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Aéroports et low cost sur la même ligne

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Martin R.

En dépit d’une volonté commune des aéroports français et des compagnies à bas coùts, manifestée à l’occasion de French Connect, la part du transport aérien low cost sur le marché français progresse péniblement.


French Connect a réuni cette année à La Baule (25-27 avril) 45 aéroports français et 25 compagnies low cost européennes. Plus encore que la participation en hausse par rapport à l’édition précédente de 2006, le fait marquant est l’évolution du discours des compagnies qui illustre clairement le chemin parcouru depuis 2004 ; les aéroports et les opérateurs sont désormais sur la même longueur d’onde.  » Les relations sont arrivées à maturité  » résume François Marie, directeur de l’aéroport Nantes-Atlantique, hôte de cette quatrième édition. Les uns et les autres dressent également un constat convergent de la situation singulière du marché français : la France est à la traîne et les entraves au développement des low cost à l’intérieur de l’hexagone ne permettent pas de combler ce retard, tout au plus à l’expliquer.

Lanterne rouge

 » Avec 18 millions de passagers, soit 13,2% du total du trafic enregistré par les aéroports français en 2006, la part du low cost en France, est la plus faible d’Europe « , déplore Jacques Sabourin, délégué général de l’Union des aéroports français (UAF). Le low cost étant devenu le moteur du transport aérien intra-européen, le taux de croissance des aéroports français (+4,5 % de 2006/2005) est aussi, par voie de conséquence directe, l’un des plus bas.  » Même si la croissance française peut apparaître satisfaisante « , ajoute-t-il,  » elle est sensiblement deux fois moins importante que celle de la plupart des autres grands pays de la Communauté européenne « .

C’est pour tenter de recoller au peloton de tête que l’UAF a mis sur pied, en 2004, le premier French Connect, sur l’idée de  » Routes « , le grand marché mondial des nouvelles lignes aériennes qui réunit une fois par an les responsables réseau des compagnies aériennes et les équipes marketing des aéroports du monde entier. Dans le cadre de Routes, un aéroport a 20 minutes, pas une de plus, pour convaincre un opérateur. French Connect laisse plus de place à la convivialité et aux rencontres informelles. Il offre également la possibilité aux compagnies de se présenter et d’expliquer leur stratégie à la tribune.

 » Nous avons de vrais contacts avec les compagnies « , explique Jean-Luc Cohen, directeur de l’aéroport de Pau-Pyrénées, venu à La Baule accompagné de sa responsable du développement.  » Au cours d’un seul déplacement, il est possible de rencontrer une dizaine de compagnies. French Connect est plus confidentiel que Routes « . Chaque aéroport obtient en moyenne entre huit et dix entretiens en tête-à-tête qui sont autant d’occasion de mettre en avant ses arguments, mais aussi de débuter une relation ou, le cas échéant, d’entretenir un contact.  » A force de se présenter, les compagnies finissent par nous repérer « .

Sortir de l’ombre

Les aéroports français manquent cruellement de visibilité sur ce marché concurrentiel du low cost. Participer à French Connect est une occasion de sortir de l’anonymat, l’accueillir est un moyen supplémentaire de sortir du lot et de démontrer son dynamisme. C’est le choix qu’a fait Nantes.  » Au cours des précédentes éditions nous avons noué des contacts qui ont débouché sur des ouvertures de lignes « , explique le directeur de l’aéroport nantais qui connaît une croissance à deux chiffres depuis deux ans.  » En 2006, nous avons progressé de 12,15% grâce au low cost. En organisant French Connect nous montrons notre plate-forme à 25 compagnies et nous leur présentons les attraits touristiques et économiques de notre région. A l’étranger Nantes n’a pas d’image « .

Grenoble qui organisera l’édition 2008 adopte la même démarche qui s’inscrit toutefois dans un contexte sensiblement différent. Cette plate-forme est gérée, dans le cadre d’une délégation de service public, par le groupement Vinci-Kéolis, également présent à Chambéry. Ce gestionnaire privé ne fait pas mystère de sa volonté de prendre pied sur d’autres plates-formes. Clermont-Ferrand, Lille et Beauvais font l’objet d’un appel à candidature dans le cadre du renouvellement de concession.  » Notre objectif est de constituer un réseau d’aéroports « , précise Nicolas Notebaert, directeur du développement France de Vinci Concessions. Dans cette logique, les négociations avec les compagnies prennent évidemment une autre dimension, en envisageant des accords de coopération non plus, sur une seule destination, mais simultanément sur plusieurs à travers l’hexagone.

