les usagers des aérodromes prennent enfin l’initiative. Pour Michel Maman de la DGAC, il est important que ce soit eux, qui, d’une certaine manière, choisissent le futur propriétaire de leur terrain, en fonction de leurs affinités et de sa proximité. Cela signifie aussi qu’ils vont devoir aller expliquer aux élus, non seulement les enjeux de la décentralisation, mais également ce qu’est un aérodrome et comment il doit être géré. Lorsqu’en Provence-Alpes-Cote d’Azur, Léon Robin, en qualité de président du comité régional, a rencontré le vice-président de la Région, il a eu la surprise d’entendre l’élu lui dire qu’il découvrait l’existence de plusieurs aérodromes.
Les responsables d’aéro-clubs (vous aurez remarqué au passage que les problèmes finissent toujours pas retomber sur les mêmes !) qui voudront s’engager dans une telle démarche de sensibilisation vont devoir très rapidement aller chercher l’information auprès des directions régionales de l’aviation civile et de leur fédération. Même si Claude Penot affirme que le dossier des aérodromes est sa priorité du moment, les services de la FFA seront-ils compétents et disponibles pour faire face aux demandes de la base ? Rien n’est moins sùrs d’autant que plus la menace se fera précise, plus les sollicitations seront nombreuses.
Accepter la gestion du terrain
Pourtant, le président de la Fédération estime que beaucoup d’associations n’auront pas le choix. Elles devront assumer la gestion de leur plate-forme pour la simple et bonne raison que personne ne le fera à leur place. Faute de volonté locale, le terrain pourrait cesser son activité. Reste à savoir si, des dirigeants de clubs, qui consacrent déjà une part importante de leur temps libre à gérer un aéro-club peuvent en faire plus encore. Sans parler des responsabilités nouvelles que cela induit.
Le maintien en état des installations, la veille réglementaire pour éviter de se retrouver en infraction, la gestion quotidienne des comptes et la recherche de moyens de financement des investissements et des charges d’entretien, l’application des nouvelles normes… tout cela constitue une charge de travail non négligeable. D’autant qu’il ne faut pas se faire d’illusion : on demandera beaucoup plus aux futures gestionnaires qu’aux actuels.
Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment, sur les grands aéroports, la Police aux frontières est devenue tatillonne depuis que l’Etat à délégué l’inspection et le filtrage des passagers et de leurs bagages à des sociétés privées. Les fonctionnaires de police ne font pas de cadeau. Quand les services de l’Etat n’ont plus la responsabilité d’appliquer eux-mêmes les règles qu’ils édictent, mais simplement à veiller à leur application, ils font souvent preuve d’un zèle excessif. Tant que l’Etat, via ses services de l’Aviation civile, a en charge l’entretien du marquage au sol, il est sans doute moins regardant sur la blancheur des bandes. Les nouveaux gestionnaires de Grenoble et de Chambéry sont en train de le découvrir à leurs frais.
En même temps que la DGAC se désengage, de nouvelles normes européennes s’imposent. Elles viennent alourdir les coùts d’exploitation. Dans les années à venir, les utilisateurs des aérodromes n’échapperont pas, non plus, à la nécessité de mettre en œuvre des chartes de l’environnement qui les engageront vis-à-vis des riverains, des collectivités locales et des pouvoirs publics. Il faut savoir qu’une charte n’est pas un simple bout de papier, mais un véritable contrat négocié avec les parties prenantes, souvent au terme d’âpres discussions pendant des mois. Ensuite, il faut prévoir des rapports d’étapes réguliers. C’est lourd.
Gestion associative
La question est de savoir comment un aérodrome peut être géré de manière associative. A travers le territoire national, il y a plusieurs exemples de plates-formes gérées par des usagers prouvent au quotidien que cela est possible. Il s’agit le plus souvent de petits terrains équipés de piste en herbe. Pour le président de le Fédération, lui-même gestionnaire de l’aérodrome où est implanté son aéro-club, les pilotes privés vont devoir faire preuve de créativité pour mettre en œuvre les solutions les plus économiques. Ils devront aussi se poser la question de savoir s’ils ont besoin de tout le terrain ou si au contraire, ils peuvent se contenter que d’une partie seulement pour réduire les frais d’entretien notamment.
L’aéro-club d’Albi est confronté à la volonté de son gestionnaire de fermer le terrain. Le déficit annuel d’exploitation actuel est d’environ 180.000 euros. Dans ce cas de figure, il est évident que l’association ne peut pas prétendre assumer la gestion et supporter une telle charge, même pour éviter la fermeture. Combler ce déficit, reviendrait à augmenter le prix de l’heure de vol de 120 euros. En revanche, n’y aurait il pas une solution intermédiaire qui consisterait à réduire à la fois la zone réservée et le niveau des prestations. Ne vaut-il pas mieux sacrifier l’activité IFR pour préserver le VFR ? Ce problème se pose rarement de cette façon. Est-ce une raison pour ne pas proposer un tel marché aux collectivités locales ? C’est vers ce type de réflexion que le président de la FFA voudrait entraîner les aéro-clubs. Une chose est sùre : dans les mois à venir, il faudra savoir faire feu de tous bois.
La Fédération ne pense pas qu’elle puisse intervenir dans la gestion. Elle se dit prête à aider au montage de dossier et à la rédaction de la convention de gestion. Elle ne croît pas en ses capacités à gérer à distance. Elle croit plus, en revanche, au regroupement de pilotes volontaires au sein de comités départementaux ou régionaux.
Les semaines à venir vont être décisives. La question des aérodromes n’est pas en tête des préoccupations des élus locaux. La décentralisation est un chantier monumental qui comporte d’autres aspects beaucoup plus impliquant pour la collectivité. Il n’en demeure pas moins qu’elle devra être traitée avant mi-2006. La DGAC, à travers ses directions régionales, entame la sensibilisation des élus. C’est le moment pour les usagers des plates-formes concernées par la réforme de s’organiser, de s’informer, d’échafauder des scénarios et d’entamer des négociations.
Le plus grand danger actuel n’est pas qu’une brèche soit ouverte. C’est lié la passivité des pilotes.
Gil Roy. Aviasport N°604 / Mars 2005
Pour communiquer avec ses sous-marins, l'U.S. Navy a besoin d'avions capables d'établir la liaison grâce… Read More
2.000 recrutements en 2025, mais aussi 2.200 par an de 2026 à 2030 : les grands… Read More
Vous avez aimé Top Gun ? Vous avez adoré Top Gun Maverick ? Avec Romain… Read More
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More