Air Mauritius vient de réceptionner le premier de ses six A350-900 destinés à remplacer ses vieux A340-300. Comme beaucoup d’autres compagnies, elle a également choisi, en complément, l’A330-900neo. Ces deux longs courriers sont présentés comme les atouts de la plate-forme de correspondances qu’elle ambitionne d’implanter à Maurice. Air Mauritius va aussi devoir composer avec la pénurie croissante de pilotes long courrier. De récents événements démontrent que cette situation risque de lui poser problème.
Plus qu’une coïncidence, il s’agit d’un événement significatif, voire logique. Une simple question de probabilité. Le jour même où Airbus faisait voler pour la première fois son A330-900neo (19 octobre 2017), Air Mauritius venait prendre livraison à Blagnac de son premier A350-900.
Depuis le centre de livraison, l’équipe de réception du premier A350-900 d’Air Mauritius, présente à Blagnac depuis quelques jours, a suivi avec d’autant plus intérêt ce premier vol, que la compagnie mauricienne est cliente de l’A330neo. A quelques pas de là, parmi les invités d’Airbus, il y avait d’autres représentants de compagnies qui, comme Air Mauritius, ont fait le choix d’exploiter en complémentarité, les deux gros-porteurs européens.
Au moment du lancement de l’A350XWB, Boeing avait annoncé, un peu rapidement, que le nouvel avion allait remplacer l’A330. Certes 85 % des 45 clients du programme A350XWB exploitaient des A330, mais 30 clients de ce programme ont aussi acheté des A330 depuis le lancement de l’A350XWB. C’est le cas d’Air Mauritius, qui exploitent des A330 d’ancienne génération et qui après avoir opté pour six A350-900 a commandé deux A330-900neo.
L’A350-1000 et l’A350-900, avec respectivement 366 et 325 sièges en configuration standard triclasse, offrent une distance de franchissement d’environ 8.000 NM. L’A330-900neo (287 sièges) et l’A330-800 (257 sièges) possèdent un rayon d’action de 7.500 NM pour le premier et de 6.650 NM pour le second. Ces caractéristiques permettent d’adapter le module aux besoins, de coller au plus près aux données de la ligne. Ce qui fait dire à Somas Appavou, le PDG d’Air Mauritius que c’est « the right mix »
Et même si le premier A330-300 a été mis en service en 1994, l’A330neo fait figure aujourd’hui d’avion moderne. Le « neo » est équipé de moteurs de nouvelle génération Trent 7000 de Rolls-Royce, d’une voilure optimisée de grande envergure (64 m soit soit 3,7 m de plus) inspirée de celle de l’A350 XWB et dotée de nouveaux winglets « Sharklets » (dispositifs aérodynamiques d’extrémité de voilure). Airbus promet une réduction d’environ 25% de la consommation de carburant par rapport aux avions susceptibles d’être remplacés par l’A350-900 ou l’A330-900neo.
Côté cabine, l’A330neo est aménagé avec le concept Airspace développé pour l’A350XWB. Sur le réseau, les passagers qui passeront d’un avion à l’autre ne seront pas dépaysés. La cabine A330neo bénéficie notamment d’un nouveau système d’éclairage d’ambiance basé sur la technologie LED, comme l’A350 XWB, qui permet une personnalisation illimitée des couleurs et de l’intensité, et des scénarios représentatifs de l’image de marque de la compagnie aérienne. C’est loin d’être un gadget commercial.
C’est d’abord un moyen de personnaliser une cabine à moindre coût sans avoir à recourir à des décors intérieurs nécessairement coûteux. Les parois de la cabine demeurent neutres. Ce point est important au moment où la proportion des avions en location est croissante, ce qui signifie qu’un même appareil pourra voler sous plusieurs pavillons au cours de sa carrière commerciale. Les coûts de réaménagement sont ainsi limités.
Côté opérations, l’A330neo bénéficie également de plusieurs systèmes développés pour l’A350XWB. Il y a par exemple, le Runway Overrun Protection System (ROPS), une solution développée par Airbus afin de faire face à l’augmentation des incidents dus à des sorties de piste. « Le ROPS offre une amélioration significative de la sécurité, et permet de réduire le montant des primes d’assurance », explique François Obe, du marketing A350XWB.
L’A330neo bénéficie, comme l’A350XWB, de l’afficheur tête haute double (HUD – Dual Head-Up Displays). Ce système de guidage visuel qui permet la réduction des minima pendant le décollage et l’atterrissage, « a démontré sa capacité à accroître de manière significative la perception de leur environnement par les pilotes, à faciliter la transition entre le vol aux instruments et le vol à vue et à optimiser la stabilité des approches manuelles ». A noter que les deux premiers A350-900 d’Air Mauritius sont équipés du HUD, mais aussi que la compagnie n’a pas prévu de les mettre en œuvre. C’est le choix du loueur, en l’occurrence AerCap de standardiser ses achats. Liberté ensuite à ses clients d’utiliser toutes les options.
Le tour de force d’Airbus est d’avoir obtenu de l’EASA, l’agence européenne de sécurité aérienne, que l’A330 et l’A350XWB, malgré une génération d’écart, partagent la qualification de type commune (CTR – Common Type Rating). « Cette qualification permet une réduction de 65% du temps de formation pour les pilotes des compagnies (seulement huit jours) par rapport à une formation de qualification de type standard », souligne Airbus.