Influencer la décision

Le temps des aéroports des petites villes prêtes à tous les sacrifices au risque de se retrouver hors-la loi, pour convaincre Ryanair d’ouvrir une ligne appartient à une autre époque. Aujourd’hui, les discussions se situent dans un cadre nouveau. Les choix des transporteurs sont guidés par les stratégies propres de développement de réseau qu’ils mettent en oeuvre.  » Ils ne demandent pas systématiquement des conditions particulières pour ouvrir une nouvelle ligne. Ils s’intéressent en revanche au potentiel « , explique Alain Favier, responsable du développement du réseau à Lyon-Saint Exupéry.  » Cela ne nous empêche pas de suivre attentivement toutes les livraisons à venir d’avions neufs de manière à aller proposer nos services aux compagnies qui vont les mettre en service « .

A la tribune de French Connect, Alex Cruz, le PDG de Click Air, compagnie low cost espagnole, filiale à 20% d’Iberia, est venu expliquer ce qu’il attendait des aéroports :  » Bien évidemment, des coùts aéroportuaires réduits nous permettent de prendre plus facilement des risques en ouvrant de nouvelles lignes, mais nous sommes plus pragmatiques, nous avons besoin de simulations financières concrètes. Nous attendons en particulier des aéroports qu’ils nous disent précisément que, par exemple, à l’été 2007 nous serons en mesure de transporter X milliers de passagers avec un prix moyen du coupon de X €. Et cela en s’appuyant sur des données vérifiables « . Depuis quelques années, les aéroports ont pris l’habitude de travailler dans ce sens et d’argumenter, études de marché à l’appui pour chaque ligne ciblée. Mais cela ne suffit pas toujours. La France ne lutte pas à armes égales avec les autres pays européens. En dépit des efforts déployés par les gestionnaires d’aéroports et les collectivités locales associées, des obstacles dissuasifs demeurent.

Dans la course au low cost, au sein de l’Europe, la France fait figure d’exception. Elle est le seul pays à ne pas disposer de sa propre compagnie à bas coùts. Même si Nobert Zoet, le directeur BtoC de Transavia.com a été invité à s’exprimer à la tribune de French Connect, il est difficile de considérer ce nouvel acteur du transport aérien français, filiale d’Air France, comme un transporteur low cost à part entière. L’absence d’un pavillon national sur ce créneau devrait stimuler les ardeurs des opérateurs étrangers. Ce qui n’est pas le cas. L’une des raisons invoquées se rapporte aux habitudes de voyage des français.  » 12% seulement des français voyagent en dehors de la France et d’une manière générale, ils choisissent des destinations francophones « , déclare Karim Makhlouf, directeur commercial de SkyEurope.  » Les compagnies low cost souffrent en France d’une mauvaise image. Elles sont associées aux charters, les consommateurs pensent qu’elles ne desservent que des aéroports secondaires et qu’elles ne sont pas sùres « .

Cette perception évolue positivement dès lors que les passagers commencent à emprunter des lignes à bas coùts, constate Loïc Chovelon, directeur de la communication de Marseille-Provence. Pour déclencher l’envie de partir, l’aéroport phocéen n’hésite pas à souffler des idées aux phocéens. Il a commencé par créer un site internet spécifique au nouveau terminal MP2 dédié au trafic low cost. Ce site se veut non pas institutionnel, contrairement à la quasi-totalité des sites internet des aéroports français, mais marchand.  » Le premier moteur de recherche concerne le prix TTC. Nous avons également créé un moteur événementiel qui présente tout ce qui se passe en bout de ligne, notamment les expositions culturelles. Nous avons 60.000 visites par mois avec 18% des contacts qui se traduisent en achat « .

Entraves réglementaires

L’image des low cost et les habitudes de consommation des français ne suffisent évidemment pas à expliquer les difficultés des opérateurs à bas coùts. Les deux principales raisons invoquées, une nouvelle fois, par les participants de French Connect, sont ailleurs : la France est trop chère et le marché est verrouillé par Air France. Cette dernière fait vraiment figure d’épouvantail auprès des low cost implantées dans l’hexagone ou qui manifestent la volonté de d’y développer des lignes.

