Air France rend sa nouvelle classe Affaires modulable

Contrairement à ce que pourrait laisser penser l’actualité récente, Air France ne pense pas que low cost. La compagnie nationale mise 500 M€ sur le réaménagement des cabines de sa flotte long-courrier. Elle ambitionne non seulement une montée en gamme pour rester compétitive face à ses concurrents du Golfe et du sud-est asiatique, mais elle vise également une optimisation de ses revenus grâce à un système astucieux de transformation rapide de la cabine.

Le 24 juin dernier, Air France a mis en ligne son premier Boeing 777-200 équipé de ses nouvelles cabines Economy, Premium Economy et Business. Durant tout l’été, le biréacteur affecté à la ligne Paris-New York a permis aux équipages commerciaux de se familiariser avec ce nouvel équipement. Le 29 septembre 2014, le deuxième 777 réaménagé est entré en service sur Singapour. Celui-ci (un 777-300) possède en plus, la nouvelle cabine Première. Au total, 44 Boeing 777 vont ainsi être rééquipés au rythme des « grandes visites », jusqu’à l’été 2016. La compagnie a décidé d’investir 500 millions d’euros dans cette montée en gamme qui s’annonce cruciale pour son avenir.

Les compagnies aériennes classiques (par opposition aux « low cost »), c’est bien connu, font leur marge sur les passagers dits à « haute contribution » qui voyagent en Première et en classe Affaires. Air France compte un peu moins de 2 millions de passagers « Affaires » sur un total de près de 80 millions de passagers toutes classes confondues. Toutefois ces clients représentent un tiers de son chiffre d’affaires. Il est donc vital de les soigner pour éviter qu’ils préfèrent la concurrence. Si le confort à bord n’est pas le premier critère de choix (les horaires, les fréquences, la qualité des correspondances mais aussi les avantages du programme de fidélité entrent également en ligne de compte), il reste différenciant.

Après plus de quatre années d’études et de développement, Air France a dévoilé ses nouvelles classes « Première » et « Business » début mai 2014, quelques jours après que Etihad Airways ait présenté ses somptueuses suites (#5016). Cruelle coïncidence qui ne remet ni en cause la qualité de l’offre française, ni la détermination de l’équipe, qui au sein d’Air France, a porté le projet. Au luxe ostentatoire, la compagnie française répond par un raffinement rationnel développé autour du siège Cirrus de Zodiac Aerospace, la référence du moment. Il a été adapté aux besoins d’Air France par le britannique Mark Collins (Design Investment) spécialiste de l’aménagement de cabine d’avions d’affaires.
L’implantation en épi des fauteuils évite tout vis-à-vis. La coque enveloppante isole le passager dans une bulle. A l’intérieur de ce cocon, il dispose d’un coffre pour ranger ses effets personnels, d’une console pour poser un livre ou un verre, d’un écran de 16 pouces (41 cm) orientable et d’une tablette. Grace à l’accoudoir escamotable, il est possible de se lever sans avoir à replier cette tablette. Le fauteuil dont l’assise se déplace d’avant en arrière se transforme en un lit plat (180°). Quatre boutons commandent ce fauteuil à 53.000 € (chaque siège coûte 100.000 € système de divertissement compris).

Au final, le passager, isolé dans sa bulle, dispose de sensiblement plus d’espace qu’avant. C’est une autre façon de voyager… Pour offrir un tel confort à ses passagers, Air France a consenti à supprimer 3 sièges par rangée de 7 pour n’en laisser plus que 4, chacun ayant désormais un accès direct à l’allée, ce qui constitue aussi un progrès. Au final, la capacité totale de la classe Affaires a été réduite de 8,7%. Elle représente 2.102 sièges répartis dans 44 Boeing 777 (40 contre 49 pour les 777-200 et 58 pour les 777-300).

Le siège adopté par Air France n’est pas seulement beaucoup plus confortable, il est aussi démontable. En fonction de la répartition saisonnière de la demande entre les différentes classes, il est ainsi possible de réaménager la cabine en remplaçant une partie des sièges Business par des sièges Eco. L’opération ne demande pas plus d’une nuit. Grâce à ce nouveau principe, en période estivale, sur une ligne comme Paris-New York, Air France ne refusera plus de passagers Eco alors qu’une grande partie de la cabine Business serait restée vide avant. Ce système a été emprunté à Lufthansa, première compagnie au monde à avoir introduit cette flexibilité dans sa flotte. Une flexibilité qui est synonyme de rentabilité.

Ce même siège équipera à terme la cabine des futurs 787 (entrée en service en 2017), mais Air France n’a pas encore décidé s’il serait ou non escamotable. Quant aux réaménagement des A330 et A380, le fauteuil Cirrus de Zodiac est en finale, mais le choix définitif n’a pas encore été arrêté. La mise à niveau des cabines des Airbus long-courriers sera le chantier qui suivra celui des 777, à partir de 2016.

Pour continuer à exister sur un marché hyper concurrentiel, Air France a choisi de se battre sur tous les créneaux, aussi si bien sur le low cost que sur le haut de gamme. L’actualité récente à quelque peu occulté cette réalité.

Gil Roy