« Cette qualification de type commune permet aux compagnies de disposer d’un pool unique de pilotes pour les familles A330 et A350, assurant une hausse de 15% de la productivité des pilotes ». Il faut en effet 8 jours de formation pour un pilote qualifié sur un modèle pour l’être sur l’autre. Une demi-journée suffit pour passer de l’A330ceo classique à l’A330neo.
Sur ce coup, l’EASA a été plus libérale que les compagnies en offrant la possibilité aux pilotes de passer ainsi d’une machine à l’autre après seulement huit jours de formation. Bien que cela constitue, pour elles, un avantage en termes de gestion des équipages, les compagnies semblent franchir le pas de manière plus progressive.
C’est ainsi qu’Air Mauritius a décidé de faire voler ses pilotes exclusivement sur A350-900 pendant trois à six mois, avant d’envisager de les programmer indifféremment sur A350-900 et A330-900neo. Air Caraïbes qui a été la première compagnie française à mettre en ligne un A350-900 a adopté une démarche comparable, en concertation avec la DGAC.
Comme toutes les compagnies aériennes long courrier, Air Mauritius est confrontée à la raréfaction de plus en plus aigüe des pilotes de ligne long courrier expérimentés. Conjuguée à l’accélération des départs en retraite, la montée en puissance du trafic entraine un turn over important et des tensions au sein des compagnies. Le 5 octobre dernier, 11 pilotes d’Air Mauritius, se sont déclarés en arrêt maladie entraînant l’annulation de 4 vols de la compagnie. La réaction de la compagnie a été violente.
Elle a estimée qu’il s’agissait là d’une action concertée et organisée. En conséquence, trois des onze pilotes ont été licenciés sans préavis. Deux expatriés (européen et sud-africain) se sont vus signifier manu militari la résiliation de leur permis de séjour permanent par les autorités mauriciennes. Par solidarité, le SNPL (Syndicat national des pilotes de ligne) a dénoncé cette situation qui selon lui « marque le paroxysme d’un malaise déjà ancien au sein de la compagnie. » Interrogé sur ces événements, le nouveau PDG de la compagnie nous a affirmé que l’un des trois pilotes avait été réintégré et qu’il allait prochainement être transformé sur A350-900. Le problème demeure, et compte tenu de l’aspiration des pilotes, il ne sera pas facile à solutionner, d’autant qu’Air Mauritius affiche de grandes ambitions.
Air Mauritius a prévu de remplacer ses vieux A340 par des A350-900. Elle exploite actuellement quatre A340-300 classic (298 sièges dont 34 Affaires et 264 Eco) et deux A340-300E (300 sièges dont 34 Affaires et 266 Eco) par six A350-900 (326 sièges dont 28 Affaires et 298 Eco). Les deux premiers qui rejoignent la flotte en octobre et en novembre 2017, seront mis en ligne sur Paris, début 2018, après une période de prise en main par les équipages. Jusqu’à la fin 2017, les deux nouveaux avions seront programmés sur l’Afrique du Sud.
Les A330neo qui arriveront, un an plus tard, en novembre 2018, devraient être affectés au réseau régional. Les A350-900 desserviront également le réseau régional. C’est la manière d’optimiser l’exploitation de l’avion retenue notamment par les compagnies asiatiques, premières servies.
Actuellement, les 117 A350-900 en service dans 16 compagnies volent en moyenne 14 heures par jour. Les compagnies asiatiques alternent vols long courrier de nuit et vols régionaux diurnes, ce qui les contraint, par exemple, à exploiter deux avions pour une même ligne entre l’Asie du Sud-est et l’Europe. C’est ainsi que Singapore Airlines opère avec l’A350-900, la plus longue ligne (Singapour-San Francisco) et la plus courte (Singapour-Kuala Lumpur) de 45 minutes.
L’A350XWB a été conçu à partir d’une feuille blanche, en réponse aux besoins exprimés par les clients potentiels. Ce n’est pas qu’un argument de communication. C’est aussi une réalité que démontrent les faits. « Delta Airlines couvre la totalité de son réseau jusqu’à ses extrémités, c’est par exemple l’Inde au départ de New York », affirme François Obe. « L’A350XWB est la flexibilité poussée à l’extrême ».
Air Mauritius veut tirer parti de sa situation géographique au sud-est de la pointe de l’Afrique pour devenir un hub entre l’Afrique et l’Asie, les deux continents qui affichent les plus forts taux de croissance économique de la planète. Cette stratégie s’inscrit dans le plan « Vision 2030 » du gouvernement mauricien qui prévoit le doublement de la capacité de l’aéroport de Plaisance pour atteindre 8 millions de passagers, d’ici à deux ans, et sa refonte complète à terme.
La modernisation de la flotte d’Air Mauritius s’inscrit dans cette stratégie. « Nous avons choisi d’équiper nos A350-900 d’une classe affaires haut de gamme pour capter la clientèle affaires et les particuliers aisés, plutôt qu’ils aillent vers Emirates Airlines, même si Emirates est un partenaire », reconnaît Somas Appavou. La petite compagnie de l’océan indien (1,6 million de passagers en 2016) veut jouer dans la cour des grandes. Comme nous avons pu nous en rendre compte sur place, l’A350-900 a été accueilli sur l’Île Maurice avec fierté.
Gil Roy
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More
Il était le candidat malheureux de Sikorsky et Boeing face au V-280 Valor de Bell… Read More