La réglementation française est également mise en cause. Les récents déboires d’easyJet accusé de  » travail dissimulé  » sont, de ce point de vue, symptomatiques. La descente médiatisée d’un bataillon de gendarmes, de contrôleurs de l’Urssaf, des Douanes et de l’inspection du travail, en décembre dernier dans ses locaux d’Orly de la compagnie britannique a non seulement choqué François Bacchetta, le directeur France d’easyJet, mais elle a également impressionné les autres compagnies étrangères qui envisagent d’implanter des bases en France. Le décret de novembre 2006 obligeant les compagnies aériennes possédant une base en France à cotiser aux institutions françaises pour leur personnel est jugé comme une entrave au développement du marché low cost, au même titre que les taxes qui s’ajoutent les unes aux autres.  » Quand nous nous efforçons de gagner 10 centimes d’euros ici et là pour contenir notre prix de revient et que l’on nous impose arbitrairement une taxe de 2 ou 3 euros en prétendant qu’elle n’aura pas d’impact, c’est faux « , affirme François Bacchetta. La taxe Chirac est dénoncée par les transporteurs étrangers, comme la majorité des autres taxes et redevances qui viennent peser lourdement sur le prix à payer par le passager.

La démonstration faite par Karim Baina, le directeur marketing de jet4you est sans appel. Il a comparé les prix d’appel au départ de Casablanca, sur trois destinations lancées au printemps 2007 par sa compagnie :  » Sur Lyon nous arrivons à 46 € TTC, sur Marseille 41 € TTC et sur Charleroi 17 €TTC. La différence est due aux seules taxes « . Ce que confirme, en même temps qu’il le déplore, Philippe Wilmart directeur du marketing de Marseille-Provence :  » Le total des taxes est de 26 € à Marseille, quand il est de 2 € à Charleroi « .

 » Pour nous, il aurait été plus naturel de desservir Lille, plutôt que Charleroi, que peu de Marocains sont capables de situer sur une carte, mais nous n’avons pas hésité et nous ne le regrettons pas « , confirme le cadre de la compagnie marocaine qui encourage les aéroports à  » reprendre l’initiative « . Ce discours qui est aussi celui des autres dirigeants des low cost européennes à considérablement évolué au cours de ces derniers mois.

Intérêts convergents

Lors de la précédente édition de French Connect, les opérateurs n’hésitaient pas à accuser les aéroports de pratiquer des tarifs prohibitifs. Désormais, ils font la part des responsabilités en montrant du doigt l’Etat et en considérant les compagnies comme des partenaires. Pour Lionel Flasseur, le directeur marketing de Lyon-Saint Exupéry, cette évolution positive des mentalités est à mettre au crédit de French Connect :  » Les low cost ont pris conscience que les aéroports français font tout ce qu’ils peuvent pour réduire leurs coùts et qu’ils font du lobbying pour baisser les taxes « .

Les opérateurs qui se sont succédés à la tribune ont en effet clairement admis que trois quarts des taxes perçues allaient directement dans les caisses de l’Etat. Ils ne peuvent que constater les efforts réalisés par les aéroports pour réduire leurs tarifs. La généralisation des politiques de tarification incitative et la création des terminaux à services simplifiés illustre la détermination des aéroports.

Gilles Gantelet, de la Direction des transports à la Commission européenne estime que  » la France est en train d’évoluer sous la pression européenne. Les français prennent conscience que les aéroports sont des acteurs de marché en concurrence les uns entre les autres « . Lionel Flasseur se dit moins optimiste que le fonctionnaire européen :  » je ne suis pas sùr que la direction de la régulation économique ait pris encore conscience de la situation. Partant de là, il n’y a pas d’évolution à attendre « .

En quatre éditions, French Connect a permis de rapprocher les transporteurs et les aéroports. Il reste maintenant à amener l’Etat à participer aux travaux. Beaucoup de représentants des aéroports souhaitent que le ministère des finances soit présent l’année prochaine afin de l’encourager à réaliser des études d’impact globaux pour mesurer les retombées économiques du trafic low cost. Ils attendent également du ministère du tourisme une démarche comparable et qu’il s’intéresse en particulier aux évolutions de fond comme le  » city break « , ces séjours de très courte durée dans des villes européennes, favorisés par les prix attractifs des billets d’avion.

Au cours des douze mois qui ont précédé French Connect 2007, une centaine de lignes low cost ont été ouvertes en France, mais c’est ailleurs en Europe que se sont multipliées les implantations de bases.

Gil Roy. Air & Cosmos N°2076 / 4 mai 2007

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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